Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/492

Cette page n’a pas encore été corrigée
969
970
PÉNITENCE. LA DOCTRINE AVANT SAINT THOMAS


théorie cadre avec leur doctrine touchant l’efficacité de l’absolution sacramentelle. Cette absolution réconcilie avec l’Église le pécheur qui s’est séparé d’elle. Mais le péché véniel ne sépare pas d’avec l’Église ; on peut donc enseigner que la confession des péchés véniels peut se faire indifféremment à un prêtre ou à un laïque. Tels, Alexandre de Halès, saint Bonaventure et quelques autres. Toutefois nous avons entendu Jacques de Vitry, Albert le Grand, Raymond de Pefiafort soutenir qu’il est préférable de confesser les péchés véniels eux-mêmes au prêtre. D’ailleurs, les précisions apportées par ces auteurs — confession faite à prime et à complies — le rapprochement qu’ils établissent avec une multitude d’autres moyens d’obtenir la rémission des péchés véniels, par exemple les sacramentaux, montrent bien qu’ils n’envisagent ici qu’une rémission ex opère operantis. L’efficacité sacramentelle n’est donc en cause, ni de près, ni de loin.

Quant aux péchés mortels, l’aveu qu’il faut en faire au prêtre est la règle, parce que seul le prêtre a reçu de Dieu le pouvoir de lier et de délier. Cependant la confession des péchés mortels aux clercs inférieurs et aux laïques, en cas de nécessité, sera fort utile pour manifester la sincérité du désir de la confession sacramentelle et donner à la contrition, qui anime ce désir, son caractère de vérité qui assurera devant Dieu son efficacité. Mais, parce que, seule, la confession sacramentelle faite au prêtre est requise par Dieu et par l’Église pour authentiquer la vraie contrition, il s’ensuit que la confession aux laïques ne saurait être mise sur un pied d’égalité avec la confession sacramentelle au prêtre.

En premier lieu, elle ne peut être faite qu’en cas de nécessité, lequel comporte deux conditions essentielles, qu’il y ait impossibilité de s’adresser à un prêtre ; que le pécheur soit en danger de mort ou tout au moins en péril grave pour le corps ou pour l’âme. Sans doute, Césaire d’Heisterbach paraît moins exigeant ; il cite des cas où la confession aux laïques aurait été valable sans nécessité véritable ; mais on sait ce que valent ses historiettes. Quelques cas particuliers de danger sont parfois spécifiés par certains auteurs : passagers à bord d’un navire en péril de sombrer (Vincent d’Espagne. Bernard de Bottone) ; soldats partant pour la guerre (saint Raymond, Guillaume de Rennes).

En deuxième lieu, la confession aux laïques n’est jamais obligatoire. Aucune raison ne pourrait être apportée de cette obligation. La raison d’être de la confession aux laïques est uniquement, dans la théologie immédiatement postérieure à 1215, la manifestation du désir sincère de la confession sacramentelle ; or. ce désir peut exister même sans confession aux laïques. A part peut-être Barthélémy de Brescia, voir roi. 908. on ne pourrait citer le nom d’aucun théologien qui ait imposé la confession faite aux laïques. Le P. Teetært, op. cit., p. 367, affirme qu’Albert le Grand < ! Thomas d’Aquin font exception à cette règle générale. Pour Albert le Grand, l’assertion est discutable. Sans doute, cet auteur parle du laïque confesseur comme d’un « ministre-vicaire » par rapport à la confession qu’on lui ferait en cas de nécessité ; maisil ne dit famàia expressément que cette confession soit obligatoire Au contraire, Albert a écrit cette phrase signi-Beative : Polest lumen tnlis (le pécheur à l’article de la mort) tlrredere in voto confltendi, et non trnrtur conpleri nllrri nitl luihrnti < lunes : et si facil, Ma hnmilitas cl rubor mlnuunt pœnam. Dist. XVII, a. 39. Pour saint Thomas, voir pins loin.

Troisièmement, la confession faite aux laïques, en

de nécessité, est fort utile. Et son utilité repose sur les mêmes raisons qu’on apportait a (elle époque pour Justifier l’utilité <’la confession sacramentelle. Voir col’"il

Enfin, la confession faite aux laïques n’est jamais considérée comme une confession proprement sacramentelle. Si quelques auteurs parlent de « sacrement » à propos de cette confession, il faut entendre ce mot dans un sens large, comme on l’a expliqué à propos de saint Albert le Grand, col. 967.

Il est évident, toutefois, que cette pratique pouvait, même au point de vue doctrinal, présenter de graves inconvénients : on l’a vu postérieurement, quand les novateurs ont voulu y trouver un argument en faveur d’un pouvoir de remettre les péchés, conféré non aux prêtres, mais à tous les membres de l’Église. Voir leur condamnation par le concile de Trente, sess. xiv, c. vi et can. 10, Denz.-Bannw., n. 902, 920. Telle qu’elle se présente au xme siècle, la pratique de la confession aux laïques fait seulement ressortir deux points de la doctrine catholique : la nécessité du sacrement de pénitence par la confession ; le rôle sacramentel joué par les actes du pénitent. Cf. Galtier, De pœnilentia, Paris, 1923, n. 516. Mais l’insistance des auteurs du xme siècle à recommander la confession aux laïques vient avant tout de l’autorité du pseudo-Augustin, De vera et falsa pœnilentia, x, 25, P. L., t. xl, col. 1122.

2° Considérées par rapport à l’enseignement postérieur de l’Église. — 1. Il faut convenir qu’avant saint Thomas l’enseignement théologique relatif à l’efficacité de l’absolution était déficient. Aucun des théologiens que nous avons interrogés n’admet que l’absolution remette les péchés au for divin et les peines éternelles. Pour eux, elle remet les peines temporelles, les peines canoniques ; elle manifeste extérieurement le pardon accordé par Dieu et exempte le pécheur de soumettre à nouveau ses fautes au pouvoir des clefs ; elle réconcilie le pécheur avec l’Église. Quelques-uns (Guillaume d’Auvergne, par exemple) enseignent qu’elle concourt à opérer et opère la transformation de l’attrition en contrition justifiante. Pour d’autres (Alexandre de Halès, saint Bonaventure), elle obtient de Dieu, du moins dans sa partie déprécative, cette transformation.

Une telle conception est évidemment très déficiente par rapport à l’enseignement postérieur, tel surtout qu’il a été canonisé par le concile de Trente. Contre les réformateurs, ce concile déclarera que « l’absolution du prêtre n’est pas… le simple ministère de prédication et de déclaration que les péchés sont remis, mais un acte judiciaire du prêtre, qui, en tant que juge, prononce une sentence ». Sess. xiv, c. vi, cf. can. 9, Denz.-Bannw. , n. 902, 919. De cette définition, les théologiens concluent avec certitude que l’absolution est non pas déclarative d’une rémission déjà acquise, mais rémissive par elle-même des fautes accusées. Autour de ce sens fondamental gravitent des explications de détail pour rendre compte de certains cas particuliers où le sacrement est validement conféré sans qu’il y ait rémission effective de péchés. Toutefois, ce sont là détails que nous pouvons présentement négliger.

Par rapport à ce sens fondamental, la doctrine des anciens théologiens est défectueuse. Néanmoins, loin de contredire l’enseignement certain de la théologie postérieure, on peut dire que cette doctrine la préparc : clic représente un stade de tâtonnement dans la présentation d’une vérité théologique entrevue confusément. En effet, ces théologiens admettent unanimement que la sentence du prêtre est, par rapport à la rémission des péchés, une condition tint qua non. dont tout au moins le désir, en cas d’impossibilité de se confesser, est nécessaire pour obtenir le pardon divin. Or, ce rôle de condition tint qua non implique déjà, tout au moins d’une manière confuse, que l’abSO lui ion confère positivement quelque chose a la remis

ilon des péchés, autrement, il serait arbitraire d’en

exiger le désir. C’est le raisonnement que saint Thomas