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    1. PÉNITENCE##


PÉNITENCE. ORIGINES DE LA PÉNITENCE PRIVÉE

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canoniques. Certaines de leurs prohibitions, celles du commerce conjugal ou du port d’armes pendant la durée même de la pénitence, ne pensent s’expliquer, a-ton dit, qu’en fonction des anciennes lois canoniques. B. Poschmann, op. cit., p. 28. Il nous parait, en effet, et nous l’avons déjà fait remarquer, qu’il ne serait pas impossible de constituer, en partant des plus anciens textes, des séries continues qui feraient passer aux formes les plus récentes par des transitions graduées. L’on verrait alors que les habitudes insu laites ont, avec les pratiques de la discipline grecque, plus d’un point de contact non seulement à L’époque de Théodore, où l’influence grecque s’explique sans peine, mais à l’époque même de saint Patrice.

Une dernière considération, enfin, est bien propre à faire entendre que le hiatus ne paraissait pas si grand qu’on l’imagine entre la discipline canonique et la pratique insulaire ; c’est la simplicité avec laquelle les missionnaires romains du début du vu siècle ont accepté lesdites pratiques. Alors que, sur d’autres points (et qui nous paraissent bien secondaires), l’antagonisme a été violent entre chrétientés celtiques et prédicateurs romains, il n’est jamais question, à notre connaissance, qu’un conflit se soit produit sur la pratique pénitentielle. L’opposition contre les habitudes insulaires en la matière ne s’est pas manifestée davantage dans l’est de la Gaule à la suite de l’apostolat de saint Colomban. On ne voit que l’Espagne où l’attention soit attirée sur les graves divergences qui séparent les pratiques récemment importées et la discipline canonique. Tout cela tient évidemment au fait que l’Espagne avait conservé plus fidèlement les vieilles réglementations, tombées plus ou moins en désuétude en Gaule et même à Rome. Du moins, le fait que la pratique insulaire n’a pas, en général, rencontré d’opposition témoigne à sa manière que la discipline pénitentielle celtique ne constituait pas, aux yeux de qui la voyait fonctionner pour la première fois, une novation au sens propre du mot.

2. Identité foncière des divers éléments dans l’une et l’autre disciplines. — Aussi bien, l’analyse attentive des éléments constitutifs de l’une et l’autre disciplines révèle-t-elle une frappante identité.

a) De toute évidence, la contrition, est commune à l’une et à l’autre : peenitenda non admiltere, admissa deflere, c’est en ces deux maximes que le pénitentiel de Colomban définit le repentir. Sur la prédication de la pénitence, telle que la réalisaient nos missionnaires cettes, nous n’avons que de maigres renseignements ; l’action profonde qu’ils ont tous exercée doit au moins nous être une preuve de l’émotion que leurs paroles faisaient passer dans l’âme de leurs auditeurs. Cette émotion, pour ne pas s’exprimer peut-être dans les manifestations extérieures que décrivaient un Pacien ou un Tertullien, ne devait pas être moindre que celle qui amenait aux pieds d’un Césaire d’Arles ou d’un Hilaire les pécheurs repentants. Il fallait d’ailleurs que ce brisement de cœur fut bien grand pour amener les coupables à accepter les dures obligations satisfactoires de cette pénitence privée.

b) La satisfaction, dont nous avons dit à maintes reprises qu’elle est, dans la discipline canonique, l’élément le plus voyant de la pénitence, est encore ce qui, dans le nouveau régime, attire plus particulièrement le regard. Cette satisfaction est-elle plus facile ? l’est-elle moins que dans la pénitence canonique ? L’est affaire d’appréciation. Les tarifs de nos premiers pénitentiels, même mitigés par les arre a, représentent des mortifications qui risquent de passer, aux yeux d’observateurs superficiels, pour tout aussi impraticables que les prescriptions de l’ancienne discipline. A en lire les sévérités, on serait tenté de croire que ces dures observances n’étaient point appliquées, ou du

moins de penser que nos pères ont mis a trop haut prix la rémission du péché. Ne jugeons pas du passé d’après nos habitudes modernes, D’ailleurs, à des populations habituées par la pratique de la vie a régler par des compensai ions tarifées les dix ers dommages causés au prochain, ce système de taxes pénitentielles ne devait point paraître surprenant. On a parlé, à ce propos, et non sans raison, de l’introduction, dans le domaine religieux, du Wergeld germanique. Il y a bien quelque chose de cela dans les tarifs de nos vieux ailleurs. Mais il ne faut pas oublier que les moines cettes trouvaient ailleurs des points d’appui. L’Ancien Testament, en particulier (qui. pour le dire en passant, inspire aux pénitentiels tant de prescriptions sur les aliments purs et impurs), avec tout son système d’expiations, minutieusement réglées, a pu inspirer l’idée générale de tarif qui est à la base de la discipline insulaire. Mais, pour important que soit l’écart entre cette idée, qui introduit dans les rapports de l’âme avec Dieu les complications du calcul, et l’idée fondamentale de la discipline canonique, qui ne connaît, pour les fautes les plus diverses qu’une seule peine, il n’en reste pas moins que, de part et d’autre, on se rencontre dans cette pensée, que la remise de la peine due au péché ne va pas sans une peine volontaire que s’inflige à lui-même le coupable.

c) Par ailleurs, l’introduction de l’idée de tarif devait avoir sur le concept de la confession une influence considérable. On n’oubliera pas que toute la discipline ancienne est fondée sur la nécessité de l’aveu des fautes. C’est l’aveu, spontané ou provoqué, qui est le point de départ de toute l’action pénitentielle ; en l’absence d’aveu, il peut y avoir excommunication pénale, il n’y a pas introduction dans Vordo pienitentium. Seulement, la signification decet aveu se ramène à ceci : donner à l’administrateur de la pénitence le moyen de juger si les fautes commises sont de celles qui doivent être expiées par la pénitence canonique ou, au contraire, de celles qui se rachètent par l’expiation personnelle. A l’époque surtout où l’exclusion du pénitent se réduit à un petit nombre de semaines ou de jours, où cette durée n’est plus proportionnelle à la grandeur et au nombre des fautes commises, on comprend que l’aveu ne soit pas entré en de très grandes précisions. Dans le système de la tarification pénitentielle. l’aveu est tout aussi nécessaire, en principe, que dans le système canonique, mais il prendra forcément un caractère beaucoup plus détaillé. Car le confesseur est celui qui doit proportionner, et dans une mesure très exacte, les expiations aux fautes commises, en tenant compte non seulement des fautes en elles-mêmes et de leur nombre (de leur distinction spécifique et numérique, comme diront les théologiens ultérieurs), mais encore de toutes les circonstances de personne, d’âge, de sexe, de temps, de lieu, etc. Le pénitentiel, nous l’avons déjà dit, pose, en définitive, les principes de la casuistique, en même temps qu’il popularise l’idée de la confession détaillée. Et, par ailleurs, cet entretien du pécheur avec le confesseur fournit à ce dernier l’occasion de donner des conseils appropriés. L’ouverture de conscience monastique, à laquelle ressemble par tant de points l’entretien en question, nous oriente dans le sens de la direction spirituelle et de la confession des fautes légères. Ces dernières ne relevaient en aucune manière de l’ancienne discipline canonique : la place est considérable que leur accordent les pénitentiels.

d) Mais cet aspect de la confession ne doit pas nous faire prendre le change. La confession n’est pas seulement un entretien du pécheur avec la personne capable de lui indiquer les moyens d’expier