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891 PÉNITENCE. LA RÉFORME CAROLINGIENNE, LA DOCTRINE 892

medicamentum pmniteniiee. P. L., t. < :. col. 103 A. Hincmar, dans la lettre à Hildebold, est tout aussi catégorique. A l’entendre, il paraîtrait (|iie la rémission suit Immédiatement l’aveu des péchés : (Christi) iniscricordiæ nec modum possumus ponere, nec tempore. dijfinire, apud quem nuli.as patitur VENUE MORAS vera conjessio… Fideliter no bis confttentibus dimittit (Christus) nobis peccata nostra et emundat nos ab omni iniquitate. P. L., t. cxxv, col. 173.

De ces textes, quelques critiques ont conclu que, pour ces auteurs, la nécessité de la confession n’est plus subordonnée à la pénitence, que l’aveu est devenu nécessaire en lui-même et pour lui-même, que la confession ne concourt pas seulement indirectement à la rémission du péché, mais aussi directement, et cela en vertu d’une activité particulière à la confession elle-même. Voir A. Teetært, La confession aux laïques, p. 34-37. C’est une idée de ce genre qui est au point de départ de l’argumentation de Bède sur la nécessité de la confession aux laïques. Posé le principe : sine confessione emendationis peccata nequeunt dimitii, il n’est pas trop étonnant que l’on aboutisse à l’idée que les fautes les plus légères ne peuvent être remises sans une confession et, puisque la confession à un prêtre n’est pas toujours possible, qu’il convient, par application du confitemini alterulrum peccata vestra, de s’en confesser même à des laïques. Bède est seul, à la vérité, à considérer cette pratique comme obligatoire. Mais la logique aurait dû amener les autres théologiens à la même conclusion.

Toutefois, il convient de ne pas serrer de trop près les expressions employées par ces auteurs. Dans les textes cités, ni Bède, ni Alcuin, ni Raban Maur, ni Hincmar, n’entendent faire la théorie de l’efficacité respective des divers éléments de la pénitence. Ces phrases sont empruntées à des exhortations, non à des traités de théologie. Elles mettent l’accent avec une grande vigueur sur l’importance de l’aveu des fautes ; elles n’entendent exclure ni la componction intérieure, ni la satisfaction, ni l’absolution. Pour ce qui est de cette dernière, nous allons être amené à en traiter avec quelque détail et, quant à la satisfaction, il est de toute évidence que des hommes comme Raban Maur ou Hincmar, si férus de la discipline canonique, si prompts à réagir contre ce qu’ils appelaient le laxisme ambiant, n’étaient pas disposés à signifier son congé à l’idée d’expiation. Pour eux, sans aucun doute, l’accomplissement de la pénitence demeurait proprement cause opérante de la rémission des péchés ; la confession s’ordonnait à la satisfaction. Réglée par les anciens canons ou tarifée par les pénitentiels, celle-ci demeurait, dans l’ensemble de l’actio pœnitentiæ, un élément essentiel. Ajoutons néanmoins que le fait, pour la réconciliation, d’être donnée avant l’accomplissement intégral de la pénitence et parfois même très peu après l’aveu, sinon immédiatement après lui, était bien de nature à faire perdre de vue l’importance de la satisfaction dans la rémission des péchés. Mais la distinction entre les deux effets du péché, la coulpe et la peine n’est encore qu’à l’état d’ébauche, encore que cette insistance sur la venia qu’obtient la confession soit un indice de son existence. On comprend dès lors l’embarras de nos théologiens, quand ils parlent de la rémission des péchés qu’opère la pénitence. Suivant l’inspiration du moment, ils mettent l’accent sur tel des facteurs de l’actio pœnitentiæ avec une force qui ferait penser qu’ils oublient les autres. C’est ce que nous allons constater à nouveau dans leurs façons de parler de la réconciliation.

2. Le sens de la réconciliation ecclésiastique ou de l’absolution. — Deux principes dominent toute la question, et Bède, le maître de tous nos théologiens, les a formulés avec toute la précision voulue. D’une part,

c’est la charité qui remet le péché et, de cette charité, d’autre part, l’Eglise est la dispensatrice : EcclesÙB eharitas qua per Spiritum sanctum difjunditur in cordtbus nostris participum suorum peccata dimittit. l’.orum autem qui non sunt ejus participes lenet. fdeo posteaquam dixit (Jésus) : « Accipite Spiritum sanctum », continuo de peccatorum remistione subjecit. In S. Joannis evang. expositio, P. L.. t. xcit, col. 921.

Le premier principe est évident : présence du Saint-Esprit, charité, rémission des péchés c’est tout un. l’n texte liturgique, que nos auteurs rappellent au besoin, ne dit-il pas que le Saint-Esprit « est lui-même la rémission de tous les péchés », Ipse est remissio omnium peccatorum ? Postcommunion du mardi de la Pentecôte. En d’autres termes, le repentir inspiré par la charité remet la faute sans qu’il y ait. semble-t-il, ; i se préoccuper d’autre chose.

Et pourtant, nous venons d’entendre Bède affirmer, en même temps, que cette charité qui se répand dans les âmes est la « charité de l’Église ». Et de cette expression, de prime abord un peu obscure, notre auteur donne, en commentant Matth., xvi, une abondante explication. Voir ci-dessus, col. 868. En son exégèse du fameux texte relatif au pouvoir des clefs, il a condensé tout ce qu’avait dit la tradition antérieure et il est devenu à son tour une autorité pour tous ceux qui ont suivi ; par la Glose de Wallafrid Strabon, il fera sentir son autorité sur tout le Moyen Age.

Point de difficulté, dès lors, sur le point suivant : la collation à l’Église (à Pierre d’abord, à tous les apôtres ensuite) du pouvoir des clefs fonde le principe que la rémission des péchés ne se fait que dans et par l’Église. Tous nos auteurs, en ceci, sont clairs à souhait. Où l’embarras commence, c’est quand il s’agit de déterminer exactement le sens des mots lier et délier. L’ancienne Église, sur ce point, n’était pas en peine, appliquant sans difficulté la métaphore évangélique à ses usages pénitentiels. Le pécheur qui demandait à l’évêque d’être admis dans Yordo pœnitentium était vraiment lié par celui-ci, empêché qu’il était, par sa nouvelle condition, d’exercer, si l’on peut dire, ses droits civiques de chrétien. Au jour de la réconciliation, l’évêque, en toute vérité, le débarrassait de ces liens métaphoriques en lui rendant la jouissance de ces droits ; le pénitent redevenait chrétien de plein exercice. La seule difficulté, dans le système, était d’expliquer la correspondance, que tout le monde admettait d’ailleurs, entre cette action ecclésiastique et ce qui se passait dans l’au-delà. De cette difficulté, nous avons vu qu’il n’avait été proposé, dans l’ancienne tradition, aucune solution adéquate. Voir col. 787, 810 sq.. et 842. Pour Bède, pour Alcuin, qui raisonnent en dehors de cette perspective de la discipline canonique, l’explication traditionnelle de la métaphore évangélique ne peut plus les satisfaire. Ils ne paraissent pas l’avoir utilisée. Une interprétation de la métaphore évangélique nous est fournie par le texte de Bède cité plus haut. Dans l’actio pœnitentiæ, le prêtre, après avoir pris connaissance des fautes du pécheur et de ses dispositions présentes, agit différemment suivant les constatations qu’il a faites : ou bien le pénitent lui paraît bien disposé et alors il l’absout, il le délie (les deux mots sont équivalents), il le délivre de la crainte de la mort éternelle ; ou bien les dispositions constatées lui paraissent insuffisantes, et alors il fait comprendre au pénitent qu’il reste passible des supplices sans fin : hos a timoré perpetuæ mortis absolvit, illos perennibus suppliciis obligandos insinuât. Il n’y a pas exercice successif du droit de lier et de délier ; il y a, au moment où le prêtre intervient, le choix entre l’un et l’autre de ces droits ; et cela revient à dire, Bède le remarque expressément, que le prêtre est un juge qui peut absoudre ou condamner, remettre ou retenir le péché. Le texte de