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PÉNITKNCK. LA DOCTRINE AVANT SAINT THOMAS


Jacques de Vitry admet la nécessité de la confession et de l’absolution pour des raisons théologiques analogues. Au point de vue scripturaire, il s’appuie sur l’ordre donné par le Christ aux lépreux, Ile, ostendite vos sacerdotibus. Luc, xvii, 11. In capiie jejunii, p. 232-233.

Même doctrine chez Luc, évêque de Tuy († 1249), De altéra vila fideique controvérsiis adversus Albigensium errores libri 1res, dans Bib. max. uel. Pair., t. xxiv, Lyon, 1677, p. 214-215.

De tous ces textes, il ressort qu’à cette époque, l’enseignement officiel de l’Église ne déclare pas encore comme de foi que le pénitent doive ajouter à la contrition, la confession et la satisfaction. Voir, sur ce point, la déclaration formelle de saint Thomas, In jyum Sent., dist. XVII, exposit. textus. C’est déjà cependant une conclusion théologique. Cf. Cavallera, A propos de l’histoire du sacrement de pénitence, dans Bull, de litt. eccl., mai-juin 1923, p. 181-201.

2. De Guillaume d’Auvergne à saint Thomas d’Aquin.

— a) Le point de départ d’un progrès nouveau fut la distinction plus explicite formulée par Guillaume d’Auvergne († 1248), entre l’attrition et la contrition. Voir Absolution, col. 175. Non, certes, qu’auparavant l’attrition fût inconnue, on trouve déjà l’expression allritio dans les Regulæ de sacra theologia d’Alain de Lille († 1203). Cf. M. Grabmann, Geschichte der scholastischen Méthode, Fribourg-en-B., t. ii, 1919, p. 457. Mais, à partir de Guillaume d’Auvergne, les théologiens distinguent nettement attrition et contrition. La contrition est motivée par l’amour de Dieu et informée, informata, par la grâce sanctifiante qui entraîne la justification avec la rémission de la faute et de la peine éternelle. L’attrition est une douleur du péché qui n’est pas encore informée par la charité. Pour obtenir le pardon de ses péchés, le pénitent doit passer de l’attrition à la contrition, ex attrilo fit contrilus. Cf. t. i, col. 2256. Ce passage de l’attrition à la contrition suscitera chez les théologiens de nouvelles explications de l’efficacité du sacrement. Les uns, fidèles à l’ancienne théorie, admettent que la rémission des péchés, bien qu’opérée par la confession et l’absolution, n’est cependant pas un effet du sacrement, produit ex opère operato : l’activité du pénitent ou les prières du prêtre transforment l’attrition en contrition justifiante. D’autres enseignent que le changement de l’attrition en contrition s’opère par la vertu du sacrement, ex opère operato.

Guillaume d’Auvergne considère l’attrition comme suffisante pour s’approcher du sacrement de pénitence. Toutefois, pour obtenir le pardon des péchés, l’attrition doit se changer en contrition. De sacramentis, dans Opéra, Venise, 1591, p. 472 b, 455 b. Cette mutation est l’effet de l’absolution, id., p. 441 a. Il y a discussion entre critiques pour décider si cet effet est produit ex opère operato, voir ici, t. i, col. 175, et P. Schmoll, Die Busslehre der Frùhscholaslik, Munich, 1919, p. 125-128 ; W. Rutten, Studien zur mittelalterlichen Busslehre, Munster, 1902, p. 18-20 ; ou ex opère operantis, voir A. Teetært, La confession aux laïques dans l’Église latine depuis le vin* jusqu’au XIVe siècle, Paris, 1926, p. 261. Dans cette dernière interprétation, « l’absolution ne constitue qu’une cause occasionnelle de la rémission des péchés, De sacramentis, p. 402 a, et le prêtre, dans l’absolution, ne fait que prier et supplier Dieu de vouloir verser dans l’âme animée d’attrition, la grâce justificative et la contrition rémissive des péchés ». A. Teetært, loc. cit. Ainsi, la rémission des péchés se ferait ex opère operantis. Si déficiente que soit encore la théorie quant à l’efficacité de l’absolution, elle constitue cependant un progrès sur le contritionisme antérieur. Quant à la confession, Guillaume d’Auvergne la considère comme obligatoire. De sacra menlis, p. 472, 455. Son obligation résulte de l’essence même du sacrement de pénitence. Le prêtre y doit prononcer un jugement sur le pécheur : pour porter la sentence, il doit nécessairement connaître les péchés. Op. cit., p. 440, 436, 438, 439, 462, etc. Cet argument deviendra désormais classique.

b) Alexandre de liâtes († 12 15) et saint Bonavenlure († 1274) se rattachent étroitement aux théories pénitentielles de Guillaume d’Auvergne.

La justification comporte deux stades : un stade préparatoire, ou allritio, et la justification elle-même qu’opère la contrition. A elle seule, l’attrition ne peut opérer la rémission des péchés. Seule, la contrition obtient de Dieu le pardon des fautes chez les adultes. Alexandre, Summa théologies, Cologne, 1682, part. IV, q. xvii, memb. 4, a. 2, p. 535 ; S. Bonaventure, In IV Sent., dist. XVII, a. 1, q. i. Comment s’opère le changement de l’attrition en contrition rémissive des péchés ? « Il y a une double pénitence. L’une consiste dans la seule contrition ; l’autre consiste dans la contrition, la confession et la satisfaction. L’une et l’autre sont sacrement ; mais c’est seulement la seconde qui constitue le sacrement de l’Église. En tant que sacrement de l’Église, en dehors de la contrition, sont requises, de la part du sujet, la confession, la soumission de soi-même au jugement du prêtre, la satisfaction quant à la pénitence imposée ; de la part du prêtre, l’absolution et l’imposition d’une satisfaction. i Alexandre, op. cit., part. IV, q. i, memb. 1, a. 2, § 3, p. 468. Doctrine substantiellement la même chez Bonaventure, dist. XXII, a. 2, q. n. Sous son premier aspect, en tant que sacrement réconciliant l’âme avec Dieu seul, la pénitence, d’après Alexandre, comporte deux éléments : le « sacrement », qui est la douleur volontaire et sensible du péché, douleur informée par la grâce, et « l’effet du sacrement », res sacramenti, qui est la rémission même du péché quant à la coulpe et quant à la commutation de la peine éternelle en peine temporelle. La rémission du péché quant à la coulpe est l’effet de la grâce ; la commutation de la peine est l’effet de la douleur intérieure et sensible. Alexandre, ibid. Cette douleur intérieure de l’âme, mais sensiblement manifestée, fournit à saint Bonaventure l’occasion de distinguer un triple élément dans le sacrement entendu de la première manière : la rémission de la faute et de la peine éternelle constituant la res sacramenti, la contrition intérieure, res et signum sacramenti, produisant la rémission ; enfin, la contrition extérieure ou l’humiliation, signum de la contrition intérieure. Mais, dans la pénitence, entendue comme sacrement de l’Église, réconciliant le pécheur à la fois avec Dieu et avec l’Église, les éléments sacramentels sont le signe, constitué par les actes du pénitent, lesquels sont comme la partie matérielle du sacrement, et la cause, qui réside dans les actes du prêtre, lesquels sont comme la partie formelle. Alexandre, part. IV, q. xiv, memb. 2, a. 2. p. 470 ; Bonaventure, dist. XXII, a. 2, q. n. A la contrition doit être attribuée la rémission de la faute et de la peine éternelle ; à la confession, à la satisfaction et à l’absolution se rattachent la rémission des peines temporelles et la réconciliation avec l’Église. La contrition est le signe et la cause de la rémission du péché quant à la coulpe et quant à la peine éternelle ; mais la confession, avec la soumission au jugement du prêtre, est seulement le signe (et non la cause) de la rémission du péché quant à la coulpe ; elle est le signe et la cause de la rémission du péché quant à une certaine peine. Et il faut en dire autant de la satisfaction. Alexandre, q. xiv, memb. 2, a. 1, § 3, p. 468. S. Bonaventure, ibid. D’attrilus, le pénitent doit donc, dans le sacrement de pénitence, devenir contrilus pour obtenir le pardon de ses péchés. Comment se fait le chan-