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PÉNITENCE. LA DOCTRINE AVANT SAINT THOMAS


gement ? Les deux maîtres franciscains dénient toute efficacité sacramentelle au pouvoir des clefs, à l’absolution, relativement à la rémission de la faute et de la peine éternelle. Le pouvoir des clefs ne s’étend à cet objet que per modum deprecantis et impetrantis absolutionem et nullement per modum impertientis. Alexandre, loc. cit., q. xxi, memb. 1 ; Bonaventure, dist. XVIII, part. I, a. 2, q. i. Il suit de laque l’attrition est changée en contrition non ex opère operato, mais ex opère operantis, c’est-à-dire en vertu des prières adressées à Dieu par le prêtre.

Toutefois, il convient de distinguer, dans l’absolution, la partie déprécalive et la partie indicative. Par la formule déprécative, le prêtre demande à Dieu, pour le pénitent, la grâce, c’est-à-dire la transformation de l’attrition en contrition. Par la formule indicative, le prêtre réconcilie, ex opère operato, le pécheur avec l’Église et lui remet une partie des peines temporelles. Alexandre, q. xxi, memb. 1, p. 614 ; memb. 2, a. 1, p. 616 ; Bonaventure, dist. XVIII, part. I, a. 2, q. i et q. n. Au fond, les deux docteurs franciscains appliquent déjà aux éléments pénitentiels l’idée aristotélicienne de la matière et de la forme et, par là, aplanissent la voie qui conduira à une meilleure solution des relations de l’élément subjectif et de l’élément objectif dans la production sacramentelle de la grâce.

Tout en attribuant encore à la contrition le rôle capital dans la justification sacramentelle, Alexandre de Halès enseigne la nécessité de la confession, nécessité fondée sur trois motifs : 1e nécessité en raison du précepte ou de l’institution du Christ ou de l’Église ; 2 nécessité de convenance, en raison de la réconciliation du pécheur avec l’Église ; 3° nécessité d’utilité, eu raison de ses multiples effets salutaires : « elle fait connaître la malice du péché ; par la confusion qu’elle provoque, elle constitue une part de la satisfaction ; elle diminue les peines en vertu du pouvoir des clefs ; elle multiplie les intercesseurs ; elle concourt à l’accroissement de la grâce, à la rémission de la faute, puisque, si l’homme, avant la confession, n’a pas la contrition, il l’acquiert dans la confession même. » Alexandre, q. xviii, memb. 2, a. 1, p. 517. Sur la doctrine pénitentielle d’Alexandre de Halès, voir Amédée de Zedelghem (Teetært), Doctrine du maître franciscain, Alexandre de Halès, au sujet du sacrement de pénitence et de la confession aux laïques, dans Éludes franciscaines, t. xxxvii, 1025, p. 337-354.

Sur le point de la confession, saint Bonaventure ne reproduit pas servilement la doctrine de son maître, le Docteur irréfragable. Il est d’accord avec lui dans les grandes lignes. La confession sacramentelle est d’abord souverainement utile, et. sur ce sujet, Bona| ire apporte très exactement les mêmes raisons qu’Alexandre. In IV m Sent., dist. XVII, part. ii, a. 1. q. t. Elle est nécessaire en raison du précepte « les apôtres et de l’Église, et ici Bonaventure spécifie qu’il l’agil du précepte porté par Jacques, , 12. et par le iv concile du Latran, promulgué par Innocent III, M. a. 2, q. i.’I Le premier cardinal dominicain. Ilui/iies de Saint-Cher († 1263) se rattache étroitement a l’école lombardienne. Pour lui, la contrition est toujours la partie la plus importante du sacrement, l’élément ré miss if du péché ; par l’absolution, le prêt re manifeste seulement la purification de l’âme opérée par Dieu ; HI Vertu du pouvoir des clefs, il remet une partie des peines temporelles. Sans la confession, objet d’un pré e divin et ecclésiastique, la rémission du péché n’est pas possible. I lugues de Saint Cher fonde le précepte de la i onfession sur la parole du Christ, pa nitenimni agile, Mat th., i. 17 La confession est d’ailleurs utile pour de multiples raisons, Bruxelles, biblioth.

royale, cod. 11422-11423, fol. 92 v°-96 v°. Cf. Omnia opéra, t. vii, Cologne, 1621, p. 323.

d) La synthèse doctrinale, esquissée par saint Albert le Grand († 1280) accentue l’empreinte de l’aristotélisme dans la théologie de la pénitence, sans cependant effacer l’influence de l’augustinisme. Au triple mal, causé par le péché mortel — faute contractée, peines encourues, dispositions à le commettre plus facilement — Albert le Grand oppose un triple remède : contrition, confession, satisfaction. In IV" m Sent., dist. XVI, a. 2, Paris, 1894, édit. Vives, t. xxix. p. 542-543. Ces éléments concourent à un effet unique et constituent le sacrement, dont l’unité est l’effet de la forme sacramentelle. A. 1, p. 540. Mais, pour Albert, la forme n’est pas encore l’absolution prononcée par le prêtre : la matière est l’élément qui signifie extérieurement le pardon du péché, savoir la contrition manifestée volontairement par des signes extérieurs : la forme est ce qui réalise proprement la sanctification de l’âme, savoir la grâce qui survient et qui informe cette contrition. A. 1, p. 540. La confession et la satisfaction doivent accompagner la contrition, au moins en désir, in voto, pour la rendre justifiante. Dist. XV, a. 4, p. 540. On trouve donc jusqu’ici, chez Albert le Grand, un fidèle interprète de Pierre Lombard

En conséquence, le prêtre n’exerce pas le pouvoir des clefs en remettant la faute intérieure et la peine éternelle. Dist. XVIII, a. 10, p. 781. Dieu les remet lui-même directement et sans intermédiaire. A. 9, p. 781. L’avis personnel d’Albert (meo judicio) est que l’acte essentiel du pouvoir des clefs s’exerce à l’égard de la peine qu’il appelle purgative (peena purgatoria)

— par similitude avec la peine du purgatoire, infligée par le jugement de Dieu et sans proportion aux forces humaines — laquelle est commuée par le prêtre en peine expiatoire, celle-ci adaptée aux dispositions du pénitent et aux conditions du péché. A. 11, p. 784. En vertu du pouvoir des clefs, le prêtre remet une partie des peines temporelles, dist. XVII, a. 39, p. 719 ; cf. dist. XVIII, a. 7, p. 775 ; a. 10, p. 782. etc. ; il réconcilie le pénitent avec l’Église, dist. XVII, a. 5, 24, p. 594, 665 ; il le relève de l’obligation de se confesser. Dist. XVII, a. 1 ; dist. XVIII, a. 9. p. 661, 781.

Tout en demeurant fidèle à la pensée fondamentale de Pierre Lombard, Albert le Grand fait faire à la théologie de la pénitence un réel progrès vers la conception qui prévaudra définitivement. Il enseigne, en effet, que la contrition tient son efficacité non seulement de la grâce, mais encore du désir ou vœu de la confession et de la satisfaction. Dist. XVIII, a. 1. Ce votum produit dans le pénitent les dispositions nécessaires pour obtenir de Dieu la véritable contrition, dispositions qui sont en soi exigitives de l’infusion de la grâce. Mais ces dispositions sont-elles produites ex opère operato, ou simplement ex opère operantis ? A l’encontre des théologiens qui l’ont précédé, Albert enseigne qu’elles sont produites en vertu du pouvoir des clefs, donc ex opère operato : rien ne s’oppose d’ailleurs à ce que le pouvoir des clefs opère avant son application actuelle, comme les grâces de la rédemption ont produit leur effet avant la venue du Christ. Dist. XVIII, a. 1, p. 761. Donc, la rémission de la faute et de la peine éternelle doit être attribuée non à la seule contrition, mais au pouvoir des clefs. Voil a. 7, p. 775. En bref, au moment OÙ est donnée l’absolution, le pécheur est déjà pardonné, en vertu de la contrition, mais d’une contrition renfermant le désir de la confession et de la satisfaction, de sorte que

l’absolution in voto concourt a la rémission de la faute cl de la | ici ne, tandis que l’absolution in ai lu s’étend a

la rémission des peines temporelles et à l’obligation de

la confession Dist, XVII, a. 9. p, 670. Il y a donc ici