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PÉNITENCE. LE IIIe SIÈCLE, LA PRATIQUE


en quarantaine. — La Didascalie, nous l’avons vii, parle d’un certain nombre « le semaines <le pénitence. Nous sommes très loin des longues durées de pénitence des lettres canoniques grecques. Ci-dessous, col. 790.

Depuis longtemps, il est admis, à l’époque de Cyprien, que l’intercession des confesseurs de la foi peut abréger ces délais. La pratique est déjà signalée dans Tertullien, Ad mari y ras, c. i ; De pudic, c. xxii. Cyprien ne conteste pas ce droit, mais il entend bien que les autorités ecclésiastiques seront juges en dernier ressort, et il n’admet l’intervention des « martyrs » que sous forme de demande et non d’injonction. Cf. Epist., xv (10), n. 3 ; De lapsis, c. xvii, xviii.

Autant que nous avons pu le constater, c’est plus particulièrement la cérémonie de la réconciliation qui porte chez Cyprien le nom d’exomologèse (encore que le nom ait parfois chez lui une signification plus générale) ; il la désigne aussi par les expressions pacem dare, communicationem et même communionem dare. Régulièrement, la cérémonie comporte une imposition des mains de l’évoque et de ses prêtres, ou de ceux-ci tout seuls, en l’absence de l’évêque. Voir aussi la Didascalie, Mais on exagérerait la portée des textes en faisant de ce geste un rite et comme une condition sine qua non du pardon. La réconciliation est avant tout une sentence, dont le rite extérieur est la manifestation. On comprend dès lors assez bien que Cyprien ait cru pouvoir déléguer à des diacres, en cas d’urgente nécessité, le pouvoir d’exécuter une sentence que lui-même, en somme, avait portée. C’est l’explication, la moins inadéquate que nous puissions proposer du fameux texte de l’épître xviii (12) sur lequel on est revenu plusieurs fois ici. Voir Absolution, col. 155 ; Confession, col. 846.

Ajoutons que dans l’Église de Carthage, au iiie siècle on ne voit pas que les clercs aient été soumis à une autre discipline que les simples fidèles, contrairement à ce qui se passera dans la période suivante. Le diacre dont il est question dans l’Epist, iv (62) est mis sur le même pied que les autres jeunes gens : tous sont exclus pour un temps qui n’est pas déterminé, après lequel, selon toute vraisemblance, ils pourront être réconciliés : Consulte fecisti abstinendo (litt. en excommuniant ) diaconum qui cum virgine ssepe mansil, sed et ceteros qui cum virginibus dormire consueverant. Loc. cit., n. 4.

Ainsi se trouverait suffisamment décrite, pour la période qui nous occupe, la procédure pénitentielle, s’il ne restait à ventiler une question qui a été débattue naguère avec quelque peu de passion : celle des péchés irrémissibles.

4. La question des péchés irrémissibles avant le schisme de Novatien. — a) Comment se pose la question. — Étant entendu que toute faute grave exclut le coupable de la communion ecclésiastique comprise dans son sens le plus large, étant entendu que la réintégration ne peut se faire que par un acte judiciaire (réduit, si on le veut, à sa plus simple expression), existe-t-il à l’époque considérée des fautes telles que ceux qui s’en sont rendus coupables doivent renoncer atout espoir d’être réconciliés avec l’Église ? Existet-il même des fautes tellement graves et tellement répugnantes qu’elles ne permettent pas d’accepter leurs auteurs aux exercices de la pénitence ecclésiastique ?


La question est d’abord une question de fait. Nous examinerons dans le paragraphe sur les théories pénilentielles à l’époque considérée si les docteurs ont essayé de répondre à la question de droit.

b) En fait, le pardon ecclésiastique a été, à certains moments, refusé à diverses fautes. — Dans les communautés montanistes ou touchées du même esprit, il paraît bien que certaines fautes n’étaient même pas

admises’à bénéficier des avantages de la pénitence ecclésiastique. C’est du moins ce qui nous semble ressortir d’un passage de Tertullien, De pudic, iv, 5. Après avoir énoncé l’idée que le mot d’adultère, chez lis montanistes, est très large et que l’on y peut faire entrer plusieurs fautes de la chair, y compris les secondes noces, Tertullien continue : « Quant aux autres fureurs impies des passions, qui, contre les lois de la nature attentent aux corps et aux sexes, nous (les montanistes) les excluons non pas seulement du seuil, mais de tout l’édifice de l’Église, parce que ce ne sont pas des péchés, mais des monstruosités. Entendons que les fautes contre nature ne sont pas même admises à la pénitence ecclésiastique. Plus tard, les adversaires du novatianisme feront courir le bruit « pue c’est aussi la pratique des communautés novatiennes. Sauf erreur, nous n’avons pas rencontré de textes d’auteurs catholiques qui parlent d’une telle sévérité, à moins qu’il ne faille traduire en ce sens un texte de saint Cyprien disant que certains évêques catholiques in totum peenitentise locum contra adulteria cluserunt. Epist, lv, (52), n. 21, cf. ci-dessous, col. 782. Mais nous pensons qu’en général tout coupable, quelle qu’eût été l’énor mité de sa faute, pouvait avoir recours à la pénitence canonique, être admis au nombre de ceux qui, séparés de la participation complète aux rites de l’Église, ne laissaient pas de lui rester unis, profitant jusqu’à un certain point de ses prières et de ses suffrages. Le fait que leur satisfaction était réglée et bénie par l’autorité ecclésiastique lui communiquait un caractère spécial, qui pouvait être, pour les coupables, de quelque consolation, au cas même où la réconciliation finale leur eût été refusée.

Cette réconciliation, en fait, a été longtemps refusée aux récidivistes, entendons ceux qui, étant tombés dans quelque faute grave, ont été admis à la pénitence complète (psenitentia plena, disait saint Cyprien), sont passés par les diverses étapes que nous avons précédemment décrites jusques et y compris la réconciliation et, finalement, sont retombés à nouveau. Le principe : « il n’y a qu’une pénitence, comme il n’y a qu’un seul baptême » est admis, implicitement ou explicitement, par tout le monde, et ceci n’est pas vrai seule ment de la période considérée. On le trouve déjà exprimé dans le Pasteur d’Hermas, quoi qu’il en soit des rapports entre la pénitence que l’on y préconise et la rémission ecclésiastique. Tertullien, encore catholique, le développe avec’son" éloquence coutumière. De pœnit., v ; vii, 10 : « Dieu a permis qu’une fois fermée la porte du pardon (baptismal), une fois tiré le verrou du baptême, il y eût encore un refuge d’ouvert. Il a placé dans le vestibule une seconde pénitence pour qu’elle ouvre à ceux qui frapperaient ; mais une fois seulement, puisque c’est déjà la seconde fois, et jamais plus désormais, puisque le pardon précédent est demeuré inutile. » Le même principe sera clairement exprimé par saint Augustin dans l’âge suivant et s’inscrira en fin de compte dans les collections canoniques. N’insistons pas ; le fait est reconnu par toutes les compétences, quoi qu’il en soit des échappatoires que certains critiques ont tenté de chercher.

En dehors de ce cas très fréquent et qui soulève, on le voit, une grave question de principe, y avait-il des fautes qui étaient exclues du bénéfice d’une première et unique réconciliation ? Pour montrer qu’il en a été ainsi, tout au moins dans certains milieux et à certaines dates, on a fait particulièrement état du De pudicitia de Tertullien. Voir, pour l’idée générale, ci-dessus, col. 765. Le plus ordinairement, on considère « l’évêque des évêques, le pontife suprême », à « l’édit péremptoire » duquel Tertullien s’en prend dans le prologue, comme étant le pape Calliste, et l’on raisonne ainsi : « Jusqu’à l’époque de ce pape (vers 220), l’Église,