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PÉNITENCE. SOLUTIONS DÉFINITIVES, LA PRATIQ1 I.


entendons, d’après tout ce qui précède, qu’il n’y a pas

de règle générale sur ce point : dans certaines Églises mi réitère, dans d’autres, on ne réitère pas la pénitence solennelle. L’auteur anonyme du Liber de pœnitentia, P. L., t. ccxiii, col. 878, à qui cette question semble tenir à cœur, commence par transcrire les premières citations du Lombard et les réponses de celui-ci, mais, pour ce qui est de la « détermination » relative au texte d’Origène, il croit devoir la modifier : Origène, dit-il, ne parle que de la pénitence solennelle qui, dans les premiers temps, ne s’imposait qu’une fois, sed hoc tempore (aujourd’hui) in omnibus Ecclesiis quarum notitiam habemus, si iterantur Ma yraviora, iteratur et ipsu pœnitenlia, sicut videre est in homieidis, adulteris et perjuris. A la vérité, tous ces textes laissent encore quelque arrière-pensée. Il semble néanmoins que, au milieu du xiie siècle, le vieux principe de la non-réitérabilité de la pénitence solennelle avait subi de sérieuses atteintes. Il n’est pas impossible que des considérations d’ordre dogmatique aient influé sur la pratique. Ce qui paraît clair, en tout état de cause, c’est qu’aux relaps la pénitence privée est toujours accessible.

Il n’est pas sans intérêt de remarquer, pour finir, les analogies qui se découvrent entre l’ancienne discipline pénitentielle et les règles sur le traitement des hérétiques, telles qu’elles sont élaborées à la fin du xiie siècle. Pour le détail, voir l’article Inquisition. On sait que le principe essentiel de l’inquisition est la recherche des hérétiques. Une fois dépisté, le coupable est mis en demeure d’abjurer ses erreurs. C’est seulement au cas où il se montre obstiné qu’il est remis au pouvoir séculier pour que lui soit infligée Yanimadversio débita. S’il reconnaît ses torts, au contraire, il est traité, en définitive, comme un pénitent public, et les peines variées que prononcent les tribunaux d’inquisition sont considérées, quelle que soit la rigueur de certaines d’entre elles, comme des peines médicinales. On observera, néanmoins, que les hérétiques pénitents sont réconciliés avant l’accomplissement de leur peine. La question des relaps fournirait aussi un parallélisme à celle de la non-réitérabilité de la pénitence publique. On sait que l’hérétique relaps, même s’il se repent, n’a plus aucune chance d’échapper au châtiment et qu’il est, de droit, livré au bras séculier. Toutefois, s’il témoigne alors du repentir, il peut, avant de subir la peine capitale, recevoir les sacrements. Ici encore, le parallélisme se continue avec ce qui était vrai, à l’époque de la discipline pénitentielle. Ainsi, bien que sous des apparences différentes, qui ont masqué aux contemporains la continuité de l’institution, la procédure contre l’hérésie représente une incontestable survivance, et ce, de la fin du xiie siècle jusqu’au début de l’époque moderne, de l’antique pénitence publique.

La pénitence privée.

C’est dans la période étudiée,

et tout particulièrement à partir du milieu du xie siècle, que la pénitence privée, désormais reconnue, par les théologiens et les canonistes, comme une entité bien déterminée, achève de prendre les caractères que nous lui connaissons encore aujourd’hui.

1. Les diverses parties de la pénitence et leurs rapports. — Il vaudrait la peine, pour se rendre compte du travail d’aménagement qui s’est fait dans ce domaine, d’instituer un parallèle entre deux écrits situés l’un au début du xie, l’autre à la fin du xiie siècle : le Corrector de Burchard de Worms d’une part, le Liber pœnitentialis d’Alain de Lille d’autre part. On verrait immédiatement quel progrès s’est opéré dans l’appréciation de la valeur relative des diverses parties de la pénitence. D’un côté, un code canonique où le prêtre est surtout un juge chargé d’appliquer des sanctions, selon un barème ne varietur ; de l’autre, une praxis confessarii qui insiste sur le rôle du confesseur

comme médecin des anus, qui montre celui-ci aux prises avec le pécheur, s’ellorcant d’obtenir de lui un aveu aussi complet que possible, moins pour lui appliquer un tarif que pour connaître son état, excitant en l’âme coupable le repentir sincère de ses fautes, mettant son industrie à lui faire accepter les satisfactions nécessaires. Sans doute, la différence que nous signalons tient d’abord au caractère respectil des deux ouvrages que nous opposons l’un à l’autre ; le Code canonique d’aujourd’hui n’a, lui aussi, que de lointains rapports avec l’Homo a postal icus de saint Alphonse. Nous croyons pourtant qu’il y a, dans la différence entre Burchard et Alain, plus qu’une question de genre littéraire. Un travail s’est accompli entre deux qui a de plus en plus dépouillé la pénitence de son aspect de discipline canonique, pour en faire un moyen de sanctification.

a) La confession. — Cet élément de la pénitence prend un relief de plus en plus accusé. L’étude des divers examens de conscience que contiennent les pénitentiels serait, à ce point de vue, pleine d’intérêt. Pour la minutie de cet examen, nul n’a jamais dépasse Burchard de Worms. La précision des questions posées, même et surtout dans les domaines les plus scabreux, a fini par scandaliser quelque peu. Il y a trace, dans divers guides du confesseur de la fin du xiie siècles, d’une assez vive réaction contre les interrogatoires indiscrets, au moins en matière sexuelle. Voir, par exemple, les Constitutiones synodicee d’Odon de Sully : vi, , P. L., t. ccxii, col. 60 ; après avoir rappelé que les prêtres doivent mettre tout leur soin à obtenir des aveux complets ut diligenter peccata inquiranl, le texte ajoute : usitatasigillalim ; inusitala nonnisia longe, per aliquam circumslantiam.

Ce n’est pas à dire que les confesseurs se contentent d’accusations telles quelles. Tous les auteurs de la fin du xiie siècle, hommes de théorie ou praticiens, insistent sur la nécessité d’interroger le pénitent sur les circonstances de ses fautes. Et il ne s’agit pas seulement des circonstances qui changent l’espèce du péché, mais de celles que nous considérerions aujourd’hui comme sans intérêt pratique. On relèvera, en particulier, l’importance attachée à la circonstance de temps ; commis pendant les jours consacrés à Dieu, dimanche, jours de fête, jours de jeûne, le péché est considéré comme prenant une gravité spéciale qui doit être expliquée en confession.

Tous les pénitentiels et livres apparentés que nous avons pu voir laissent, en définitive, l’impression que l’on fait de l’exactitude des aveux une condition sine qua non de la validité du sacrement. Le souci de cette exactitude est poussé jusqu’au scrupule et, pourtant, il se développera encore dans les âges suivants. C’est à lui, croyons-nous, qu’il faut attribuer ces formules de confession générale que tous les pénitentiels transmettent. Après avoir répondu à l’interrogatoire du prêtre, le pénitent s’accuse, en général, d’avoir beaucoup péché, comme nous disons encore aujourd’hui, cogitatione, verbo et opère. Seulement les formules entrent en des détails d’une précision incroyable pour ces trois grandes divisions, le pénitent s’accusant, en fin de compte, des fautes les plus énormes qui se puissent imaginer, jusques et y compris l’homicide, l’adultère, la pédérastie ou la bestialité. Ces textes posent évidemment un problème ; le fait qu’ils sont assez souvent transmis en langue vulgaire indique qu’il ne s’agit pas seulement ici d’aide-mémoire à l’usage des confesseurs ; ils étaient évidemment destinés aux fidèles. Ceux qui savaient lire les pouvaient trouver par écrit, les illettrés — et c’était la grande masse — les récitaient sans doute à la suggestion du prêtre qui prononçait la formule lentement. En somme, ils jouaient un peu le rôle de nos petits « exa-