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889 PÉNITENCE. LA RÉFORME CAROLINGIENNE, LA DOCTRINE 890

trouvaient pas en face de quelque hostilité qu’il s’agissait de vaincre. Ce n’est pas impossible. Si traditionnelle que fût l’idée que le pardon des fautes ne s’obtient, en définitive, que par l’Église, elle ne laissait pas de se heurter aux vieux errements, qui avaient raréfié au maximum cette intervention du pouvoir des clefs. Sans aucun doute la discipline canonique mettait avec force l’accent sur la nécessaire intervention de l’Église. Mais comme, dans le fait, cette intervention s’était trouvée renvoyée aux derniers moments de la vie, du moins pour un très grand nombre de pécheurs, on comprend assez que certains aient perdu de vue les principes qui dominaient la question. Le préjugé contre la pénitence privée qu’exprimait le concile de Tolède de 589 a pu se maintenir en Espagne, et dans les régions avoisinantes largement soumises à l’influence wisigothique. C’est contre les frères de Gothie qu’Alcuin entreprend de plaider la cause de la nécessité de la confession ; à lire cette lettre, il semblerait bien que les frères en question, et non pas seulement les laïques, nourrissaient, à l’endroit de la confession, une sérieuse antipathie. Peut-être n’est-il pas interdit de voir, dans le canon 33 du synode de Chalon-sur-Saône (813) cité ici, col. 865, une trace de l’opposition que l’on faisait encore, en divers lieux, à la doctrine de la nécessité de la pénitence ecclésiastique. Conciliateur, le texte semble vouloir éviter de prendre parti entre deux opinions, dont l’une préconisait l’exclusive confession à Dieu, tandis que l’autre insistait sur le rôle des médecins spirituels, des prêtres, dans la guérison des pécheurs.

Reste une dernière question que nos textes n’ont pas encore élucidée : celle du lien entre confession et communion. Est-il permis de s’approcher de l’eucharistie sans s’être, au préalable, confessé ? Le problème ne se pose évidemment que pour les personnes coupables de pèches autres que les fautes « quotidiennes ». Disons que, sur ce point, l’on ne trouve pas de réponses fermes à l’époque considérée. Nous avons signalé plus haut que la triple communion dans l’année était pour lors considérée comme obligatoire, sinon en vertu de textes législatifs universels, du moins en vertu de coutumes avant force de loi. On a dit que cette triple communion supposait une triple confession. Voir article Confession, col. 885-886. C’est vrai d’époques postérieures, mais les textes d’âge carolingien, quand il s’agit de l’ensemble des fidèles, ne parlent explicitement que de la confession annuelle à l’époque du carême. Pourtant, les textes de ladite époque font allusion à des communions plus nombreuses. Un texte intéressant de louas d’Orléans tendrait à faire croire que, dans certaines us tout au moins, celui-là était considéré comme un chrétien tiède qui ne s’approchait que trois fois par an de la table eucharistique. Snnl plerique (traduire plusieurs et non lu plupart} qui ah hoc sacramento parlim incuria partim desidia adeo se subtrahunt ut vix in anno nisi sub tribus lantum festis prn-claris ex consuetudine pntius quam ex devotione faciant. De inst. loir., II. wnt, P. £, ., t. evi, col. 202. Soit pour les deux communions de la Pentecôte et de Noël, soit pour les communions intercalaires, les fidèles recouraient ils a la confession préalable ? Les prêtres, les clerc-. amenés par leur ministère à célébrer fréquemment ou a participer à la célébration y recouraient-ils ? N’ons ne saurions l’affirmer. Il est vraisemblable néanmoins que des efforts durent être faits pour lier plus étroitement qu’on ne l’avait fait jadis confession et communion. Les principes développés par Bède et Alcuin sont tellement généraux qu’ils emportent, pour

qui est coupable de fautes graves, la nécessité de la confession avant toute communion. Nul de nos théologien’nre l’idée de la réception des sacrements in Volo ; la logique devait les amener à l’idée dn lien

nécessaire entre confession et communion, idée qui s’affirmera plus claire aux époques ultérieures. Mais c’est ici particulièrement qu’il faut se défier des généralisations trop hâtives et des déductions trop logiques.

2° Rapport entre les divers actes de la pénitence et la rémission des péchés. — C’est la pénitence ecclésiastique, dans son ensemble, qui remet le péché. Cette pénitence est publique ou privée. Nos auteurs, quand ils parlent des effets de cet ensemble de rites, ne font aucune distinction entre ces deux modes de rémission. Nulle trace chez eux de l’ingénieuse théorie qui ne voit dans la pénitence publique qu’une manière de simulacrepropreseulementàfrapperl’imagination des spectateurs et qui n’aurait, sur la rémission du péché, aucun effet particulier. Les textes de l’époque carolingienne sur la pénitence publique sont clairs à souhait : l’absolution, au sens moderne du mot, se confond, sans aucun doute possible, avec la cérémonie de la réconciliation. Ce rite ne relève pas seulement du for externe, il est, avant tout, efficace sur l’intérieur. En quoi nos auteurs ne font que suivre, avec une parfaite docilité, les enseignements de la tradition. Le voisinage de la pénitence privée (qui n’existait pas à l’époque patristique ) ne leur fait pas oublier l’unité essentielle de la pénitence. Il n’y a qu’une pénitence qui s’administre différemment, suivant que les fautes ont été occultes ou publiques. Dans tout ce qui suit, c’est à cette unique pénitence que s’appliqueront toutes nos remarques.

1. Importance attachée à la confession.

Il n’en reste pas moins que c’est désormais la pénitence privée qui attire surtout l’attention ; c’est même à elle seule que songent les Anglo-Saxons, un Bède, un Alcuin, qui ont été les premiers éducateurs du monde carolingien. Or, en dépit de son identité foncière avec la pénitence publique, la pratique insulaire, dorénavant acclimatée sur le continent et canonisée par les décisions ecclésiastiques, présente un aspect extérieur qui semble l’opposer à la discipline ancienne. Celle-ci mettait au premier plan l’idée d’expiation, accordait à la réconciliation une importance considérable ; si l’aveu y jouait un rôle, ce dernier n’était que subordonné. Dans la pratique insulaire, nous y avons insisté ci-dessus, col. 860, la confession au contraire devenait la grande affaire. Il n’est donc pas étonnant que, dans la pensée de nos théologiens, elle fasse quelque peu reculer à l’arrière-plan les deux autres facteurs. A telles enseignes que le mot est tout uniment employé par Alcuin pour désigner la pénitence ecclésiastique : voir en particulier la lettre cxii : Dicitur neminem ex laicis suam velle confessionem sacerdotibus dare, P. L., t. c, col. 337 B : « Personne, dirions-nous aujourd’hui, ne veut se confesser. »

Et ce n’est pas une simple question de mot. Un peu plus loin, Alcuin identifie la confession aux sacrifices expiatoires, prescrits par la loi lévitique : In Levitico peccalor ad sacerdolem mittitur cum oiclima, quam nfjcrcns Dco orct pro co et dimittatur ei : quæsunt noslrip victimæ pro peccalis a nobis commissis, nisi confessio peccutorum nostrorum ? Quam pure Deo per sacerdolem nfferre debemus ; quatenus orationibus illius nostræ confessionis oblatio Deo acceptabilis fiât et remissionem ab eo accipiamus. Ibid., col. 338 D. Même idée dans l’exhortation adressée aux jeunes gens : tolum venialeerit quod peccasti si confiteri non erubescis. A lire cet aphorisme, il semblerait que la confession apporte par elle même le droit au pardon. Raban Maur est donc un fidèle écho d’Alcuin quand il dit. dans l’homélie i.v. précisant encore les paroles « le son leux maître : <’.<<nfesslo fusttflcal, confessio venlam pecoatts donat. Omni » ipei ventât in eonfesêione consista, confessio opus est mtsericordise, soins segrotl, unicum est viribus imstris