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    1. PÉNITENCE##


PÉNITENCE, SOLUTIONS DÉFINITIVES, LA THÉOLOGIE

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dette de la mort éternelle ; il a cessé d’être flls de colère, du moment qu’il a commencé d’aimer et de se repentir… Ainsi donc, quand, par la suite, il se confesse, il n’est point délivré par le prôtre de la colère éternelle, dont il a déjà été délivré par le Seigneur, du moment où il a dit : Confîtebor. Et donc c’est Dieu seul qui, intérieurement, purifie l’âme de la souillure du péché et la délivre de l’obligation de la peine éternelle. » IV Sent., dist. XVIII, c. iv.

Mais, alors, que reste-t-il au prêtre ? Nul n’a plus insisté que le Maître sur le pouvoir des clefs ; c’est par lui que se transmettra à la postérité la distinction déjà ancienne de la clavis scientise et de la clavis potestatis. Par la première, le confesseur peut discerner la situation du pénitent, appliquer à ses fautes l’expiation convenable (le prêtre qui n’a pas cette science est proprement indiscretus). Par la deuxième clef clauis potestatis, il impose la pénitence appropriée et, usant, si l’on peut dire, de son pouvoir discrétionnaire, il en tempère, s’il le croit utile, l’application ; enfin, il ouvre au pénitent l’accès des sacrements (des vivants). On aurait donc mauvaise grâce à dire que, d’après le Maître, le pouvoir des clefs est sans efficacité. Mais l’on voit aussi combien cette efficacité demeure extérieure ; quand il s’agit de l’effet essentiel de l’absolution, le Lombard en revient à la formule anselmienne : « Dieu seul remet ou retient les péchés, et pourtant il a donné à son Église le pouvoir de lier et de délier ; mais Dieu agit d’une manière, l’Église d’une autre. Pour Dieu, il remet le péché en ce sens qu’il purifie l’âme de sa souillure intérieure et la délivre de la dette éternelle. Cela, Dieu ne l’a point concédé aux prêtres, auxquels, pourtant, il a attribué le pouvoir de lier et de délier, c’est-à-dire, de manifester que les hommes sont liés ou déliés (exemple des lépreux, exemple de Lazare). En effet, celui-là qui est déjà délié devant Dieu n’est tenu pour délié, devant l’Église, que par le jugement du prêtre. En définitive, le prêtre de la Nouvelle Loi agit, quand il remet ou retient les fautes, comme agissait le prêtre de la Loi ancienne, à l’égard de ceux qui étaient souillés de la lèpre, laquelle est la figure du péché. » Dist. XVIII, fin du c. v, début du

c. VI.

Cette théorie de Pierre Lombard sur la valeur simplement déclarative de l’absolution, on peut dire, en définitive, qu’elle est celle de la majorité des théologiens du xiie siècle. On voit tout ce qu’elle apporte de clarté, en reléguant dans l’ombre les éléments contestables de la théorie victorine. L’impossibilité de dissocier la macula et le debitum pœnse œternx est désormais chose acquise. Mais la clarté ainsi obtenue ne l’a été que par une simplification dangereuse : quelle que soit l’importance attachée par tous nos auteurs à l’intervention ecclésiastique dans la remise des fautes, il n’en reste pas moins que le lien n’apparaît pas entre l’effet intérieur et le rite extérieur. A la vérité, quelques auteurs entrevoient dans quelle direction il faudrait s’orienter. Prévostin (f vers 1200) remarque, avec exactitude, que, si le pardon est accordé par la contrition, c’est sub conditione confessionis peragendse ; voir les textes dans Schmoll, op. cit., p. 83-87. Par quoi s’affirme déjà l’idée que les grands scolastiques allaient mettre en lumière, celle de l’unité des diverses parties du sacrement. C’est pour s’être appliqués trop exclusivement à la considération des actes isolés du pénitent et du prêtre que les auteurs du xiie siècle ont abouti à l’impasse où nous voyons le Maître des Sentences acculé ; c’est en considérant le « sacrement » dans son ensemble que les docteurs du xine siècle arriveront à de meilleures solutions. Encore fallait-il, pour cela, que le concept sacramentaire ait été lui-même amenuisé. Or, à ce travail, la scolastique du xiie siècle s’était déjà très heureusement employée.

La pénitence et la théologie sacramentaire.

- Au

cours du xii c siècle, on voit se constituer, en effet, et la doctrine relative à la définition et au nombre des sacrements, et, d’autre part, les premières spéculations sur la nature intime de ces signes extérieurs de la grâce.

1. La pénitence comptée parmi les sacrements.

Ce n’est pas du premier coup que l’on est arrivé à ce résultat. Le mot de sacrumentum avait été légué par l’antiquité chrétienne à la préscolastique lourd de significations très diverses. Rien d’étonnant que les premiers docteurs aient mis quelque temps avant d’aboutir aux déterminations actuelles. Voir les imprécisions de Pierre Damien, pour qui le sacramentum confessionis est le septième des douze sacrements, col. 909 ; de Lanfranc de Cantorbéry, avec ses quatuor ecclesiastica sacramenta, col. 910, et même d’Hugues de SaintVictor, qui insère, au milieu de ce que nous appelons « sacrements », un certain nombre des rites secondaires que la théologie ultérieure appellera des « sacramentaux » : aspersion de l’eau bénite, réception des cendres etc. C’est seulement quand la doctrine du septénaire sacramentel a décidément cause gagnée que l’on peut tabler ferme sur l’appellation de sacramentum, donnée soit à la rémission (sacramentum remissinnis), soit à l’absolution (sacramentum absolulionis i. soit à la confession (sacramentum confessionis). Quatit à l’expression toute faite sacramentum pœnilentiæ, elle apparaît dans Anselme de Laon, cf. Bliemetzrieder. p. 120, mais elle ne devient courante qu’un peu plus tard, alors que la théorie des sacrements a fait ses plus grands progrès. Nous l’avons relevée dans le Dialogue d’Anselme de Havelberg († 1158), en un passage d’ailleurs qui ne se présente pas comme une description technique des sacrements, t. II, c. xxiii, P. L., t. clxxxviii, col. 1201 D. Mais, à l’extrême limite de la période considérée, on entend encore certains théologiens prétendre, au dire de Pierre de Poitiers, que « la confession n’est pas un sacrement, mais un sacramental, comme l’eau bénite ou le pain bénit ». A quoi Pierre répond simplement : « Il nous paraît plus vrai de dire que la confession est un sacrement. » Sent., t. III, c. xiii, P. L., t. ccxi, col. 1070 D. Pour Pierre, d’ailleurs, si elle est sacrement, la confession n’est pas, selon toute probabilité, un sacrement du Nouveau Testament : verum videtur quod confessio… non est sacramentum Novi Testamenti. Ibid., col. 1071 A. La même idée dans Césaire d’Heisterbach († 1223), voir les références dans Schmoll, op. cit., p. 81-82.

Ajoutons immédiatement que l’époque tardive à laquelle se produisent ces manifestations invite tout aussitôt à la prudence. Aussi bien serait-il invraisemblable qu’il y ait eu discussion à la fin du xiie et dans les premières années du xme siècle sur la place à donner à la pénitence dans le septénaire sacramentel. Ce qui est en question, chez ces auteurs, ce n’est pas de savoir si la pénitence est l’un des sept sacrements — ceci est chose réglée depuis Pierre Lombard — - mais d’expliquer comment elle opère ses effets, ce qui nous ramène au problème posé dans le paragraphe précédent. Ce vocabulaire toutefois, qui nous paraît à bon droit singulier, montre que ni la terminologie, ni les concepts mêmes n’ont encore atteint leur ultime précision. Mais, tout compte fait, il ne faudrait pas y voir un retour en arrière sur l’affirmation du Maître des Sentences : « Arrivons maintenant aux sacrements de la Nouvelle Loi qui sont : le baptême, la confirmation, le pain de bénédiction, c’est-à-dire l’eucharistie, la pénitence, l’onction dernière, l’ordre et le mariage. » IV Sent., dist. II, c. i.

Tout au plus faudrait-il signaler une tendance assez curieuse qui se remarque chez certains canonistes, lesquels ne voudraient considérer comme sacramentelle