Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/432

Cette page n’a pas encore été corrigée
849
850
PÉNITENCE. ORIGINES DE LA PÉNITENCE PRIVÉE


qu’il est emmené en exil, Colomban trouve, dans la prison de Besançon, un certain nombre de condamnés ; il les emmène à l’église, ut commissorum scelerum pœnilentiam agant. Ibid., 34, col. 1031 B. Dans la première lettre adressée par lui au pape saint Grégoire, Colomban fait allusion aux confidences qu’il a reçues de la part d’ecclésiastiques qui se sentaient coupables : Sunt enim quorum in his nouimus conscientias et cum nostra parvilale id conferentes, rerlum scire volebant si sine periculo posl hoc possinl (minislrare ?), id est, aut posl gradum solidis emplum, uni posl in diaconatu adulterium, absconsum tamen dico cum clientelis adullerium, quod apud nostros magistros non minoris censetur esse (acinoris. P. L., t. ixxx, col. 262 D. — La Vie de sainte Fara, rédigée par le même Jonas, témoigne que, dans certains monastères, l’abbessc recevait les aveux de ses filles. S. Burgundo/oræ vita, ix, P. L., t. lxxxvii, col. 1078-1080. — La Vie de saint Éloi raconte en détail, comment, au sortir de l’adolescence, le futur évêque de Noyon, cupiens se vas Deo exhibere sanctificatum, ne meluens ne aliqua suum delicta pectus frustrarenl, omnia adolescenliæ suæ coram sacerdole confessus est acta. Vita, vii, P. L., t. lxxxvii, col. 484. Voir d’autres exemples à l’art. Confession, col. 875, 884.

II. LA pratique.

C’est à l’aide de ces documents, hélas trop rares et trop peu explicites, qu’il faut essayer de donner une idée de ce qu’était la pénitence privée ; il conviendra, ensuite, de rechercher son point d’origine et de suivre la marche de sa diffusion ; il faudra se demander aussi jusqu’à quel point la forme ancienne a coexisté avec la nouvelle pratique.

Idée générale.

Pour fixer les idées et éviter

des généralisations hâtives, demandons au Péniienliel dit de Théodore, qui représente assez bien un type anglo-saxon du viie siècle, comment les choses pouvaient se passer à cette époque et dans cette région.

Comme l’indique la préface du livret, l’ouvrage n’est pas de Théodore lui-même (Théodore, un moine grec de Tarse, a été désigné en 668 par le pape Vitalien comme archevêque de Cantorbéry. où il est mort en 690). Mais, en définitive, les solutions qu’il donne peuvent être considérées comme celles que l’archevôque proposait « aux nombreuses personnes qui venaient lui demander conseil, sur la manière d’expier leurs fautes ». Voir cette préface dans Wasserschleben. op. cit., p. 183. Sans nous astreindre, à suivre l’ordre même du livret, relevons d’abord un certain nombre d’indications d’ordre général.

Au I. I, c. xiii, op. cit., p. 197, on trouve les trois textes suivants : Reconciliatio pwnitentium in cœna Domini tantum rstab episcopo, et consummata pœnitentia. Si vero episcopo difficile sit, presbytero potest necestllati » causa præbere potestatem ut impleat. — Reconcilialio ideo in hac provincia publiée statuta non est, quia cl publica pmnilentia non est. Les deux premières phrases font clairement allusion à l’état de choses qui a été amplement décrit < i dessus : la réconciliation des pénitents au jeudi saint étant, en somme, le dernier acte, accompli par l’évêque et, à son défaut, par un prêtre délégué, « le toute la série des démarches qui ont constitué le pécheur dans létal de pénitent. Or, le pénitentiel « Ici lare, d’une manière expresse, que cette procédure n’existe pas dans la province ecclésiastique pour laquelle il est rédigé : I n Angleterre pas de rélotion publique, parce qu’il n’y a pas de pénitence publique. » lue autre particularité est signalée un peu plus haut, i. xii. i. ibid., p. 196 i Psenitenles ndum canona non debmi communicare ante <<>n malionem pœnitentia, no » autan pin miæricordia post annmn vel mente » sea Ucentlam damus. L’oppo lition est clairement marquée entre les prescriptions canoniques et les coutumes de la province. El celle qui est ici relevée est capitale La pénitence canonique

a pour essence même la séparation du coupable de la communion ecclésiastique en général et tout spécialement de la communion eucharistique ; seule la cérémonie de la réconciliation lui donne accès à la table du Seigneur ; l’exclusion ne peut prendre fin qu’avec la pénitence elle-même, quoi qu’il en soit des séquelles plus ou moins pénibles qui survivent à l’acte même de la réconciliation. Le fait qu’ici une possibilité est ouverte au pénitent de participer à l’eucharistie avant que la pénitence soit entièrement accomplie, ce fait montre bien qu’une autre idée s’est substituée à la conception canonique.

Aussi, bien des phrases comme celle-ci : post unnum vel menses sex licentiam damus ne doivent pas donner le change. Il suffit de parcourir le pénitentiel lui-même pour se rendre compte que les mots « durée de la pénitence » n’ont pas le même sens ici et dans les textes canoniques. Les termes septem dies…. sepluaginta (lies… unum annum.. quindecim annos pœniteal n’ont plus la signification de la durée pendant laquelle le pénitent est écarté de la table eucharistique, mais bien de celle durant laquelle il doit accomplir l’œuvre pénitentielle par excellence, c’est-à-dire le jeûne, ou ses succédanés. Voir, par exemple, I, i, 6, p. 184 : Qui inebriatur contra Domini inlerdiclum, si votum sanctitatis habuerit, radies in pane et aqua, i.xx sine pinguedine pwniteat, laici sine cerevisia, « Le moine qui s’est enivré devra jeûner au pain et à l’eau pendant sept jours, ou bien (à moins que ce ne soit et en plus) s’abstenir d’assaisonnements pendant 70 jours ; le simple laïque, ne sera privé pendant ce temps que de la bière. » Que doit être la pénitence qui dure pendant plusieurs années ? Notre texte ne le dit pas ; il suppose que chacun sait ce que veut dire : faire pénitence tant et tant d’années. D’autres textes donnent des précisions dans lesquelles il n’est pas nécessaire que nous entrions. Disons seulement que, durant ces années de pénitence, le coupable est tenu de jeûner, c’est-à-dire de différer son repas, jusqu’assez avant dans la soirée, un certain nombre de jours par semaine (d’ordinaire les mercredi et vendredi) ; ces jeûnes sont plus fréquents et plus rigoureux durant les trois carêmes qui reviennent chaque année ; ils sont aggravés par diverses abstentions de certaines catégories d’aliments ou de boissons, etc. Dans les très vieux textes irlandais, il n’est pas rare de voir mentionnées les superpositions, c’est-à-dire les jeûnes prolongés sans aucune interruption pendant deux ou même trois jours.

A s’en tenir strictement aux prescriptions des tarifs, certains coupables auraient dû être punis d’un nombre d’années de pénitence dépassant de beaucoup la durée normale d’une vie humaine. Mais, de bonne heure, on avait imaginé un système de compensations, ou arrea. ( in en trouvera des exemples topiques dans les Cunones hibernenses, Wasserschleben, op. cit., p. 130. Une pénitence d’une certaine durée peut être remplacée par une autre plus courte mais plus pénible. Arrcuin anni : triduanus in ccclesia sine cibo et potu et somno el vestitu sine sede et canticum psalmorum cum canlicis et oratione horarum et in eis xii geniculationes. Ainsi une année de pénitence est remplacée par un séjour ininterrompu de trois jours dans une église, dans les COn ditions qu’énonce le texte. Elle peut l’être par douze

jours d’un jeûne extrêmement slriet. dont la mesure est donnée, ou encore par douze triduani (jeûne absolu de trois jours consécutifs). Cette dernière compensa

lion, est expressément signalée par le Péniienliel de Théodore, I. mi. 5, p. 191. Celui ci ajoute, d’ailleurs ibid.., 1 : Qui mutin mole jeccrinl, ut est homlt niniin.

adullerium cum multere et cum pecude ci furlum, tant m monasterium ci pœniteant tuaue o<l morlem,

Il va de soi que la rigueur des pénitentes imposées

est proportionnée.ï la gravité des fautes considi