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PÉNITENCE. SAINT THOMAS, L’ABSOLUTION


dans l’âme un mouvement de contrition encore informe, mais déjà universelle et souveraine. On sait, en effet, que saint Thomas distingue l’attrition de la contrition parfaite, parce que son acte est produit sans la vertu de charité : la question du motif, mise en lumière par la théologie postérieure, est laissée par lui dans l’ombre.

La difficulté réside donc dans la façon de concevoir la nature de cet acte d’amour, provoqué dans l’âme par la grâce opérante actuelle. C’est tout le problème du contritionisme et de l’attritionisme, repris de nos jours, précisément à propos de la pensée de saint Thomas, par le P. Périnelle, op. cit., 2e partie. Cet auteur estime que, pour saint Thomas, l’amour qui inspire l’attrition est déjà un amour de bienveillance qui nous fait aimer Dieu par-dessus toutes choses, sais cependant l’aimer encore d’un amour d’amitié qui est le propre de la charité parfaite. C. v, p. 1321 18. Son exposé est une exégèse, plutôt qu’un commentaire de la pensée de saint Thomas, exégèse que l’on trouve déjà dans Billuart, De peenitentia, diss. IV, a. 7, § 3-4 ; cf. Attrition, 1. 1, col. 2253. Il semble plus conforme à la pensée du maître de s’en tenir à un amour de concupiscence, dont l’acte se relie à l’espérance qui précède. In 7//um Senl., dist. XXVI, q. ii, a. 3, qu. 2, ad 3um ; IIa-IIæ, q. xvii, a. 8, et ad 2um ; q xix, a. 10 ; De spe, a. 3. Sur la distinction des deux amours vo.r Ia-II 33, q. xxvi, a. 4. Par l’espérance, explique nettement saint Thomas, on aime non seulement l’objet convoité, mais aussi le bienfaiteur de qui et par qui on espère l’obtenir. Cf. Ia-IIæ, q. XL, a. 7 ; q. xlii, a. 4, ad 3um. Cet amour se retrouve, tout au moins implicitement, dans le motif de crainte, dont saint Thomas condamne cependant la servilité II^-II 33, q. xix, a. 4. La fuite du mal qu’est la damnation éternelle procède du désir de jouir éternellement de Dieu, car « la crainte provient de l’éloignement éprouvé pour un mal et cet éloignement lui-même vient du désir du bien ». I a -I I 33, q. xli, a. 2, ad 3um ; cf.q. xliii, a. 1 ; q. cxiii, a. 5, ad lum ; Il a -II æ, q. cxxiii, a. 1, ad 2um. Et cette crainte, même servile, tout en se distinguant de la crainte filiale, IIa-IIæ, q. xix, a. 5, peut néanm >ins subsister avec la charité, pourvu qu’elle ne S31t pas exclusive de ce mouvement supérieur vers Dieu. Ibid., a. 6. Nonobstant l’imperfection de est amour, saint Thomas semble lui attribuer l’exécution de certains actes, où apparaît un amour de Dieu super o.nnia, sans que ces actes procèdent de la vertu de charité. In I I am Sent., dist. XXVIII, q. i, a. 3, sol. un., ad 2um.

Kicn ne servirait, pour justifier chez saint Thomas un concept d’attrition-amour, d’insister sur la plus le facilité qu’il y a de réaliser l’amour de bienveillance plutôt que la souveraineté de la contrition imparfaite. La charité inspire une contrition souveraine timpliciter ; l’attrition vraie se contente d’une souveraineté secundum quid. Sur l’explication de ces termes, voir Hillot, De sacramentis, t. ii, Rome. 1922, p. 133, note, et 1 11, ad lum.

Le rôle de l’attrition dans la justification par le Mcrement de pénitence (et il faut en dire autan) des autres sacrements, où l’attrition suffit à la justification du pécheur, voir col. 981) est simplement de supprimer l’obstacle a l’action du sacrement. Suppl., q. xviii, a. l Aussi, dis que l’acte d’attrition a opéré cette suppression, l’âme est disposée a la justification iincnlclle ; il n’est pas nécessaire que cette disposition du libre arbitre subsiste actuellement au moment de l’application du sacrement ; une persistance vit tuetle suffit. Cl In /V nn > Sent., dist. XVII, q i, qu. 2. ad 3um. Toutefois, il faut également considère] qu.- cette attrition (actuelle ou virtuelle) de lent, dans icrement de pénitence, lorsque le sacrement est

appliqué, partie essentielle de la matière du sacrement et, à ce titre, elle agit, avec les autres parties, et par la vertu de la forme, ejficienter sur la production de la grâce. Voir plus loin.

d) Son aboutissement dans l’attrition sincère, mais non universelle ou non souveraine. — On pourrait envisager le cas où l’attrition, bien que sincère, ne serait pas universelle, certains péchés mortels ayant été oubliés et l’attrition ne portant que sur les péchés remémorés : ce cas est pratiquement peu concevable, et il ne semble pas que saint Thomas l’ait envisagé dans le texte qu’on va citer. Il s’agit bien plutôt du cas où l’attrition est sincère, mais non souveraine : le pénitent gémit sur ses fautes passées, mais son regret ne s’élève pas jusqu’à les haïr comme un mal haïssable plus que tout autre mal. D’après notre docteur, l’attrition serait alors, comme matière, du sacrement, suffisante pour assurer sa validité ; mais comme disposition supprimant l’attachement au péché, elle serait insuffisante et rendrait le sacrement « informe ». Le texte mérite d’être cité : « La confession…, en tant que partie du sacrement, présente le pénitent au prêtre…, et cet acte sacramentel peut être posé par celui qui n’a pas la contrition (suffisante), puisqu’il peut découvrir ses péchés au prêtre et se soumettre aux clefs de l’Église. Bien qu’en pareil cas il ne reçoive pas le fruit de l’absolution, il pourra commencer de le recevoir, dès que cessera l’obstacle de ses mauvaises dispositions, comme il en arrive des autres sacrements… (Il) n’est pas tenu, dans la suite, de renouveler sa confession, mais seulement de confesser ses mauvaises dispositions. » Suppl., q. ix, a. 1 ; cf. In I Vum Sent., dist. XVII, q. iii, a. 4, qu. 1. D’après tous lés commentateurs de saint Thomas, il ne saurait être question ici du pénitent qui connaîtrait formellement sa « fiction », c’est-à-dire sa disposition insuffisante ; on suppose, de sa part, sincérité et bonne foi, et sa fiction ne saurait être coupable que veniellement ou dans la cause. L’opinion de saint Thomas est nette : comme partie du sacrement, cette attrition, insuffisante pour éloigner l’obstacle à la justification, est cependant suffisante pour assurer l’action du pouvoir des clefs. Et cette action atteindra son but de sanctification, dès que disparaîtra la fiction, soit par l’absolution donnée à cette fiction enfin connue, soit par l’infusion de la grâce sanctifiante, extrasacramentellement ou sacramentellement. L’hypothèse pose le cas de la reviviscence du sacrement de pénitence. Voir, pour l’explication de la pensée de saint Thomas, Billot, De sacramentis, t. ii, th. xvi ; Hugueny, La pénitence, t. ii, p. 461 sq.

2. Action du sacrement complète par l’absolution. — La matière du sacrement étant complète, intervient la forme, qui donne au sacrement sa réalité totale. Tout le sacrement alors, agissant sous l’influence de la vertu divine qui lui est communiquée par l’humanité du Christ, agit effectivement dans la production de la grâce, comme cause instrumentale mue divinement. Les textes de la Somme sont formels : « Tout sacrement produit son effet non seulement en vertu de sa forme, mais aussi en vertu de sa matière, les deux éléments ne formant qu’une seule réalité sacramentelle. C’est ainsi que…, dans le sacrement de pénitence, la remis sion de la faute est principalement causée par la vertu du pouvoir des clefs qu’ont les ministres. Ce sont eux qui posent le principe formel du sacrement. Secondaire est la causalité des actes du pénitent, qui relèvent de la vertu de pénitence… l.a rémission de la faute, tout en étant l’effet de la pénitence vert ii, l’est principalement [dus encore de la pénitence sacrement. 111°. q. i.xxxvi. a. <>. Dans le sacrement de pénitence, Dieu agit per auctorttatem ; les prêtres, prr ministerium, leurs paroles agissant comme Instrument, dans i esa< r<