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PÉNITENCE. LE III* SIÈCLE, LES THÉORIES


droit des lapsi, privés par là des avantages inappréciables de la pénitence canonique, qu’à l’endroit de la communauté chrétienne. Celle-ci risque, par de tels procédés, d’être déshonorée aux yeux mêmes des païens : ne, si quid abrupte et indigne vel a nobis promissum vel a nobis factum fuerit, apud gentiles quoque ipsos, Ecclesia noslra erubescere incipiat. Epist., xv (10), n. 3, cette épître est parallèle au De lapsis, qui en a repris certaines expressions. C’est une duperie pour toute l’Église de Carthage que de semblables manières de faire : Decipitur fraternitas noslra a quibiisdam veslrum, qui, dum sine ralione resliluendæ salulis plausibiles esse cupiunt, magis lapsis obsunt. Epist., xvi (9), n. 2.

En définitive, c’est dans l’intérêt du pécheur, pour l’empêcher de se condamner davantage par une indigne communion, mais c’est aussi dans l’intérêt de l’Église, dont une présence indésirable souille l’oblation, qu’il faut séparer, pendant quelque temps, les criminels de la pleine vie ecclésiastique. Cela n’est pas vrai seulement de ceux qui se sont rendus coupables de fautes énormes. La même lettre de saint Cyprien signale que cette discipline a son application pour des péchés de moindre importance. Nam cum in minoribus peccatis agant peccatores pœnilentiam justo tempore, et secundum disciplinée ordinem ad exomologesim venianl et per manus imposilionem episcopi et cleri jus communicationis accipiant… Ibid., n. 2, ad linem.

Quelque chose de cette pratique est demeurée dans les prescriptions modernes de l’Église. Aujourd’hui encore, à s’en tenir aux règles canoniques, la présence dans l’assemblée chrétienne d’un excommunié notoire et l’itandus empêcherait la célébration ou la continuation des rites eucharistiques : persistance d’une idée où saint Cyprien se serait reconnu.

A la vérité, la controverse novatienne, qui éclate au printemps de 251, amènera sinon à atténuer la rigueur de la pratique, du moins à retoucher la théorie. Voir

irt. Novatibn, col. ski au bas. Déjà Hippolyte avait,

bien irrévérencieusement, comparé l’Église de son rival Cal liste à une arche de Noé où voisinaient animaux purs et impurs. Les catholiques, à des objections analogues faites par le parti novatien, répondront en citant la parabole de l’ivraie dans les emblavures. Matth., mu, 24-/0. Mais cette citation et d’autres analogues que l’on trouvera dans Cyprien, Epist., i.v (52), n. 25-27, ne doivent pas faire oublier quc la rigueur de la pratique se maintint partiellement. I.a méditation de ces textes influera plutôt sur la pratique de la réconciliation. Dans son intérêt et dans celui de l’Église, il faut que, pendant un juste temps, le pécheur soit séparé de la participation intégrale à la vie liturgique. Ne parlons pas néanmoins d’excommunication an mus moderne du mot. Celle-ci prive le condamné de toute participation aux biens spirituels et aux suffrages et prières de l’Église. Il n’en était pas ainsi pour le pécheur mis en pénitence. II avait sa place dans une partie, spéciale <le l’édifice ecclésiastique ; on priait

officiellement pour lui, des gestes liturgiques spéciaux étaient prescrits qui devaient Banctifler sa pénitence. Il était, en somme, dans la situation où il s’était trouvé durant le catéchumenat, à cette différence près que ad apprentissage de la vie chrétienne était plus difficile que le premier.

2° L’accomplissement du œuvres sniis/acloircs. - I oeuvrai du. deuxième catéchumenat, sanctifiées par

I I glisc. Jouent dans l’expiation de la faute un rôle

extrêmement considérable, à telles enseignes que ce

lUrtOUl qui attirent l’attention, aussi |, icn

dans la pratique que dans la théorie.

On peut dire que tout le thème du Os lapsis, la nécessité d ires sali

images sont destinées à la mettre en évidence. Bien entendu, la métaphore des larmes de la pénitence qui lavent la souillure du péché se rencontre ; mais la plus courante, celle qui reviendra souvent dans les descriptions ultérieures de la pénitence, compare le péché à une plaie envenimée et qui a causé de l’œdème. Le premier soin du médecin est de la débrider, afin d’en faire écouler la sanie ; mais, le débridement opéré, que de cataplasmes il faut mettre sur la plaie pour obtenir la pleine guérison, la résolution de l’enflure, le libre jeu des articulations ! Ce n’est pas une petite affaire que de traiter une blessure qui intéresse aussi profondément les tissus ! Alto vulneri diligens et longa medicina non desit. De lapsis, c. xxxv. Procéder comme ont fait les prêtres dont Cyprien blâme l’empressement à réconcilier les lapsi, c’est agir comme le médecin ignorant, qui met un appareil hermétique sur une plaie tout envenimée : Imperitus est medirus qui tumentes vulnerum sinus manu parcenle contreclat et in altis recessibus viscerum virus inclusum dum serval exaggeral. Aperiendum vulnus est et secandum, cl. putraminibus amputatis, medela fortioreeuraiuluinA’.v.i fait crier et même vociférer le patient, mais il sera reconnaissant de ce traitement énergique quand la santé lui sera revenue. Ibid., c. xiv.

Ainsi font les prêtres qui imposent au coupable la pénitence proportionnée à la grandeur de la faute. Il faut lire et relire tout le De lapsis pour se rendre compte de l’importance que saint Cyprien attache à la durée de la pénitence. La guérison qui amène le pardon divin n’est pas affaire d’un jour : c’est un long et dur travail. Sans doute Dieu est bon, mais il est juste aussi : Deus quantum patris pielate indulgens semper et bonus est, tantum judicis majestale metuendus est. Quam magna deliquimus, tam graviter de fleamus… Pseniientia crimine minor non sit. Putasnc tu Dominum cito posse placari ?… Orare oportet impensius et rogarc. De lapsis, c. xxxv.

L’impression d’ensemble serait donc que c’est avant tout par ses œuvres satisfactoires que le pécheur doit obtenir le pardon divin et qu’en somme la réconciliation ecclésiastique, dont il sera question tout à l’heure, aurait moins pour effet d’opérer la remise du péché que de constater que le pénitent a fait le nécessaire pour être pardonné par Dieu. A la vérité, il ne faudrait pas trop urger les textes du De lapsis. (Tùivrc de circonstance et même de polémique, il démontre une thèse et fait flèche de tout bois. Il est remarquable, pourtant, qu’une idée analogue à celle que nous essayons de faire saisir ici, s’exprime, tout à fait en passant, dans une lettre de Firmilien de Césarée qui ne se rapporte aucunement à l’affaire des lapsi. Rappelant, aux lins de sa polémique contre le pape Etienne dans l’affaire du « baptême des hérétiques *, l’importance’les décisions prises en synode, Firmilien écrit : Nous avons l’habitude de nous réunir ainsi chaque année, pour régler, d’un commun accord, les questions importantes qui se posent, et aussi le traitement à apporter aux frères qui sont tombés après le baptême : lapsis quoque fratribus et posl lavacrum salutarr a diabolo vulneralis per pwnilenliam medela quivratur " non quasi a nobis remissionem perratorum consrquantur, sed ut per nos ad intelligrnliam dclictorum snorum convrrlantur et Domino plenius satisfacert cogantur. » Inler Cypriani epist., LXXV (75). n. 4. Non quasi a nobis remissionem percatorum consequantur, cette Idée nous paraît bien celle qui est au premier plan dans la conscience de Cyprien ; mais il faut ajouter Immédia liment que d’autres, plus conformes à nos manières de raisonner, se découvrent aussi, qui, pour être moins en lumière, ne laissent pas d’avoir leur importance dans la théorie peut-être, mais surtout dans la pratique.