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893 PÉNITENCE. SOLUTIONS DÉFINITIVES, TEXTES CANON10UES 894

Matth., xvi, s’éclaire par celui de Joa., xx. Quoi qu’il en soit de la conformité de cette exégèse avec la tradition, l’explication de Bède finirait par prévaloir.

Autre est l’explication fournie par les canonistes, plus au courant de la discipline du passé, plus instruits des textes patristiques rédigés en fonction de celle-ci. En dehors de la pénitence publique, avec laquelle l’explication traditionnelle cadre parfaitement, ils essaient une adaptation de celle-ci à la pénitence privée. Ils font état de ces peines canoniques (visées par les vieux textes ou modifiées par les pénitentiels, il n’importe) dont ils s’attachent à souligner l’importance ; ces peines, le confesseur les impose au pénitent, il l’oblige (ob-ligare) à les subir : c’est comme un fardeau qu’il lie sur ses épaules. Lier le pénitent, c’est lui imposer une obligation. En lianl ainsi, le prêtre fait usage de son pouvoir judiciaire, il détermine, en juge, la mesure dos pénitences. Le malheur est que, dans cette perspective, le tenue de délier n’a plus de correspondant, puisqu’il n’y a pas de moment où le prêtre débarrasse le pénitent de ces satisfactions ; il faudra donc en revenir à l’explication fournie par Bède que le prêtre délivre le pénitent bien disposé de la crainte des supplices éternels..Mais nous passons ainsi du plan de l’expérience à celui des vérités transcendantes. Les hésitalions dont témoignent ces diverses théories apparaîtront plus clairement encore à l’âge suivant.

Est-il besoin d’ajouter que, nonobstant ces défauts d’équilibre, nos auteurs sont tous d’accord pour admettre un parallélisme entre ce qui se liasse ici-bas et ce qui se passe dans l’au-delà ? L’explication de Bède le met en pleine lumière ; et l’autre, pour rester fidèle à Cette idée, n’hésite pas à admettre une incohérence visible.

Mais l’on aura remarqué, sans doute, que l’une cl l’autre explications insistent principalement sur ce que la théologie postérieure appellera le reatus poème. Ce qu’on envisage avant tout c’est l’obligation de subir une peine éternelle ou temporelle qui est, pour le coupable, la conséquence du péché. Or, il est un autre aspect du péché que l’ancienne tradition avait également souligné. En le comparant à une maladie de l’Ame, à la mort spirituelle, elle avait marqué, en somme.ee qu’il y avait d’essentiel dans la faute et dont la peine n’était qu’une conséquence. C’est, de toute évidence, sur cet état intérieur que doit porter, en dernière analyse, la rémission du péché. Mais nous pénétrons ici en un domaine inaccessible aux investigations de l’homme, où c’est proprement Dieu qui opère.

En utilisant l’exemple des lépreux guéris par Jésus, de Lazare ressuscité par lui, les Pères avaient bien marqué que cette guérison, que cette résurrection spirituelle du pécheur était principalement l’œuvre du Sauveur. Jésus ordonnait aux lépreux d’aller se montrer aux prêtres et d’offrir, par leur intermédiaire, le sacrifice prescrit par la Loi ; oui ; mais c’est en se rendant au sanctuaire et avant même l’accomplissement de la plus minime des cérémonies, que ces pauvres gens se trouvaient guéris. La voix divine du Maître rendait « l’abord la vie à Lazareiles apôtres. dans l’occurrence, n’avaient qu’un rôle secondaire : délier le ressuscité les bandelettes qui l’enserraient. Vins ! dans l’action

île la pénitence : guérison intérieure, résurrection de lame sont le fail de l’opération tout intime de la divi niii Nos théologiens reprennent ces commentaires. Mruin qui marque clairement que le pécheur vient

offrir a Dieu, par l’intermédiaire du prêt re, le sacrifice

n. l’oblatiotl de sa pénitence, doit être

persuadé, toul comme les anciens, que la purification

Intérieure est déjà accomplie quand commence le

iflee Même Idée, plus nettement exprimée, dans

1 hristian Drutmar Qnanl aux homélies de pæudo

nt est qu’elles se rapportent a noire période.

elles rendent très exactement le même son. Voir en particulier Hom.. xi, P. L., t. lxxxvii, col. t>3(i (développement sur le thème de Lazare) ; cf. Hom., iv, col. 610 ; ce dernier passage résume au mieux tout ce que nous venons de dire. Après avoir insisté sur le fait que les évêques, dans la réconciliation, ne sont point auteurs mais ministres, car la réconciliation est effectuée par le Christ lui-même, pseudo-Éloi ne laisse pas d’ajouter que l’action intérieure du Christ doit être complétée, sous peine de demeurer imparfaite, par l’intervention de ceux qui ont reçu pouvoir de lier et de délier. L’action de ceux-ci ne peut évidemment s’exercer que sur les pécheurs déjà réconciliés intérieurement. Ce n’est pas qu’il y ait lieu de mettre en doute l’axiome de saint Léon : indnlgentia Dei nisi sapplicationibus scicerdotum obtineri nequit ; mais il ne faut pas oublier qu’à toute la série de l’actio pœnitentise se mêle continuellement l’intervention du Sauveur : Huic tamen operi incessabiliter ipse Salvator intervenil nec iinquam ab tus abest quæ minislris suis exsequenda commisit. Comment traduire cette définition si pleine de notre auteur, sinon en déclarant que la pénitence est un véritable sacrement ?

En résumé, si la théologie de l’âge carolingien n’a pas encore mis au point tous les éléments d’une théorie complète de la pénitence, elle n’a pas laissé de fournir une contribution précieuse aux travaux de l’avenir. Elle a repris avec force la doctrine de la nécessité d’une intervention de l’Eglise dans la rémission des péchés ; si elle n’est pas arrivée à tirer complètement au clair la nature même de cette rémission, et les aspects divers que comporte cette guérison intérieure de l’âme, du moins a-t-elle eu quelques lueurs sur la distinction qu’il convenait d’établir entre la coulpe et la peine. Elle s’est rendue compte, plus clairement peut-être que l’âge patristique, que l’ensemble du processus pénitentiel n’avait pas seulement valeur au for externe, mais s’ordonnait à un effet intérieur. L’idée que fournissait, sur ce point, la pratique de la pénitence privée s est heureusement conjuguée avec les concepts issus de la discipline canonique, lesquels envisageaient davantage l’action extérieure de la pénitence. De tout cela, il est résulté un concept général du sacrement (le mot n’est pas encore prononcé, mais la réalité s’y rencontre), qui, dans sa riche complexité, va servir de point de départ aux spéculations de l’âge suivant.

A la vérité, un petit nombre seulement des textes de nos auteurs se transmettront à la préscolastique ; seuls les dispos il ions d’ordre canonique et les commentaires de l’Écriture, généralement schématisés, seronl conservés cl Uniront par trouver leur place, qui au Décret de Grat Ien, qui dans les Gloses usuelles. Mais, si les Irai tés proprement théologiques des auteurs carolingiens ont finalement sombré dans l’oubli, la pratique qu’ils oui renouvelée partiellement a véhiculé. Jusqu’à l’âge des spéculations doctrinales, bon nombre des idées qui s’étaient précisées à l’époque de Charlemagne et de ses premiers successeurs.

III. Yi : ns lus solutions définitives, Les

années qui suivent l’écroulement définitif de l’empire carolingien (déposition de Charles le Gros à Tribur en XX7> sont, pour l’Eglise d’Occident, une période d’anarchie et de trouble qui n’épargne aucun pays, mais qui sévit plus particulièrement en Italie et à Route. Cette horrible confusion amène le naufrage de ce qui pouvail encore survivre, a la fin du ix siècle, de la culture carolingienne. C’est à partir du milieu du xe siècle seulement que l’on voit poindre, çà et là. l’es

poir d’un relèvement, Conservée en quelques monastères, en quelques évéché », la flamme jaillit parfois, dissipant les ténèbres en telle ou telle région assea

limitée. Il faudra du temps pour que le foVel lumineux (fui. dans la seconde moitié du r siècle, trouve a