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    1. PÉNITENCE##


PÉNITENCE. LE IIIe SIÈCLE, LES THÉOKII.S

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La réconciliation.

1. Elle est d’abord une rc’cunciliation

avec l’Église. — Tout ce que nous avons vu jusqu’à présent nous amène à cette première conclusion : pour éviter à la communauté d’être souillée par la présence d’indésirables, pour empêcher les coupables de doubler leurs crimes antérieurs par la participation sacrilège à l’eucharistie, l’autorité ecclésiastique a commencé par les mettre en quarantaine. Rentrant en eux-mêmes (per nos ad intelligenliam deliclorum suorum convertuntur), comprenant la grandeur de leurs fautes, ils s’efforcent de toutes manières de les expier par la pénitence, en quoi d’ailleurs ils sont aidés par les suffrages de l’Église et les oraisons de leurs frères. Leurs larmes, leurs macérations, sanctifiées par tant de prières, ne peuvent qu’attirer sur eux la miséricorde divine, le pardon du Père très bon qui accueille le pécheur repentant. Présumant ce pardon, l’Église peut, dès lors, réadmettre en son sein les enfants réconciliés avec Dieu, leur présence ne souillera plus son assemblée, et eux-mêmes pourront s’approcher sans crainte de la table du Seigneur. C’est le premier sens du geste qui réintroduit dans l’Église le pénitent qui a purgé sa peine.

Et, dans cette perspective, on s’explique assez bien l’attitude de l’Église en l’affaire des péchés dits irrémissibles. Irrémissibles aux yeux de Dieu ? non pas ; on aurait bien étonné saint Cyprien avant 250, si on lui avait dit qu’en refusant de réconcilier dans l’Église les fautes contre Dieu, il condamnait les coupables à la perte éternelle. Cette idée s’exprime clairement, à la vérité, dans la Didascalie, laquelle en fait un argument pour montrer que le pardon ecclésiastique ne peut être refusé à aucune faute. Mais elle ne pouvait être celle des évêques africains qui « fermaient définitivement la porte de l’Église » aux adultères. Il faudra la crise novatienne pour que l’argument invoqué par la Didascalie se généralise ; encore ne faisait-il pas impression sur les membres du concile d’Elvire. Il y a, d’ailleurs, dans saint Cyprien, un mot très net, qui établit la distinction entre le pardon ecclésiastique et le pardon divin. En réconciliant le pécheur, écrit-il, nous n’entendons en rien préjuger du jugement de Dieu. Neque enim prsejudicamus Domino judicaturo quo minus si psenitentiam plenam et justam peccaloris invenerit, tune ratum faciat quod a nobis fuerit hic slatulum. Nous ne voulons pas, par un jugement préalable, empêcher le Seigneur de porter le jugement qu’il estime équitable. Epist., lv (52), n. 18. Le mot est valable pour les pécheurs que l’Église refuse de réconcilier et qui ne laissent pas de pouvoir être pardonnes par Dieu ; il l’est pour ceux que l’Église accueille et qui peuvent, en cas d’insuffisance de leurs dispositions, ne pas recevoir leur pardon de celui qui sonde les reins et les cœurs. Voir aussi Epist., lvii (54), n. 3 : Nos in quantum nobis et videre et judicare conceditur faciem singulorum videmus ; cor scrutari et menlem perspicere non possumus. De his judical occultorum scrulator et cognilor cito venturus et de arcanis cordis atque abditis judicaturus.

N’oublions pas, d’ailleurs, que cette théorie qui s’exprime non moins clairement dans le De lapsis, c. xvii : Nemo se fallat, solus Dominus miscreri potest, etc., a été formulée avant l’explosion de la crise novatienne et dans la perspective des usages qui étaient courants avant 250. Le novatianisme, par son attitude intransigeante, va amener des hommes comme Cyprien, Denys d’Alexandrie et d’autres à prendre une conscience plus claire de la signification intégrale du rite de la réconciliation ecclésiastique.

2. La réconciliation avec l’Église est le signe efficace de la réconciliation avec Dieu. — Nous avons essayé, à l’art. Novatien, de préciser quelles furent, en face du conservatisme intransigeant du prêtre romain et

des théories par lesquelles il chercha à le défendre (col. 839-840), les réactions de l’Église catholique dans le domaine de la pratique et dans celui de la théorie (col. 834-839). Nous avons noté, en particulier, l’attention plus grande qui a été donnée au texte de Mat th., xviii, 18, auquel la lettre synodale du concile de Carthage de 251 se réfère expressément, Epist., lvii (54), n. 1 : Nec enim /as erat aut permittebat paterna pielas et divina clementia Ecclesiam pulsanlibus cludi et dolentibus ac deprecantibus spei salutaris subsidium denegari, ut de sœculo recedentes sine communicationc et pace ad Dominum dimitterentur, quando permiserit ipse et legem dederit, ut ligala in terris et in cœlis ligata essenl, solvi autem possent illic quæ prius in Ecclesia solverentur. Cf. art. Novatien, col. 839, en haut, et les observations sur l’usage du texte de Joa., xx, 21-23. Quoi qu’il en soit de la date de composition de la Didascalie, on peut dire que c’est, de tous les documents anciens, celui qui a le mieux saisi toute la portée du texte évangélique en question.

Mais, si la crise novatienne, et même les discussions antérieures ont fait prendre aux hommes d’Église une conscience plus nette du parallélisme qu’il y a entre la sentence de la terre et celle du ciel, il ne faudrait pas croire que cette idée fût récente ; elle était trop clairement exprimée dans l’Évangile pour avoir échappé à l’attention. Il faut bien que l’on en ait eu quelque obscur sentiment pour qu’il y ait toujours eu hésitation dans la conduite à tenir à l’égard des moribonds. Ci-dessus, col. 783. Quoi qu’il en soit de l’attitude pratiquement adoptée par les chefs de l’Église, l’idée qu’un chrétien part dans l’autre monde sans avoir été réconcilié avec l’Église cause à tous les plus vives appréhensions. Sans doute, nul n’entend préjuger de la sentence divine ; mais tous considèrent, et c’est encore aujourd’hui l’attitude des vrais chrétiens, que c’est un grand malheur que d’entrer ainsi dans l’éternité. Cette considération fait fléchir un certain nombre d’intransigeants. Une fois qu’il en aura compris l’opportunité et la légitimité, Cyprien s’en fera le dévoué champion. Pourquoi ce trouble, cette anxiété devant le sort de celui qui « meurt sans sacrements », sinon parce que la réconciliation ecclésiastique est dans un rapport, que l’on ne détermine pas d’ailleurs, avec le pardon divin.

La même idée s’exprime dans les préoccupations que cause la perspective des nouveaux combats où peuvent être entraînés des lapsi repentants, mais non réconciliés. C’est la crainte d’une persécution imminente qui pousse les évêques africains du concile de 252 à réconcilier en masse les lapsi des deux années précédentes. Voir Epist., lvii (54), n. 2. Il s’agit de reformer les rangs de l’armée chrétienne, de récupérer tous ceux qui ont été mis hors de combat ; le plus sûr moyen de faire de tous ces éclopés une phalange consistante, c’est de les réadmettre à la communion complète avec l’Église. Dans le sentiment que le pardon leur est accordé par Dieu, dans la participation, à l’eucharistie qui leur est désormais permise, ils puiseront un nouveau courage : ut quos excitamus et hortamur ad prielium, non inermes et nudos relinquamus, sed prolectione sanguinis et corporis Christi muniamus. Tout le développement sans doute — et il est très beau — insiste sur les forces nouvelles que l’eucharistie va donner aux pécheurs réconciliés, mais l’idée de l’énergie communiquée par l’assurance du pardon divin n’en est pas absente. Les déserteurs d’hier sont redevenus des chrétiens de plein droit, admis à la table eucharistique, parce qu’ils remplissent les conditions nécessaires, parce qu’en définitive ils sont réconciliés à Dieu. Sans le geste ecclésiastique, ils ne sauraient avoir toutes ces assurances. Autant dire que la réconciliation avec l’Église est pour eux signe — et signe efficace — du