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871 PÉNITENCE. LA RÉFORME CAROLINGIENNE, LA PRATIQUE 872

simples fidèles de s’accuser mutuellement de leurs fautes légères : de quotidianis vero et levibus (peccatis), perrari sunt qui invicem confessionem faciant, exceplis monachis qui id quotidie jaciunt. Quod vero de levibus et quotidianis peccatis con/essio mutua fieri debeat sequentia manifestant. Et l’auteur d’aligner les preuves qui lui paraissent militer en faveur de cette pratique. On relèvera, dans ce même traité, t. II, c. xviii, col. 201 sq., une indication précise sur la fréquence de la communion à l’époque. Après avoir noté qu’il est des fidèles que leurs péchés font exclure, par jugement sacerdotal, de la communion, il remarque que trop facilement d’autres fidèles, soit négligence, soit paresse, ne s’approchent guère de la table sainte que trois fois par an, nisi sub tribus lantum feslis prœclaris ; encore est-ce moins par dévotion que par habitude.

Raban Maur, dans son De clericorum inslitutione, nous offre une réplique du livre de Jonas. Les c. xxix et xxx, P. L., t. cvii, col. 341 sq., sont une description des rites pénitentiels, envisagés du point de vue de la discipline canonique. Les pénitents dont il s’agit, au c. xxix, ne peuvent être que les coupables admis dans Vordo pœnitentium, où il n’y a pas de place pour les clercs des ordres supérieurs : s’ils se rendent coupables, ceux-ci ne font pénitence que devant Dieu : ita ut a sacerdotibus et levitis deo teste fiât, a cœteris vero astante coram Dca solemniter sacerdote. De même, au c. xxx, il est spécifié que la réconciliation ne peut avoir lieu que post complementum psenitentise. Cette pénitence publique ne s’applique qu’aux fautes publiques ; quant aux péchés occultes et qui ne sont dévoilés que par la confession faite au prêtre ou à l’évêque, leur pénitence s’accomplit secrètement, selon le jugement du prêtre ou de l’évêque à qui ils ont été confessés. L’homélie lv, De confessione ac pœnitentia atque compunctione cordis, t. ex, col. 101, fournit une bonne description de la contrition et de la confession. On en rapprochera les c. xv-xvii du Diadema monachorum de Smaragde, P. L., t. en, col. 611-614.

A côté de ces exhortations, on peut placer la série d’homélies mises sous le nom de saint Éloi († 660), P. L., t. lxxxvii, col. 593-654, mais qui ont bien des chances d’être postérieures de deux siècles à la mort du célèbre évêque de Noyon. Voir l’article Éloi, t. iv, col. 2345. Une bonne partie de ces sermons représente les admonitions adressées par un évêque, le jeudi saint, à la cérémonie de la réconciliation des pénitents. Homil., iv, vi, vii, viii, xi, xiii, xv. Si, comme pense l’avoir démontré E. Vacandard, ces homélies sont bien de la seconde moitié du ixe siècle, elles donnent, sur la pratique de l’époque et plus encore sur les idées, de très précieux renseignements.

Signalons enfin, pour terminer, dans la correspondance d’Hincmar, archevêque de Reims († 882), une lettre extrêmement intéressante. Epist., xxvi, P. L., t. cxxvi, col. 172 sq. Le suffragant de Reims, Hildebold, évêque de Soissons, gravement malade, envoie à son métropolitain sa confession écrite, en lui demandant des lettres d’absolution, absolutorias litleras. Hincmar lui répond en le renvoyant au Christ, ad pontifteem nostræ confessionis Jesum. En vertu des mérites de celui-ci, il peut s’exprimer de la sorte à l’endroit d’Hildebold : Confitenti tibi peccata tua, per ecclesiasticam potestatem… dimittat tibi (Deus) omnia peccata tua, liberet te ab omni malo, conservel in omni bono, et perducat te ad vitam œternam, et ad sanctorum sacerdolum consortium. Amen. Cette sorte d’absolution, il la transmet au malade par un prêtre, à qui il remet en même temps l’huile sainte pour l’extrêmeonction. Mais il ne laisse pas de faire remarquer à son suffragant qu’outre cette « confession générale », il

doit faire à Dieu et à un prêtre une confession détaillée de toutes les fautes qu’il a commises depuis sa petite enfance jusqu’au moment présent : quæque, ab ineunte œlate usque ad hune in qua nunc degis, te commisisse cognoscis specialiter ac singillatim Deo et sacerdoli salage confileri. Cette recommandation, qu’Hincmar, d’ailleurs, reconnaît superflue, introduit un petit développement sur l’action de la pénitence relativement aux diverses catégories de péché. Il ne serait pas difficile d’en faire sortir toute la théorie de la reviviscence des péchés, quand il s’agit, bien entendu, des fautes graves. Mais, comme il arrive si souvent dans les auteurs de l’époque carolingienne, l’abus des citations empêche de déterminer quelle était exactement la pensée d’Hincmar.

II. la pratique.

Le trait caractéristique de l’époque étudiée, c’est la séparation qui va s’établir, dans la pratique comme dans la théorie, entre les deux disciplines pénitentielles qui, depuis quelque temps déjà, coexistaient dans une partie de l’Occident. Cette distinction, que le droit finira par consacrer, est partiellement le résultat d’une très vive réaction contre les pénitentiels et la discipline qu’ils représentaient.

La réaction contre les pénitentiels.

Cette réaction,

qui se manifeste si nettement dans les conciles réformateurs de 813 et plus encore dans les années suivantes, est d’origine continentale, et elle se produit assez tardivement. Alcuin, qui est anglo-saxon de naissance et d’éducation, ne semble pas en être touché. C’est avec la seconde génération de la renaissance carolingienne qu’elle fait son apparition, et l’influence de Théodulfe, un Espagnol, n’a pas dû être étrangère à son développement. En toute hypothèse, la réaction a cause gagnée dans tout l’épiscopat franc avant le milieu du ixe siècle.

1. Laxisme reproché aux pénitentiels.

Que reproche-t-on aux livres pénitentiels, qui ont foisonné pendant le vin 8 siècle ? Leur laxisme d’abord, qui tient à plusieurs causes et s’étend à deux domaines assez distincts.

Les pénitentiels, en effet, ne sont pas seulement des guides pour les confesseurs ; étant donnée la connexité qu’il y a entre la pénitence et certaines dispositions du droit, sur l’ordre et le mariage principalement, ils sont devenus des vade-mecum à l’usage du clergé, où s’incorporent tellement quellement des notions sommaires de droit canonique. Beaucoup de pénitentiels ont des chapitres sur les empêchements de mariage sur les questions de séparation ou de divorce, sur les irrégularités relatives à la réception des ordres ou à l’exercice des ordres reçus. Or, sur plusieurs de ces points, les solutions apportées par les pénitentiels insulaires ne sont pas conformes à celles qu’avait prévues l’ancien droit. L’influence des coutumes ou des idées orientales, qui s’est fait sentir à plusieurs reprises dans les Iles Britanniques, y a favorisé l’introduction de certains abus : le divorce, en cas d’adultère d’un des conjoints, est le plus saillant ; il n’est pas le seul. Du jour où se répandra, sur le continent, une connaissance plus exacte de l’ancien droit occidental, il est inévitable qu’une réaction se produise contre les pratiques insulaires, convoyées par les pénitentiels, et contre les pénitentiels mêmes.

Mais ce qui indispose le plus les réformateurs du ixe siècle, c’est le laxisme des livres en question en matière de pénitence ; laxisme tout relatif, bien entendu, et qui tient en partie au fait que les compilateurs de ces livrets, rencontrant dans les sources des tarifs différents, n’ont pas résisté à la tentation d’inscrire, à la suite les uns des autres, les chiffres contradictoires qu’ils ont rencontrés. Dans les pénitentiels tripartites, les solutions fournies par les trois