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    1. PÉNITENCE##


PÉNITENCE. LES Ve ET VIe SIÈCLES, PRATIQUE

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matière. A parcourir les textes de [’époque, on a l’impression — mais celle Impression peut être trompeuse — que la réception de la pénitence publique, pour les coupables en bonne santé, va de plus en plus se raréfiant. On n’en voit guère d’exemple dans l’œuvre littéraire, pourtant si volumineuse, de saint Grégoire le Grand. Voir pourtant Episl., XIV, xvii, t. lxxvii, col. 1326.

b) Malades. — Par contre, il n’est guère de chrétiens qui ne souhaitent recevoir la pénitence au moment de la mort. Le sacramentaire gélasien connaît, à côté de la cérémonie solennelle du jeudi saint, la forme plus brève de la réconciliation in articula morlis, et le rituel décrit par le Liber ordinum wisigothique ne s’applique qu’à des malades. Il est remarquable que les livres liturgiques (mal conservés à la vérité) ne fassent état que de ces deux réconciliations.

On a pu discuter, à l’époque précédente, sur la valeur de cette pénitence in extremis ; voir col. 806 ce qu’en dit saint Augustin. On entend encore, à l’âge où nous sommes arrivés, des échos de cet enseignement ; il semble à quelques esprits, tant soit peu chagrins, que c’est une manière trop commode de se tirer à bon compte des exigences de la justice divine. Il faut pourtant que l’Église s’adapte à cet état de choses et sa législation se fait de plus en plus libérale. La discipline romaine ne refuse jamais la pénitence à un malade qui la demande (il ne s’agit pas, bien entendu, d’un relaps dans l’un ou l’autre des sens indiqués ci-dessus). Eût-il perdu connaissance, on devra pratiquer, à son endroit, les rites liturgiques, surtout si son entourage se porte garant de ses sentiments. Sur ce point, le principe posé par le pape saint Léon a fait loi : His qui in lempore necessitatis et in periculi urgentis instanlia præsidium pœnitenliæ et mox reconciliationis implorant nec salisfactio interdicenda est nec reconciliatio deneganda. Texte inséré dans YHispana, P. L., t. lxxxiv, col. 781 B. L’Église gauloise, qui a d’abord hésité sur le procédé à employer (elle donnait seulement le viatique, sine reconciliatoria manus imposition, I er conc. d’Orange, can. 3, dans Y Hispana, loc. cit., col. 255) semble s’être finalement rangée à la pratique romaine, comme il résulte des Staluta Ecclesiæ antiqua, n. 76, donnés par YHispana comme IVe concile de Carthage, ibid., col. 206 : Si continuo creditur moriturus, reconcilietur per manus impositionem et infundatur ori ejus eucharistia. La seule question que posait cette réconciliation in extremis était de savoir si, en cas de convalescence, le pénitent devrait repasser, ou non, par les exercices extérieurs de la pénitence publique.

Mais, pour ce qui est des effets canoniques de cette administration in extremis, les textes, quelle que soit leur origine, ne laissent aucune hésitation : elle produit absolument toutes les conséquences, entraîne avec elle les mêmes séquelles que la pénitence solennelle. Si l’on ne se montre pas absolument inflexible pour des jeunes gens qui, réconciliés durant une maladie, et revenus à la santé, usent encore du mariage, on spécifie bien que c’est là une simple tolérance qui n’a pas valeur de loi. Et c’est pourquoi, s’il s’agit d’un malade encore jeune, on évite de lui donner la réconciliation, tant qu’il reste une chance de survie. Remarquez à ce point de vue la rubrique du Liber ordinum wisigothique, ci-dessus, col. 818 ; rien ne saurait être plus révélateur.

Quelle sera donc l’attitude des pasteurs zélés ? Ils devront, quoi qu’ils en aient, se plier aux habitudes, admettre que le rejet de la pénitence à la fin de la vie est la normale. Ce à quoi ils visent d’abord, c’est à ce que leurs ouailles ne renvoient pas au tout dernier moment une opération aussi nécessaire ; que les chrétiens moyens se réservent, dans leurs vieux jours, le temps nécessaire non seulement pour recevoir la pénitence,

mais pour faire pénitence. En attendant ce moment, que les pécheurs s’efforcent, par leur Iravail personnel, par le changement de Nie, et par les autres moyens d’expiation, de se mettre en règle avec Dieu. Il ne semble pas indiqué d’interdire à ces lidèles 1 accès de la talile eucharistique et de les contraindre, par là, à

recevoir la pénitence. Comme Augustin déjà l’avait remarqué, ils sont trop ! Alors, à l’approche des grandes fêtes, qui vont amener un concours plus grand de communiants, les évêques pieux s’évertuent à faire passer dans les âmes un peu de componction, à les amener, dirions-nous, à la contrition parfaite, à les disposer au regret sincère de leurs fautes, à exciter en elles un ferme propos, à leur faire pratiquer ces grands moyens de rémission que sont la prière, le jeûne, l’aumône. Ainsi comprises, les homélies quadragésimales de cette époque prennent une sonorité inattendue. Qu’on relise avec cette idée directrice tels sermons de saint Léon, de saint Césaire, de saint Grégoire le Grand !

c) Clercs. — Le traitement des clercs coupables rencontre dans la pratique les mêmes difficultés. Les clercs supérieurs (à partir du diaconat), avons-nous dit, ne sont pas régulièrement soumis à la pénitence, telle est du moins la discipline qui s’est généralisée au début du ive siècle. Le texte de saint Léon est formel : Alienum est a consueludine ecclesiastica ut qui in presbyterali honore aut in diaconii gradu fuerinl consecrati, ii pro CKIMINE aliquo sui per manus impositionem remedium accipiant pœnitentiœ… Unde hujusmodi lapsis, ad promerendam misericordiam Dei, privala est expetenda secessio. Ad Rusticum, n. 2, transmis par l’Hispana, P. L., t. lxxxiv, col. 765 D.

Si la faute du clerc est de telle nature qu’elle puisse être juridiquement poursuivie, on comprend que la déposition s’ensuive. Si elle est secrète, le clerc est-il tenu de la faire connaître à qui de droit et de demander lui-même sa punition ? Le mot de saint Léon, expetenda secessio, semble l’indiquer ; et c’est bien ainsi que l’entend Julien Pomère : illi (il s’agit de prêtres) se vane decipiunt, si eis videtur propterea communicare et ofjïcium suum implere debere quod homines occullatione sui criminis fallunt. De vila cont., Il, vii, P. L., t. lix, col. 451-452, tout le passage serait à transcrire.

Mais c’était demander aux coupables de l’héroïsme ! Furent-ils nombreux les clercs qui le pratiquèrent ? Il est permis d’en douter. Par le fait même, bien des consciences pouvaient être en désarroi, et 1 idée dut se présenter, à plusieurs de ceux qui se sentaient inquiets, de recourir, au moins in extremis à la pénitence canonique. C’est en ce sens, pensons-nous, d’accord avec B. Poschmann, qui se réclame de Sirmond, qu’il convient d’interpréter le canon 4 du 1 er concile d’Orange (repris par le canon 29 du IIe concile d’Arles) : Pœnilentiam desiderantibus clericis non negandam. Dans YHispana, P. L., t. lxxxiv, col. 255. Nous avons signalé, à une époque plus tardive, il est vrai, la façon dont Isidore de Séville demande, sur son lit de mort, la pénitence. Col. 829. La chose pouvait être courante à ce moment ; ce que le biographe montre, c’est la manière un peu inusitée dont se déroule la cérémonie. En définitive, ce qui avait fini par devenir le « droit commun » des laïques devenait aussi, peu à peu, le « droit commun » des clercs.

Les autres questions que soulève la discipline des clercs, excommunication ou déposition temporaire, pénitence temporaire dans un monastère etc., regardent plus spécialement, le droit canonique. Nous n’avons pas à y insister. Notons au moins qu’ici encore se retrouve une certaine uniformisation de la pratique pour les laïques et les clercs. Il n’est pas inouï de rencontrer dans les textes postérieurs des excommunications ou dépositions non suivies de pénitence, levées