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885 PÉNITENCE. LA RÉFORME CAROLINGIENNE. LA DOCTRINE 886

différentes. La lecture des textes autoriserait peut-être à distinguer deux cas : celui des confessions isolées, celui des confessions par groupe. Un pécheur, c’est le premier cas, se présente au domicile du prêtre et la première partie de l’ordo psenitentiæ se déroule suivant les prescriptions que nous avons relatées ci-dessus. La réconciliation a-t-elle lieu aussitôt après ? Certains textes nous permettent de penser que le cas se présente, et les paroles de Jonas d’Orléans, rapportées col. 878, invitent à penser que, même pour des fautes très graves, certains prêtres accordaient la réconciliation et, comme nous dirions, l’absolution, sinon immédiatement après l’aveu et l’injonction de la pénitence, du moins après un laps de temps fort court. Plusieurs textes supposent la cérémonie en questions’accomplissant à l’église, tandis que la confession proprement dite s’est faite au domicile du prêtre. Mais certains ordines visent aussi le cas de confessions groupées, si l’on peut dire. Le sacramentaire de Fulda et les textes parallèles prévoient le cas du prêtre qui, au début du carême, entend les confessions de ceux dont il a la charge, impose séparément, à chacun, la pénitence convenable et enjoint aux ayants cause de revenir pour le jeudi saint à la cérémonie de réconciliation solennelle ; c’est cette cérémonie, avec toutes ses oraisons et ses psaumes, qui fait l’objet de la description suivante : elle doit être publique, selon toute vraisemblance, et s’accomplit, une fois pour toutes, pour l’ensemble des pénitents qui se sont confessés au début du carême. Des exceptions sont prévues pour ceux qu’une raison sérieuse empêcherait d’assister à cette cérémonie finale. Le texte vaut d’être cité :

Prarnonere débet sacerdos eos qui sibi confileri soient ut in capite jejunii concurrere incipiant ad renovandam confessionem. Et tune suscepta secundum prolatam rationeni confessione, indicat singulis congruam psenitentiam sive observantiam usque in csenam Domini, magnopere intimans illis in pra-senti, ut tune (c’est-à-dire le jeudi saint) ad reconciliandum festinarc nullatenus parvipendant. Si vero interest causa aut itineris aut cujuslibet occupationis, aut ita forte hebes est ut ei hoc sacerdos persuadere nequeat, Injungat ei tam quadragesimalem quamque annualem psenitentiam et reenneiliel eum.liilim. Dans Schmitz, Die liuibiicher, t. ii, p. 57.

Aussi bien, à l’époque où nous sommes arrivés, la confession régulière, on le voit par notre texte, est devenue d’un usage de plus en plus fréquent. Le principe de la réitérabilité de la pénitence s’exprime clairement dans le texte suivant du Pmnitentiale Vindobonense u de Wasserschleben qui doit être du vin » siècle : « an 16. si psenitentiam susciperll homo et unde pssnitnJt eadem rerum commlserit, jubemus ul Iterum et pseniteniian agal et loties psenitentiam tollat.quotiespeccataconimiMTil. Tolics est pius Dominus Dcus quoties ad eum conversas Inerit homo. l’nccipimus igitur ut quarumque hora psenitentiam petierit, eadem hora ei tribuatur, non transteral in allô die. Wasserschleben, on. cit., p. 420.

Non seulement il est permis de réitérer la pénitence, maii on voil s’affirmer de plus en plus l’obligation de recouru a celle ei a îles Intervalles déterminés. Voir ee qui ;, été dit ici a l’article Coni ssaiow, col xiii-885 ; les textes allégués se rapportent tous à l’époque que nous éludions. L’on remarquera également que les

règles sur la fréquence de la communion marchent de

pan avei relies qui sont relatives à la confession.

Aussi bien la liaison se fait elle de plus en plus étroite

entr< la réception de ces deux sacrements. Mail 1

là uni quesl de doctrine sur laquelle nous revlen

(Irons plus loin. Constatons simplement ici qu’au courant du i’sni le la (onfession quadragésimale obligataire est devenue an mage fréquent, sinon universel,

et qu’en bien des endroits l’obligation de la confession s’impose aux fidèles à d’autres moments de l’année. Mais ceci reste encore de droit coutumier et l’on ne saurait alléguer aucun précepte tant soit peu général.

En définitive, l’on peut dire qu’à l’époque carolingienne, et tout spécialement au cours du ixe siècle, la pénitence privée prend de plus en plus les caractères qui la rapprochent de l’institution actuelle. N’eût-il fait que préciser ces caractères, l’effort des réformateurs ecclésiastiques de cette période n’aurait pas été stérile. Leur zèle, d’ailleurs, à remonter aux sources de la tradition chrétienne ne pouvait manquer d’attirer l’attention sur des aspects de la pénitence chers à l’antiquité et que les âges postérieurs avaient tant soit peu obnubilés. A se pencher avec curiosité sur tant de textes conciliaires ou patristiques, il ne pouvait y avoir, pour la doctrine de la pénitence, que des avantages. C’est ce qui nous reste maintenant à examiner.

/II. la doctrine. — Nous avons signalé plus haut la difficulté qu’éprouve l’historien de la théologie à tirer au clair les conceptions que l’on se faisait aux vie et viie siècles de la rémission des péchés dans et par l’Église. L’obstacle venait surtout de la rareté des informations. A l’époque qui nous occupe, les documents ne manquent pas ; ce n’est pas, néanmoins, une besogne de tout repos que d’en extraire un clair enseignement. Deux choses frappent dès l’abord l’observateur qui s’aventure dans l’histoire d’un point quelconque de la théologie carolingienne : l’impossibilité où l’on se trouve, en premier lieu, de fixer la pensée personnelle d’un auteur déterminé. Au moment précis où l’on croit le saisir, le théologien, le commentateur, le sermonnaire que l’on étudie se dérobe derrière une citation d’un texte ancien, saint Augustin, par exemple, sans même prendre soin de signaler son garant. A quoi se joint, trop souvent, un manque de logique qui déconcerte. La dialectique, dans l’enfance, ne permet pas encore à nos auteurs de définir ni de distinguer ; les diverses idées se suivent sans se lier et le progrès de la pensée est loin de toujours apparaître. Qu’on relise, à titre d’exemple, les deux préfaces, d’ailleurs parallèles, de la Dacheriana et d’Halitgaire, où se découvrent pourtant de si nombreuses idées sur le repentir et sur la pénitence ecclésiastique, et l’on se rendra compte de la difficulté qu’il y a d’en extraire une doctrine tant soit peu suivie sur la matière : leur théologie en est encore à balbutier. Les siècles suivants abuseront de la logique, celui-ci abuse de l’érudition. Sous ces réserves, il n’est pas interdit d’interroger les auteurs de cette époque, tant sur la nécessité de l’intervention ecclésiastique, dans la rémission des péchés, que sur la manière dont, à les en croire, cette intervention aboutit au résultat cherché.

1° Nécessité de l’intervention ecclésiastique pour la rémission des pécliés. — Sur ce point, la théorie devait sortir de la pratique, et nous avons dit qu’au fur et à mesure que l’on avance dans la période étudiée, le précepte ecclésiastique prend de (dus en plus de consistance qui oblige les pécheurs à recourir à la pénitence. Toute la réglementation de la pénitence publique est dominée par ce principe qu’il n’est, en somme, de rémission des pèches que dans et par l’Église. Le triomphe de la pratique insulaire aux siècles précédents avait pu mettre en une moins vive lumière cette idée fondamentale. Le confesseur des Vieux pénitent icls apparaissait surtout comme le régulateur d’une expiation personnelle. A lire telle ou telle disposition, un fidèle -- si un pénitent ici lui était tombé entre les mains aurait pu conclure, bien

à tort, qu’il n’avait besoin de personne pour régler

ses comptes avec Dieu, qu’il était quitte avec la justice divine une fois accomplies les œuvres satlafac-