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PÉNITENCE. LE IIIe SIÈCLE, LES DOCUMENTS


rechercher quelles précisions il a apportées à la doctrine encore si floue de son modèle.

6° Origine, successeur de Clément au didascalée, se trouve être le contemporain de Tertullien en ses dernières années et d’Hippolyte de Rome. Les principaux textes que l’on peut recueillir dans ses œuvres et qui sont relatifs à la pénitence ont été rassemblés à l’art. Origène, col. 1555-1558. On a dit, à cet endroit, qu’il n’est pas facile de ramener à l’unité toutes les affirmations du docteur alexandrin.

Pour faire ressortir toute la signification du passage célèbre emprunté au De oralione, il est nécessaire de le citer en entier. Le livre en question, composé avant 240 et sans doute vers 233-234, est un commentaire de l’oraison dominicale ; c’est à propos de la 3e demande : Dimitte nobis débita nostra, qu’Origène est amené à écrire le passage sur la rémission des péchés. S’inspirant du Pater, il a d’abord insisté sur le fait « que nous avons tous le pouvoir de pardonner les fautes que le prochain a commises contre nous ». Quant aux fautes commises contre Dieu, qui donc pourra en donner le pardon ? Ce ne peut être que « celui qui est inspiré par Jésus, comme les apôtres, et que l’on peut reconnaître à ses fruits comme ayant reçu le Saint-Esprit ». L’allusion est transparente au texte de Joa., xx, 22-23. Pour pouvoir remettre les péchés, il faut, comme les apôtres, avoir reçu l’Esprit, et être devenu « spirituel ». Quoi qu’il en soit de la manière dont cet Esprit est communiqué (Origène n’écrit pas ici un traité de l’ordination), voyons ce « spirituel » à l’œuvre dans le traitement du péché : « Par le fait qu’il est conduit par l’Esprit, comme un fils de Dieu pour se conduire en tout selon la raison, il pardonne ce que Dieu pardonnerait, àcpfojaiv & èàv à<pfl 6 0e6ç, et retient les péchés incurables, xà àvLaxa twv àfvapT7)(i.âTcov, agissant au service de Dieu comme les prophètes qui disent, non point ce qui leur plaît, mais ce qui est conforme à la volonté divine. De même, lui est au service de Dieu, qui seul a le pouvoir de remettre les péchés. » Le pouvoir du « spirituel » étant un pouvoir délégué ne peut s’exercer que dans les limites des concessions faites par Dieu. L’ensemble indique que le « spirituel » est le dépositaire des pouvoirs sacerdotaux.

Cependant, une objection se présente : tel qu’il est formulé par la charte constitutive de Joa., xx, 22-23, le pouvoir des apôtres et donc des » spirituels » ne semble soumis à aucune restriction. Ayant rappelé ce texte, Origène continue : « Si on le prenait sans examen, on pourrait reprocher aux apôtres (ajoutons « aux spirituels » ) le fait qu’ils ne pardonnent pas à tous, afin que tous soient pardonnes, mais qu’ils retiennent les péchés à certains, en sorte que, par eux, les péchés soient aussi retenus auprès de Dieu. » L’allusion semble claire à une pratique courante et qu’Origène considère comme d’origine apostolique : il y a des fautes que l’on ne remet pas. Or, ceci paraît ne pas tenir compte du pouvoir très général concédé par Jésus. Écoutons la réponse d’Origène : a On trouvera à ce sujet un utile exemple dans la Loi (mosaïque), pour comprendre le pardon que les hommes donnent à des hommes au nom de Dieu. Dans la Loi, les prêtres ne doivent pas offrir le sacrifice pour certains péchés, sacrifice qui remet le péché à ceux pour qui il est offert. Le prêtre (israélite) qui a pouvoir sur certains péchés, qui peut offrir pour les fautes involontaires ou les transgressions, n’offre holocaustes ou sacrifices expiatoires, ni pour l’adultère, ni pour le meurtre volontaire, ni pour quelque autre péché plus grave. De même, les apôtres et ceux qui leur sont assimilés, prêtres suivant le grand prêtre, ceux qui ont reçu la science de la divine thérapeutique savent, enseignés qu’ils sont par l’Esprit, pour quels péchés il faut offrir les victimes, quand, de quelle manière, et

ils savent pour lesquels il ne faut pas le faire. Le prêtre Héli sachant les fautes de ses fils, Ophni et Phinéès, et voyant que rien ne pouvait leur être utile pour la rémission de leurs péchés, confesse que leur cas est désespéré, to àTCOYLvûaxe’.v tout* ëaeaOxi. quand il dit : « Si un homme pèche contre un homme, on priera pour lui, mais, s’il pèche contre Dieu, qui priera pour lui ? » (I Reg., Il, 25, texte classique dès cette époque, lorsqu’il est question de la rémissibilité des fautes ; cf. S. Cyprien, Testimonia, iii, 28.)

C’est après ce développement si clair et qui tend à justifier une pratique ayant force de loi qu’Origène blâme certains de ses contemporains qui agissent à l’encontre de celle-ci : « Je ne sais donc pas comment certains (prêtres) s’attribuant à eux-mêmes des pouvoirs qui dépassent l’ordre sacerdotal, peut-être parce qu’ils n’ont pas suffisamment pénétré la science sacerdotale, se vantent de pouvoir remettre les péchés d’idolâtrie et de pouvoir pardonner les adultères et les fornications, comme si, par la prière qu’ils prononcent sur ceux qui ont osé ces crimes, le péché ad mortem lui-même pouvait être délié. Ils n’ont donc pas lu le mot de l’Écriture : » il y a un péché qui est ad « mortem, ce n’est pas pour celui-là que je dis que l’on « prie. » (I Joa., v, 16.) Ne passons pas non plus sous silence Job, cet homme si courageux ; il offre des victimes pour ses fils : « de crainte, dit-il, que mes fils, « en pensée, n’aient commis des fautes contre Dieu ». (Job, i, 5.) C’est donc pour des péchés douteux, et encore pour des péchés intérieurs et qui ne seraient pas montés du cœur aux lèvres, qu’il offre le sacrifice. » Il nous paraît que le très bref commentaire que nous avons donné, en soulignant l’enchaînement de diverses parties de ce texte capital, suffit à en montrer clairement le sens. Voir, à l’art. Origène, col. 15571558, l’exégèse assez différente qui en a été proposée. On retiendra, tout au moins, de la critique d’Origtne, l’existence, chez certains, de la pratique qu’il réprouve de remettre toute espèce de péchés.

Il faut évidemment rapprocher le texte du De oratione de ceux qui sont empruntés aux commentaires sur saint Matthieu, P. G., t. xiii, col. 1763, et sur saint Jean, t. xiv, col. 713, mentionnés à l’art, cité, col. 1556, et auxquels il faut ajouter un passage du commentaire sur Jérémie, P. G., t. xiii, col. 385. Celui-ci déclare qu’en certain cas, s’agissant de certains pécheurs, l’évêque doit être inaccessible à la pitié. Sans doute, on trouve dans le Contra Celsum, III, 71, un texte qui semble étendre la vertu du repentir à toutes sortes de fautes ; et ibid., III, 50, un texte relatif à des fautes de luxure, qui peuvent être remises après une pénitence plus ou moins longue. Mais il faut remarquer que le passage très général, III, 71, ne parle pas expressément de la réconciliation des pécheurs par l’Église. Pour le second passage, il envisage la rémission ecclésiastique de péchés de luxure, rémission qui semblait exclue par le De oratione, ci-dessus. Mais on n’oubliera pas que le Contra Celsum est des dernières années de la vie d’Origène, postérieur de quinze ans peut-être au De oratione. C’est plus qu’il n’en faut, nous le verrons à propos de saint Cyprien, pour que des variations importantes se soient introduites dans la discipline pénitentielle. Voir ci-dessous, col. 784. Les homélies sur le Lévitique sont aussi postérieures au De oralione d’au moins dix ans ; c’est pourquoi il ne faut pas se hâter d’expliquer le texte de celui-ci par celles-là. Le texte capital des homélies est In Lev., nom. xv, 2, P. G., t.xii, col. 561 A.

En définitive, il nous paraît que le travail qui s’impose en ce qui concerne la pensée d’Origène sur la pénitence, c’est d’abord de sérier chronologiquement les textes, pour autant que la chose soit pos-