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PÉNITENCE, SOLUTIONS DEFINITIVES, LA THEOLOGIE


pécheur, par exemple. Quant à la délivrance de la seconde, il y a coopération de Dieu et du prêtre dans le sacrement de pénitence. A y regarder de près, on voit, en somme, le prêtre exercer son double pouvoir de délier et de lier ; il dénoue, par le moyen de la gratia cooperandi le vinculum damnationis ; en même temps, il noue le vinculum expiationis, liant le pénitent à une peine temporelle. En d’autres termes, l’absolution a pour effet de transformer la peine d’éternelle en temporelle, de non expiatoire en expiatoire. Cette dernière idée de Richard devait avoir beaucoup de succès, quoi qu’il en soit des reproches que l’on pouvait adresser à l’ensemble de sa théorie. Celle-ci se heurte, en effet, à la même objection que rencontrait celle d’Hugues ; comment le pardon divin, acquis d’ores et déjà par la contrition, peut-il laisser subsister jusqu’au moment de l’absolution le vinculum damnationis ? Richard prévoit l’objection ; au lieu de la résoudre, il se contente d’affirmer avec force que cette dissociation est possible. Les progrès de la doctrine de la justification et de la grâce sanctifiante devaient éliminer finalement cette hypothèse intenable. Du moins la théorie desvictorins avait-elle un avantage : elle était dans la ligne du développement traditionnel en déclarant que l’action sacramentelle avait une réelle efficacité.

b. L’absolution n’a qu’une signification extérieure. La grande masse des théologiens du xiie siècle, au contraire, cède plus ou moins à la tendance de minimiser les effets intérieurs de l’action ecclésiastique, qui est, depuis toujours, l’essentiel de la pénitence.

La chose est déjà sensible dans saint Anselme. Appuyé sur le récit évangélique qui montre les lépreux purifiés avant que d’être arrivés chez le prêtre, il enseigne que les pécheurs, alors qu’ils se rendent à la confession et à la pénitence, sont délivrés de leurs fautes aux yeux de celui qui scrute le fond des cœurs : tendenles ad con/essionem et psenitentiam liberantur (a peccatis) in conspeclu interni inspectons. Quant au prêtre, il déclare seulement aux hommes que ces pécheurs sont désormais purs : qui jam coram Deo sunt mundati, sacerdotum judicio etiam hominibus ostenduntur mundi. Ilom.. xiii, P. L., t. c.Lvnr, col. 660-664, voir surtout, col. 662 C. Sans doute, il faut tenir compte du caractère oratoire de ces développements, ne pas les presser comme l’on ferait de thèses théologiques. Il n’en reste pas moins que les expressions d’Anselme traduisent une pensée que nous allons retrouver.

L’attention d’Abélard, nous l’avons déjà dit, se porte tout spécialement sur la contrition ; et c’esi à décrire la manière dont le regret de la faute devient vraiment repentir d’amour qui purifie que s’attache son analyse. De là suit la rémission des peines de l’enfer. Cette action intérieure du repentir n’exclut pas. néanmoins, la présence des autres actes, satisfaction, confession, celle dernière étant envisagée surtout comme un acte humiliant et pénible, par cela même latisfactoire. L’effet d’ensemble est, comme on le voit. rapporté beaucoup plus au pénitent qu’au prêtre, à P « pus operantis qu’à l’opus opération. Le prêtre n’agit guère, en somme, que comme un cointercesseur : du moins son acte manifeste I il. aux yeux de l’Église, la nouvelle situation ou le pénitent, par ses efforts p< r tonneli et la coopération de la grâce, est désormais établi. Tout t ompte fait. le pouvoir des clefs ne Joue,

d’aprèl tbélard, qu’un rôle très secondaire : pourtant, il ne faudrait pas. nous semble »-il. généraliser Irop

vite et f ; iire de lui un négateur de ce pouvoir. La

question posée par lui. dans les textes Incriminés, est < elle de la transmission du pouvoir très général de lier et de délier (nous dirions de l ; i un Idtction i aii indignes, et l’on sait que, sur ce point) la doctrine courante ne t’était pas encore bien dégagée Qu’on se rappelle

les problèmes soulevés depuis le début de la réforme grégorienne et qui ont eu leur point culminant dans l’affaire des réordinations.

Des idées analogues se retrouveraient chez Roland Bandinelli. Lui non plus ne fait guère mention du pouvoir des clefs ; et quant aux effets du « sacrement » de pénitence, il les répartit de la façon suivante : la contrition remet proprement la coulpe ; quant à la confession et à la satisfaction (il ne parle pas de l’absolution tomme d’une entité distincte, mais elle est certainement incluse dans l’ensemble confession-satisfaction), elles sont la manifestation visible de la remise de la coulpe, en même temps qu’elles amènent l’adoucissement de la peine due au péché, la peine temporelle remplaçant la peine éternelle. Cette position est aussi celle de Gralien, dans toute la dist. I sur la pénitence, où s’entremêlent, comme nous l’avons dit, le double problème de la nécessité du recours aux clefs de l’Église et du mode d’efficacité de l’intervention ecclésiastique ; il est naturel que les premiers glossateurs du Décret emboîtent le pas au maître.

Même idée encore dans les sententiaires du milieu du xiie siècle. Rien de plus clair que la pensée de Robert Pulleyn. Après avoir montré les avantages et la nécessité de la confession, il entreprend d’étudier le pouvoir de lier et de délier. Le pouvoir de remettre les péchés, dit-il, n’appartient qu’à Dieu et pourtant « célébrer le sacrement de la rémission et de l’absolution », n’est-ce pas aussi remettre les péchés ? Dès l’instant que le coupable se repent, Dieu lui remet ses fautes, et le ministre de Dieu les lui remet aussi en l’absolvant après confession faite. Comment concilier ces deux affirmations ? C’est que l’absolution est un « sacrement », c’est-à-dire le signe d’une chose sacrée, de cette chose sacrée qu’est la rémission et l’absolution. Ainsi donc, l’absolution donnée au pénitent par le prêtre est le signe de la rémission déjà antérieurement acquise par la contrition, remissionem peccatorum quani antea peperit cordis contritio désignât. Et donc, le prêtre délie, absout (solvitj des péchés, non point en ce sens qu’il les remet, mais parce qu’il publie, dans le sacrement, que les péchés sont remis, sed quod dimissa sacramentu pandat. II le fait pour la consolation du pénitent, enleant de son esprit l’inquiétude et le souci, ces liens qui garrottent l’âme et l’empêchent de se donner à l’œuvre rie Dieu. Tel est l’exercice, dans le sacrement, du pouvoir de délier ; quant à celui de lier, il s’exerce d’une double manière. Le pénitent bien disposé est lié, par le confesseur, à l’accomplissement d’une peine : ligatur pœnse. S’il est mal disposé, il se voit lié à sa faute, qui n’est pas remise : ligatur culp.T. Les passages capitaux dans Sent., I. VI, c. i.xi, P. L., t. ci.xxxiii. col. 01(1911. Ainsi. Pulleyn B’eflorce de maintenir une efficacité réelle de l’absolution ; il a d’heureux développements sur la sécurité ((n’amène dans l’âme la réception du " signe i de la réconciliation ; mais, pour le fond même, il ne se sépare pas de la thèse anselmiennc : l’absolution est la manifestation extérieure du pardon déjà donné par Dieu. Pour prendre les termes de la théologie postérieure, elle est bien un signe, elle n’est pas un signe efficace.

C’est très sensiblement la position de Pierre Lombard ; mais le Maître des Sentences offre du moins cet avantage qu’il a nettement précisé la nature même de la rémission des péchés et de la Justification. Ayant posé, en d’autres parties de son ouvrage, les principes essentiels sur la matière : rôle de la charité, effets généraux de celle ci. il est à l’aise pour critiquer l’opinion d’Hugues de Saint-Victor. Sa pensée est ici pal lieu lièrenient ferme : Nul n’a miment la componction de ses fautes que dans la charité : mais qui a la charité est digne de la vie et nul ne peut être, à la fois, digne de le et de mort ; qui a la charité n’est donc plus lie a la