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PÉNITENCE. ORIGINES DE LA PÉNITENCE PRIVÉE


soil en elles mêmes, soit dans leurs diverses circonstances. Et une lecture attentive du tarif permettrai ! au théologien moderne de se rendre un compte assez exæt de la gravité que les ecclésiastiques du virsiècle reconnaissaient aux divers péchés. Certaines appréciations paraissent, a première vue, assez surprenantes. Il convient de rappeler, d’ailleurs, « pie les textes publiés sont loin d’offrir toute garantie, surtout au point de vue des chiffres qu’ils contiennent ; qu’en plusieurs canons le choix est laissé au confesseur entre telle ou telle quotité de la peine.

Les fautes sont rangées dans l’ordre suivant, qui se rattache, au moins en son principe, à la théorie des octo eapitalia vitia : gourmandise et ivresse, impureté (désignée par le terme général de fornication), avarice (dont le vol est une conséquence), homicide, hérésie, parjure, mépris des lois ecclésiastiques sur le dimanche el le jeûne, idolâtrie et superstition. Ces divers paragraphes sont interrompus par quelques dispositifs spéciaux, c. viii, sur les fautes commises par les serviteurs de Dieu (prêtres ou moines) ; c. xiv, sur les fautes des personnes mariées. Tout informe que nous paraisse l’ouvrage, il ne laissait pas de donner, à qui en avait quelque pratique, le moyen de trouver rapidement le tarif à appliquer dans un cas déterminé.

Aussi bien, c’est en cela d’abord que consiste le rôle du prêtre : fournir au pécheur qui vient le consulter, le moyen efficace, et en quelque sorte mathématique, d’expier ses fautes. Mais on voit immédiatement quelle conséquence ceci entraîne : la confession explicite et détaillée. Voici, de ce chef, une précision qui s’ajoute à la vieille discipline. Le texte que nous étudions ne nous donne point de clarté sur la conclusion de cet entretien entre le coupable et le prêtre auquel celui-ci vient s’accuser. Retenons cependant que, tout au moins pour les fautes graves soumises à de longues pénitences, il était question, dans le texte signalé ci-dessus, col. 849, de réconciliation, intervenant après un certain temps d’accomplissement de la pénitence.

Une autre constatation se dégage de notre texte. Rien, absolument rien n’y indique que cette pénitence ne puisse être accordée qu’une fois. Puisqu’il n’y a pas d’ordo pœnitentium dans lequel on entre, puisqu’il n’y a pas de réconciliation publique désignant le pénitent à l’attention de la communauté, puisqu’en définitive toutes choses se règlent entre lui et le prêtre auquel il a ouvert sa conscience, on ne voit pas pourquoi le processus employé une première fois ne pourrait l’être une seconde. Qu’on examine, en particulier, le c. i, relatif aux fautes de gloutonnerie ; pourquoi ces fautes, dont quelques-unes sont relativement légères, ne pourraient-elles pas être soumises à diverses reprises à l’arbitrage du confesseur ? Autant en dira-t-on de la pollution volontaire de l’homme, mentionnée, n 3 : Si quis seipsum coinquinat, XL dies pœniteal ; à plus forte raison, des désirs impurs signalés aussitôt après : Qui concupiscil jornicaresednon potest, XL dies vel XX pœniteal, et d’une manière générale d’un très grand nombre des fautes signalées.

A la vérité, il n’est pas facile de dire quelle pouvait être la fréquence de ces recours à la médiation du prêtre. Nous dirons tout à l’heure qu’en somme cette discipline, partie des couvents, s’est étendue aux laïques, qui ont été amenés à se rapprocher plus ou moins des habitudes monastiques. Or, il ne saurait faire de doute que, dans les couvents, le recours à la confession, accompagnée ou non de réconciliation, ait été fréquent. On ne se tromperait donc guère, pensons-nous, en se représentant qu’en certaines provinces tout au moins, à l’époque dont nous parlons, les laïques se présentaient assez souvent au prêtre qui avait charge de leur âme. C’est bien dans le même sens que nous oriente le canon de Tolède de 589.

t n dernier trait achève de caractériser la pratique ; il est, lui aussi, une conséquence de la disparition de Vordo peenitentium. La pénitence est accessible aux clercs, même de l’ordre le plus élevé. Tout un chapitre du pénitent ici de Théodore vise les fautes des i serviteurs de Dieu ». L. 1, c. viii, Wasserschleben, op. < il., p. 192 sq. Ces fautes sont expiées par des pénitences analogues à celles que l’on impose aux laïques : les plus graves, cependant, sont punies de la dégradation ou de la déposition. Ibid., c. ix p. 194. Quant à la question des irrégularités que crée, pour l’entrée dans le clergé, le fait d’avoir commis quelque faute grave, elle n’appartient pas à notre domaine.

2° Origine et diffusion de celle pratique péniteniielle.

— 1. Origine. Les diverses recherches entreprises dans ce domaine ont abouti à un résultat que l’on peut considérer comme acceptable, au moins à titre provisoire : la pratique pénitentielle que nous venons de décrire a pris ses caractères définitifs dans les Églises celtiques tant de la Grande-Bretagne que de l’Irlande au cours du v c siècle.

Dans la grande île, d’une part, depuis son abandon par les Romains au début de ce siècle et depuis sa submersion rapide par les barbares venus de l’Est, les institutions ecclésiastiques se sont profondément modifiées. Nous ignorons jusqu’à quel point elles étaient, au siècle précédent, en harmonie avec celles des Églises continentales ; peut-être avaient-elles déjà pris une tournure insulaire ». Mais il est certain, qu’à partir du moment où ces chrétientés celtiques sont isolées du reste de l’Église, elles prennent une allure qui les distingue profondément de toutes les autres. Le plus caractéristique de ces traits, c’est, a coup sûr, l’absence de hiérarchie épiscopale. Non certes que ces communautés vivent sans évêques ; elles en ont ; elles en ont même beaucoup ; mais elles n’ont ni diocèses strictement délimités, ni provinces ecclésiastiques, ni synodes réguliers. C’est autour des églises des monastères que se groupent les populations chrétiennes, et les chefs de ces monastères, revêtus de la dignité épiscopale, sont en même temps les supérieurs de leurs moines et les pasteurs des fidèles d’alentour.

Même situation en Irlande, où la première évangélisation, antérieure à l’arrivée de saint Patrice, a été commencée par des missionnaires bretons. On a dit à l’art. Patrice (Saint) les efforts faits par celui-ci pour donner plus de cohésion aux chrétientés d’Hibernie ; mais, comme on l’a fait remarquer alors, les efforts tentés par le grand apôtre n’ont pas eu de lendemain. Dès avant la mort de Patrice, l’île est retombée dans le même état inorganique. En définitive, à la fin du ve siècle, sur les rives occidentale et orientale de la mer d’Irlande, en Cornouailles, dans le pays de Galles, au sud de l’Ecosse, aussi bien que dans l’île d’Lrin se rencontre un même type d’organisation ecclésiastique, le type celtique, profondément différent de celui du continent. Voir, à ce sujet, dom Gougaud, Les chrétientés celtiques, Paris, 1911.

Or, c’est précisément dans ce milieu si particulier qu’ont pris naissance les premiers pénitentiels. Voir, pour le détail, l’article Pénitentiels, où l’on remarquera aisément les différences entre les canons de saint Patrice, qui ont des chances d’être authentiques, et les tarifs ultérieurs. A mettre en série ces divers textes. on s’aperçoit d’un progrès continu dans le sens de la tarification. Ce caractère était définitivement acquis dans le cours du vi° siècle. Alors que les prescriptions du synode de Patrice font encore songer aux « lettre-canoniques » grecques, ci-dessus, col. 790 sq., avec qui elles présentent certaines analogies, les Canones liibernenses, le pénitentiel de Vinnian et les autres textes bretons nous mettent définitivement sous les yeux la pénitence tarifée : la théorie même des arrea, si