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PÉNITENCE. LA PÉRIODE ARCHAÏQUE


sollicitât avec larmes, car il ne trouva pas le moyen (de faire) pénitence, (iXTavototç yàp tÔ7tov où^ eupev (la trad. de Crampon : « car il ne put amener [son père] à changer de sentiment » est plutôt un commentaire). » Heb., xii, 15-17.

A ces textes de l’épître aux Hébreux on peut joindre celui de 1 Joa., v, 16, sur le péché ad morlem, 7rp6ç Oocva-rov, pour lequel Jean déclare qu’il ne faut pas prier (sans doute parce que toute prière est inutile), et le texte de Matth., xii, 31-33 (cf. Marc, ni, 28-30) sur « le blasphème contre le Saint-Esprit, qui ne peut être remis ni en ce monde ni dans l’autre ».

La difficulté que créent ces divers textes a été vivement sentie par les Pères qui ont eu à discuter avec les novatiens. Ce n’est pas ici le lieu de faire l’histoire de leur exégèse. Sauf erreur, saint Ambroise, est le premier qui se soit efforcé d’en donner une explication d’ensemble. Cf. De pœnilentia, t. I, c. x ; t. II, c. ii-iv. Pour ce qui concerne le texte de Matth., et partiellement aussi celui de la 7 a Joannis, on a dit ici, à l’art. Blasphème contre le Saint-Esprit, t. ii, col. 910916, et ce qu’en ont pensé les Pères et lesexégètes, et le principe de solution qu’ont proposé les théologiens Pour ce qui est de l’épître aux Hébreux, se référer à l’art. Paul (Saint), col. 2487. L’étude du genre littéraire et des circonstances de composition de l’épître permet, nous semble-t-il, de ramener à de justes limites la portée des textes allégués. Éloquente dissertation destinée à empêcher une communauté menacée par la propagande juive de retourner aux vieux errements, l’épître use de tous les moyens oratoires, notamment de l’hyperbole. A quel prédicateur n’est-il pas arrivé de laisser passer sur l’urgence de la conversion, les dangers de la rechute, l’abus des grâces, des expressions analogues à celles-ci ? On remarquera que dans les deux premiers passages cités, tout au moins, il est question non pas tant de péché au sens propre du mot, que de l’espèce « d’aveuglement » dont témoignerait, pour ces « Hébreux », un retour en arrière. A qui a vu une fois la lumière, combien il est difficile, s’il y ferme plus tard volontairement les yeux, de retrouver, par la suite, les clartés qui l’avaient d’abord illuminé. Quelle faute, pratiquement irréparable, ce serait pour des Juifs convertis de revenir, par une invraisemblable palinodie, à leur premier état ! Quels arguments pourraient alors faire impression sur eux ? C’est dans cette direction, nous semble-t-il, qu’il faut chercher une solution à une difficulté très réelle.

Cette réponse, d’ailleurs, ne doit pas faire oublier l’impression d’ensemble qui se dégage de ces textes. L’Évangile, certes, fait un large appel à la confiance des pécheurs. Pour accueillir ceux qui viennent lui demander la première rémission de leurs fautes, l’Église apostolique, comme le Sauveur, ouvre largement ses bras. Elle attend, en revanche, de ceux qui sont ainsi régénérés qu’ils persévèrent en la grâce reçue. Le Christ ressuscité ne meurt plus, la mort n’a plus d’emprise sur lui. « Ensevelis avec lui dans le baptême et ressuscites par la foi » (cf. art. Paul (Saint), col. 2447), les nouveaux chrétiens ne doivent plus mourir de la mort du péché. Col., ii, 12 ; iii, 1-11. A coup sûr, l’Église n’ignore pas la fragilité inhérente à la nature humaine. Cf. I Joa., i, 8 ; ii, 1 ; v, 16 a, etc. Pour ces fautes, les remèdes ne manquent pas, dont la prière est l’essentiel. Voir ces mêmes textes. Les fautes graves et scandaleuses, les péchés ad mortem, l’Église apostolique semble vouloir se défendre d’en envisager l’hypothèse, au moins de façon courante. Ce sont là des cas particuliers relevant d’un traitement spécial. Les textes de Paul relatifs à l’incestueux de Corinthe nous en font entrevoir une partie, mais une partie seulement. Alors que les allusions aux sacrements de baptême (y compris la confirmation), d’eucharistie,

d’ordre, sont relativement fréquentes dans le Nouveau Testament, celles qui sont relatives à l’expiation des péchés postérieurs au baptême sont rares et fugitives : leur petit nombre ne tiendrait-il pas à la rareté des circonstances où l’Église apostolique lit usage du pouvoir qu’incontestablement elle savait posséder de remettre les péchés ?

II. La période archaïque.

Nous désignons par cette expression la période qui suit immédiatement l’âge apostolique et qui s’étend de la fin du I er siècle, au dernier tiers du IIe — Mais nous devons faire précéder son étude de quelques observations préliminaires qui valent également pour les sections suivantes. — 1° Observations préliminaires. — 2° Les textes. — 3° Conclusions que l’on peut en tirer.

I. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

1° Le SlalUS

quæslionis a été correctement exposé au mot Absolution, XI V. Théorie des protestants modernes et des rationalistes, col. 229-240. Il s’agit de savoir si, dès les origines de l’Église, on voit fonctionner une institution propre à assurer à ceux qui, après le baptême, se sont rendus coupables de fautes graves le pardon de celles-ci. On répondrait insuffisamment à la question en montrant seulement l’existence d’une discipline pénitentielle, condamnant le pécheur à des peines diverses dont la principale serait l’exclusion et donnant finalement quitus au condamné après qu’il a purgé sa peine. Il faut encore montrer que cette discipline s’ordonne à un effet intérieur et surnaturel, la réconciliation de l’âme coupable avec Dieu par la rémission du péché. En d’autres termes, il ne suffit pas de décrire des observances pénitentielles, il faut encore montrer la signification qui y est attachée.

2° Pour rendre cette double démonstration inattaquable, il faut se garder des généralisations hâtives. Ce qui est vrai d’une époque peut ne l’être pas d’une autre ; ce qui est vrai à une époque déterminée dans une région peut ne l’être pas d’une région toute voisine. Les exemples abondent de ces variations dans l’espace et dans le temps. Ces diversités tiennent à ce que l’administration de la pénitence a toujours affecté, plus ou moins, la forme que prend l’exercice d’un pouvoir judiciaire. Or, un tel exercice présente, en règle générale, quelque chose de discrétionnaire, nous ne disons pas de capricieux. Aujourd’hui même, malgré la forme toute sacramentelle qu’a prise l’administration de la pénitence, bien des choses doivent être abandonnées à la discrétion du confesseur, à son appréciation personnelle, dont nul ne peut lui demander compte. Ceci est bien plus vrai encore d’époques où il n’existait ni rituel fixe, ni canons déterminés, ni règles universellement acceptées. Les chefs des communautés chrétiennes se savaient dépositaires d’un pouvoir considérable sur les péchés commis : ils en usaient dans la mesure où ils croyaient la chose nécessaire, compte tenu tant des intérêts particuliers que des intérêts majeurs des Églises dont ils avaient la responsabilité. Il a fallu des crises de caractère général, tels le montanisme, les grandes persécutions, ou le schisme novatien, pour amener les Églises à prendre quelques mesures uniformes. Encore cette uniformité est-elle demeurée toute relative, comme nous le constaterons. Il serait souverainement imprudent, par exemple, de généraliser la portée des canons d’Elvire, voir ci-dessous, col. 782 ; non moins hasardeux, par contrepartie, de considérer comme ayant valeur pour toute l’Église telles pratiques qui s’autorisent, avec plus ou moins de raison, du nom de Jean Chrysostome. C’est ce caractère discrétionnaire du pouvoir de remettre les péchés qui rend si difficile l’histoire de la pénitence primitive, et qui frappe de suspicion tous les travaux, anciens ou récents, qui, dans un sens ou dans l’autre, généralisent trop vite, au risque de tomber dans le