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PÉNITENCE, DU Mil AU XVI* SIÈCLE, LA PRATIQUE


niés et qu’ils ne recevront pas la paix. Il en sera ainsi, chaque année, tant que l’entrée de l’église leur est interdite. La réconciliation dernière est réservée à l’évêque, à qui seul il appartient d’imposer la pénitence solennelle. Cette pénitence peut être imposée aux hommes et aux femmes ; mais non pas aux clercs, en raison du scandale. D’ailleurs une telle pénitence ne doit être imposée que pour un péché qui a remué loute la ville. » Suppl., q. xxviii, a. 3.

Il est clair que cette pénitence publique et solennelle n’est pas une simple satisfaction extérieure, mais qu’elle constitue une forme spéciale du sacrement même de pénitence. Quand saint Thomas la veut justifiera. l), il déclare, en effet, dans le premierargument .serf contra, que « la pénitence est un sacrement. Or, dans tout sacrement, il est usé d’une certaine solennité ». Dans le second argument : « Le remède doit correspondre au mal. Or, le péché est quelquefois public, et provoque par l’exemple à de nombreux péchés. Donc, la pénitence, qui en est le remède, doit être publique et solennelle, pour l’édification d’un grand nombre. » On trouve également un confirmatur dans le fait que, d’après saint Thomas, une telle pénitence n’est pas contraire au secret de la confession. Id., ad lum. Enfin, dans l’article 2, saint Thomas, tout en déclarant que cette pénitence ne peut être réitérée (et il en donne trois raisons), ajoute que, si le pécheur retombe dans le péché, l’accès à la pénitence (une autre sorte de pénitence) ne lui est pas fermé.

b) Pénitence publique non solennelle. — « La pénitence publique, et qui n’est pas solennelle, est celle qui se fait à la face de l’église, mais sans la solennité dont nous venons de parler : ainsi, un pèlerinage qu’on fait à travers le monde un bâton à la main. Cette pénitence peut être réitérée et imposée par un simple prêtre. On peut aussi l’enjoindre à un clerc. » Ibid. Cf. ci-dessus, col. 919.

Ici, il semble bien que cette pénitence ne soit publique que parla forme extérieure de la satisfaction. Puisque l’évêque n’intervient pas, il semble bien que c’est à cette forme de pénitence publique qu’il convient de rapporter la réponse ad lum de la q. xxviii. a. 1 : « Le prêtre ne révèle pas le secret de la confession en imposant une pareille pénitence, quoiqu’il en résulte qu’on soupçonne le pénitent d’avoir commis quelque faute énorme. Car on ne connaît pas avec certitude la faute d’après la peine. » Si le péché est public, pas de difficulté, la satisfaction imposée en démontre la pénitence et répare le scandale.

c) Pénitence privée. — C’est celle qui a lieu dans le secret, entre confesseur et pécheur ; celle qui fait l’objet principal, pour ne pas dire exclusif, de toutes les discussions théologiques.

2. Rite de la réconciliation dans la pénitence.

a) Publique et solennelle. — Le rite de la réconciliation publique et solennelle des pécheurs était assez semblable à celui qui existe encore aujourd’hui dans le pontifical, De reconciliatione publiée pœnitentium (au jeudi saint). Cette formule nous vient d’ailleurs du pontifical de Durand de Mende († 1296). Mais les formules devaient aussi varier selon les régions et les coutumes.

b) Privée. — a. Du côté du pénitent. — Le rôle du pénitent est d’accuser ses péchés. Mais les pénitentiels du Moyen Age prévoient que les pécheurs sont par eux-mêmes, la plupart du temps, incapables de s’accuser. Aussi mettent-ils, à la disposition du confesseur, avec un abrégé doctrinal du sacrement de pénitence, la liste des interrogations communes et spéciales à poser. On trouvera, résumées par Schmitz. les indications formulées par les différentes sommes pénitentielles. Die Bussbùchcr und die Bussdisziplin <ler Kirche, t. ii, Dusseldorꝟ. 1898, p. 720 sq.

b. Du côté du confesseur. — Le rôle du confesseur apparaît, tout d’abord, dans les interrogations qu’il doit poser au pénitent, mais encore dans la formule de l’absolution.

Il n’est pas aisé de préciser le moment où la « formule de l’absolution » s’est dégagée des nombreuses prières qui accompagnaient et suivaient l’aveu. Voir col. 929. Mais il est très certain qu’au début du xme siècle il y a eu, quant à cette formule même, dans l’Église latine, une évolution marquée, de la forme déprécatoire à la forme indicative. Voir Absolution. col. 189. Il n’est pas téméraire de penser que le canon du IVe concile du Latran n’a pas été étranger à ce changement. La discussion de la validité de la formule déprécatoire a été examinée ailleurs. Voir t. i, col. 244 sq. Le seul point qui nous intéresse ici est de marquer la transition, dans l’Eglise latine, de la forme déprécatoire à la forme indicative.

Un terminus a quo peut être marqué avec Guillaume d’Auvergne († 1248) qui affirme encore que le prêtre n’absout pas par une formule déclaratoire, comme les sentences judiciaires, absolvimus, condemnamus, mais par une formule déprécatoire. De pœnilentia, c. xix, dans le De sacramentis, Opéra omnia, Venise, 1591, p. 472 b. Un terminus ad quem pourrait être pris dans l’opuscule De forma absolutionis de saint Thomas, écrit composé vers 1270. Nous y apprenons qu’à cette époque les maîtres qui enseignaient à Paris étaient unanimes à penser qu’il n’y a point d’absolution par la seule formule déprécatoire et que les paroles indicatives Ego le absolvo sont requises pour la validité de l’absolution. Cf. Sum. theol., III », q. lxxxiv, a. 3. De l’affirmation de Guillaume d’Auvergne, nous trouvons une confirmation implicite dans l’opuscule même de saint Thomas. Celui-ci rapporte l’assertion de l’auteur qu’il réfute : Via ; triginta anni sunt, quod omnes hac sola forma utebantur : « Absolulionem et remissionem. .. », c. v. Et saint Thomas, sans contredire cette assertion, y répond en faisant appel au texte évangélique : Quodcumque solveris… Le même adversaire, réfuté par saint Thomas, avait fait appel à l’autorité non seulement de Guillaume d’Auvergne, mais de Guillaume d’Auxerre et d’Hugues de Saint-Cher, c. ii. Saint Thomas ne. récuse pas ces autorités, et se contente d’en diminuer la valeur.

Voici le texte de Guillaume d’Auvergne :

Neque more judiciorum forensicorum pronuntiat confessor : « Absolvimus te, non condemnamus —, sed magis orationem facit super eum ut Deus absolutionem et remissionem atque gratiam sanctificationis trihuat. Et nemo dubitat, quin possit et debeat confessor orare Patrem misericordiarum, ut etiam remittat peccanti peccata, quæ nec ipse pa : nitens in se cognoscit et eidem contessori recognoscit. Unde in absolutione confîtentium non consueverunt dicere sacerdotes : « Dimittat Deus peccata quæ confessus es mihi —, sed potius « omnia. »

Entre Guillaume d’Auvergne et saint Thomas nous trouvons en Alexandre de Halès et saint Bonaventure deux témoins précieux de la transition. Déjà, ils connaissent la formule indicative s’insérant dans la formule déprécatoire. Et ils s’efforcent de donner à chacune sa valeur respective. Voir plus loin, col. 957. Albert le Grand représente le dernier chaînon de l’évolution et chez lui la formule déprécatoire semble prendre sa valeur dans la formule indicative. Voir col. 958. Avec saint Thomas, nous possédons la formule actuelle, dont toute la valeur sacramentelle est attachée aux paroles indicatives : Ego te absolvo. Cf. Morin, Comme/i/an’us, l. VIII, c. xxiv ; dom Chardon, Histoire des sacrements. Pénitence, sect. iv, c. i : Schanz, Die Lehre von den heiligen Sakramenten, § 30, Fribourg-en-B., 1893, p. 530 sq.

Le prêtre impose également la pénitence satisfac-