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879 PÉNITENCE. LA RÉFORME CAROLINGIENNE, LA PRATIQUE 880

texte est équilibré de telle sorte que l’idée de profession religieuse n’en est pas absolument exelue.

Ainsi, le principe est posé qui réglera désormais, et pour longtemps, le domaine des deux formes de pénitence. Il reste à voir le fonctionnement de l’une et l’autre disciplines.

La pénitence publique.

Ce ne dut pas être

chose facile de remettre en mouvement les rouages de la vieille institution. Et l’on serait bien aise d’avoir, pour juger de la manière dont les choses se passèrent, d’autres documents que des textes législatifs, lesquels sont plus aptes à nous faire savoir ce que l’on entendait faire que ce que l’on fit dans la réalité.

Peut-être trouverait-on quelque enseignement dans les deux épisodes de la vie de Louis le Pieux où l’on voit cet empereur, amené par les proceres ecclésiastiques à faire pénitence des fautes qu’il a commises dans son gouvernement. Une première fois, en 822, à Attigny, le souverain est incité par les représentations des évêques à une démarche que l’Astronome raconte ainsi : Palam se errasse con/essus et imilalus Theodosii imperatoris exemplum, pœnitentiam spontaneam suscepit, tam de his (sentences trop sévères portées contre des coupables) quam quæ in Bernardum nepolem proprium cesserai (Bernard, révolté, avait été puni de l’aveuglement et était mort des suites de cette mutilation). Vita Ludovici, P. L., t. civ, col. 951. Il n’est pas très facile de voir ici ce à quoi les proceres ont moralement contraint l’empereur. Par contre, le récit des événements qui se sont déroulés à Soissons en 833 est particulièrement clair. Voir Episcoporum de exauctoratione Hludowici imperaloris relalio, P. L., t. xcvii, col. 659-666. Trahi par les siens, livré à son fils Lothaire, le souverain est enfermé à l’abbaye de Saint-Médard. Les meneurs de la révolte, ayant à leur tête Ébon de Reims, viennent de Compiègne, où ils tiennent concile, pour décider l’empereur à se soumettre à la pénitence publique : Il a perdu son pouvoir terrestre, qu’il ne perde pas encore son âme, et songe à son salut, en acceptant le remède que l’Église réserve au repentir. Louis se laisse convaincre, demande que l’on fasse venir à Soissons son fils Lothaire pour se réconcilier avec lui et lui demander pardon des torts qu’il lui a faits ( !), puis, en présence de la multitude, il recevra, en pénitent, le jugement sacerdotal. Ainsi fut fait. Au jour dit, dans la basilique de Saint-Médard, devant un énorme concours de peuple, l’empereur prosterné sur un cilice devant l’autel confessa qu’il n’avait pas rempli complètement ses devoirs, qu’en bien des choses il avait gravement offensé Dieu et scandalisé l’Église. « Et pour l’expiation publique et ecclésiastique de toutes ces fautes, il déclara demander la pénitence, afin que Dieu lui accordât l’absolution de tant de crimes par le ministère et le secours de ceux à qui a été conféré le pouvoir de lier et de délier. » Les évêques l’engagent à s’en remettre à la miséricorde divine, mais à ne point perdre de vue qu’il devait faire une confession intégrale et sincère de toutes ses fautes. On lui met donc en main une liste des crimes dont il devait se reconnaître coupable. Il la lut en présence de tous ; Ébon déposa ensuite cette pièce sur l’autel, après quoi : cingulum mililiæ deposuit ( Ludovicus) et super allare collocavit et habilu sœculi se exuens, habitum pœnitentis per imposilionem manuum episcoporum suscepit, ut posl tanlam talemque psenitentiam nemo ultra ad militiam sœcularem redeat. La relation des évêques ne dit pas ce qu’il advint ensuite de Louis ; mais l’Astronome nous assure qu’il fut enfermé : pullaque indulum veste, adhibita magna custodia, sub teclum quoddam retrudunl. P. L., t. civ, col. 964 C. Remarquer ce que dit ce dernier de l’illégalité de cette procédure ; il considère cette cérémonie comme un renouvellement

de la pénitence d’Attigny et, au nom de l’axiome juridique non bis in idem, proteste contre cette réitération de la pénitence publique.

Nous n’entendons point ici porter un jugement sur l’opportunité ou la légitimité de cette double action épiscopale ; la politique s’est étrangement mêlée ici à la religion, et les intérêts mêmes de l’Église ont été plus compromis que servis en cette lamentable occurrence. Ce qu’il faut retenir de cette narration, c’est que les proceres ecclésiastiques du ixe siècle entendaient prendre au sérieux la discipline canonique dont ils prêchaient la résurrection. Quand ils le purent, là où ils le purent, ils ont tenté d’imposer — même aux puissants — les vieilles règles. S’ils n’ont pas reculé devant la majesté d’un souverain, vaincu à la vérité et tombé aux mains de ses ennemis, on peut estimer que, devant des pécheurs de moindre envergure, ils ont urgé, quand cela leur a été possible, l’exécution des canons.

Il faut donc se représenter que les statuts synodaux d’un Hincmar, par exemple, donnant à son clergé des instructions sur la pénitence publique, ne sont pas toujours demeurés lettre morte. Il est intéressant, en toute hypothèse, de signaler la tentative faite pour adapter à des conditions plus modernes l’antique discipline : les prêtres des diverses paroisses jouent ici un rôle considérable. Dès que vient à la connaissance du curé quelque faute grave, homicide, adultère, parjure, ou quelque autre crime perpétré en public (l’inceste est visé en d’autres textes), le prêtre, s’il peut en atteindre l’auteur, et que celui-ci soit de bonne volonté, doit l’exhorter à se présenter d’urgence au doyen et à ses assistants, lesquels devront adresser un rapport à la curie épiscopale, de telle sorte que le pécheur public puisse, dans les quinze jours, être envoyé à l’évêque et recevoir de lui la pénitence canonique publique avec l’imposition des mains. II est sous-entendu que le pénitent rentre ensuite à son domicile habituel et qu’il est placé sous la surveillance du curé ; dans leurs conférences mensuelles, les curés devront rendre compte au doyen et, par lui, à l’évêque de la manière dont se comportent les pénitents, afin que l’évêque puisse apprécier la durée pendant laquelle il devra laisser ceux-ci attendre leur réconciliation : ut in actione pœnitenliæ pensare valeamus quando quisque psenitens reconciliari debeat. Le statut prévoit le cas où le coupable se montrerait récalcitrant ; il sera alors séparé de l’Église jusqu’à ce qu’il vienne à résipiscence. Des mesures sont également prévues contre les curés négligents qui n’appliqueraient pas exactement les prescriptions ci-dessus. Voir les Capitula o/)7)o XII episcopatus superaddita, c. i, P. L., t. cxxv, col. 793. Mêmes prescriptions, plus brièvement édictées, dans les Capitula d’Hérard de Tours, n. 14, P. L., t. cxxi, col. 765 B.

Comment se déroule l’action de la pénitence, c’est ce que les statuts synodaux d’Hincmar permettraient aussi de reconstituer. Mais, comme les textes y sont un peu dispersés, il est préférable, en dépit d’un très léger anachronisme, de s’adresser à Réginon de Prum, qui s’est d’ailleurs très copieusement inspiré de ses prédécesseurs. Cet abbé distingue nettement l’imposition de la pénitence, I, 290, P. L.. t. cxxxii, col. 245, qui correspond de toute évidence à l’action judiciaire dont nous parlait tout à l’heure Hincmar et l’ensemble des cérémonies plus proprement liturgiques qui constituent l’aclio pœnitenliæ. I, 291.

In capite quadragesimæ omnes pœnitentes qui publicam suscipiunt (il s’agit de ceux qui se présentent pour la première fois) aut susceperunt (ce sont les coupables qui, s’étant présentés antérieurement, se sont déjà entendu imposer leur pénitence) pœnitentiam, ante fores ecclesiæ se représentent episcopocivitatis, sacco induti, nudis pedibus,