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    1. PENITENCE##


PENITENCE, SOLUTIONS DEFINITIVES, LA THÉOLOGIE

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xie siècle qu’en cas de nécessité toute personne peut et doit confesser. L’anecdote de Joinville, entendant

en confession un de ses compagnons d’armes, est du milieu du xiii c siècle, mais on lui trouverait îles antécédents deux cents ans auparavant. L’obligation de cette pratique est déjà inscrite dans le De vera cl /dlsa pœnitentia de pseudo-Augustin, et son insertion dans ce traité n’a pas dû être étrangère à son immense diffusion ; sans parler de la fausse lettre d’Augustin à Forlunat, ci-dessus, col. 912, qui a fini par forcer l’entrée des collections canoniques. A la vérité, il est assez difficile de dire, faute d’un rassemblement suffisant des textes historiques, jusqu’à quel point la pratique a pénétré dans les mœurs..Mais il serait bien étrange que tous les théologiens du xii° siècle, ou à peu près, aient enseigné, de manière plus ou moins expresse, l’obligation, en cas de nécessité, de confesser même à un laïque les fautes graves, si quelque chose n’avait correspondu à cet enseignement. La doctrine, comme il arrive d’ordinaire, a dû suivre la pratique, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait eu aussi une réaction inverse. En tout état de cause, l’ensemble jette un jour curieux sur un des côtés de la vie religieuse du Moyen Age. Si l’on veut avoir quelque idée des questions pratiques que cette doctrine a soulevées, on s’adressera de préférence à Pierre le Chantre, en complétant l’exposé un peu sommaire du Verbum abbrevialum par les passages, jusqu’à présent inédits, qu’a donnés A. Teetært, op. cit., p. 164-176.

b) Autres singularités. — Il faut au moins signaler celle que consiste à réitérer la confession, d’ailleurs faite en de bonnes dispositions et par conséquent valide. La chose était déjà visible dans certains textes de l’âge précédent. Les discussions autour de la singulière question de la reviviscence des péchés (lointain écho, pensons-nous, de la vieille question des relaps), n’ont pu qu’encourager le développement de la pratique en question. S’il était vrai, comme le prétendaient certains docteurs, qu’en cas de rechute dans le péché, les fautes antérieures pussent revivre, s’il était vrai, d’autre part, que la confession de bouche fût le seul moyen de rémission des péchés, on comprend que certains aient préconisé l’obligation, chaque fois que l’on se confessait de fautes graves, d’accuser également les fautes du passé. Mais il s’en faut que cette obligation fût reconnue par tous. L’idée, cependant, n’a pas entièrement disparu ; on en retrouverait encore des traces dans la pratique d’aujourd’hui.

Une autre pratique est signalée par les auteurs de la fin du xue siècle : elle consiste à diviser la confession entre plusieurs prêtres ; à l’un d’eux on avoue telle faute, à l’autre telle autre, ce qui peut contribuer à diminuer les difficultés de l’aveu. Mais c’est là, en toute vérité, un abus contre lequel protestent les docteurs bien informés. Une telle pénitence, dit Alain de Lille, est une pénitence sophistique. Loc. cit., col. 302. Cf. Bandin, dans P. L., t. cxcii, col. 1099 B.

m. la théologie. — Avec les premières années du xii c siècle commencent, dans tous les domaines, les spéculations de la théologie ; elles devaient tout naturellement concerner aussi la pénitence. Les esprits que la dialectique retrouvée commençait à inspirer, qui entrevoyaient comme l’un des devoirs de la science sacrée de mettre de l’ordre dans les concepts et de hiérarchiser les idées, ne pouvaient se soustraire à l’ensemble des questions que soulevait la pratique pénitentielle. La besogne, d’ailleurs, était plus ardue qu’en beaucoup d’autres domaines. On n’oubliera pas que la science théologique du xiie siècle est dominée, beaucoup plus que ce ne fut le cas à l’âge suivant, par les « autorités » du passé. De quelque manière qu’ait eu lieu ce rassemblement des textes anciens — des sentences, comme l’on va bientôt dire — il est certain

que les premiers scolastiques sont tout encombrés de leur richesse. Nulle part, sauf peut-être dans le droit matrimonial, l’encombrement ne se révélait plus grand que dans la question pénitentielle. Depuis le temps lointain de la Dionysiana, k-s collections canoniques avaient inséré, sur la matière, des textes d’origine, de valeur, d’antiquité fort diverses. Témoins de la pratique des époques OÙ ils avaient été rédigés, ces textes, si l’on avait eu la possibilité ou l’idée de les sérier dans le temps et dans l’espace, auraient raconté, de manière fort claire, l’histoire de la discipline pénitentielle, celle aussi des idées théologiques sousjacentes à cette discipline. Sauf sur quelques points 1res apparents, le xiie siècle était incapable de procéder à ce triage. Apparaissant les unes à côté des autres, avec une valeur égale et quasi absolue, ces « autorités », par leur nombre même, ne pouvaient que créer la confusion. Nous avons dit plus haut, col. 901 sq., les difficultés que Gratien avait éprouvées, dans sa tentative, pour faire cadrer, les uns avec les autres, dans la description de la pratique les « canons discordants ». Les difficultés devaient être plus grandes encore dans le domaine de la théorie, et Gratien, qui, dans son traité de la pénitence, inséré au Décret, a fait davantage œuvre de théologien que de juriste, en est encore un exemple remarquable.

On peut ordonner sous deux chefs les questions qui furent agitées durant le xiie siècle par rapport au sujet qui nous occupe : la valeur respective des diverses parties de la pénitence ; l’élaboration de la théorie sacramentelle.

1° Valeur respective des diverses parties de la pénitence. — Cette question a déjà été traitée sommairement à l’article Absolution, col. 171 sq. ; on devra compléter les indications qui sont données à cet endroit par le livre de Polycarp Schmoll, Die Jiusslehre der Fruhscholaslik, Munich, 1909.

La question est celle-ci, et nous allons voir qu’elle n’est pas nouvelle : de toute antiquité, il se pratique, dans l’Église, un rite extérieur qui est ordonné à la rémission des péchés. Ce rite extérieur comporte l’aveu, l’acceptation et l’accomplissement d’une peine, la réconciliation, tous gestes dont Yaclion d’ensemble est, dans l’intention finale de l’Église, d’opérer en l’âme de celui qui s’y soumet un invisible effet : sanctification, justification, remise du péché. C’est seulement quand le rite a reçu son plein achèvement que l’âme coupable est assurée de sa rentrée en grâce avec le Créateur. Mais il va de soi que le rite, à lui tout seul, ne saurait produire cet effet intérieur ; dans l’ensemble du rite, le pénétrant, l’animant, agissent les senti ments, les dispositions de celui-là même qui s’y soumet. Le plus simple est de dire que la rémission du péché est acquise par tout cet ensemble de rites extérieurs informés par la contrition. Mais la curiosité des théologiens est plus difficile à satisfaire et les premii rs maîtres du xiie siècle vont épuiser leur sagacité à soupeser la part respective qui revient à chacun des éléments qui se sont finalement distingués : confession, satisfaction, absolution, d’un côté, contrition, del’autre. Il n’est que de relire ce que nous avons écrit plus haut sur la doctrine pénitentielle aux diverses époques, pour se convaincre que le problème n’était pas nouveau. Seulement, il affectera davantage, au xiie siècle. l’allure d’une mise en équation. Il reste commandé toutefois par les textes mêmes qui >o ; it nés à des époques bien antérieures et ont éié véhicules par les collections canoniques.

1. La satisfaction. - Il est indiqué de commencer par elle, parce qu’ici le problème a été définitivement résolu et que la solution engage plus ou moins les réponses aux autres questions.

a) Sa nécessité. — Nous avons dit toute l’impor-