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PENITENCE. LE NOUVEAU TESTAMENT


royaume des cieux, d’un pouvoir dont l’importance ne peut être sous-estimée. Lourds fardeaux liés sur les épaules des coupables, les péchés (il s’agit clairement d’eux dans Matth., xviii, 17) ne sauraient en être enlevés sans quelque intervention de l’Église. Quelle que soit encore l’imprécision des paroles du Maître, la tradition ecclésiastique n’a pas eu tort, quand elle y a vu la racine, non seulement du pouvoir législatif de l’Église, mais encore de son pouvoir de remettre les péchés. C’est en rapprochant le texte relatif aux « clefs du royaume » promises à Pierre, Matth., xvi, 19, et le texte plus général de Matth., xviii, 18, que les théologiens ont édifié postérieurement la doctrine du « pouvoir des clefs ».

2. Après la résurrection.

Mais autrement explicites

sont les paroles adressées par le Sauveur ressuscité. Il y a lieu de faire état, d’une part, de la finale de saint Matthieu, xxviii, 18-20, et de celle de saint Luc, xxiv, 47-49, et, d’autre part, du texte plus développé de saint Jean, xx, 19-23.

Les deux premiers textes font une claire allusion aux pouvoirs de sanctification qui sont donnés aux apôtres. La première tâche de ceux-ci est d’annoncer le message apporté par Jésus : « Il fallait, dit Jésus, que le Christ souffrît et ressuscitât, et que le repentir et la rémission des péchés fussent prêches en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. » Luc, xxiv, 47. A quoi fait écho, d’une manière plus impérative, la parole rapportée par Matthieu : « Allez, enseignez toutes les nations. » xxviii, 1 9. Cette mission des apôtres, qui doivent avant tout prêcher le repentir et la rémission des péchés, serait d’ailleurs insuffisamment remplie, si les continuateurs du Christ ne disposaient pas du moyen de rendre la confiance aux âmes coupables, par l’assurance du pardon. Aussi bien le Christ leur remet-il les pouvoirs qu’il avait lui-même : « Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la « terre. » Quand vous aurez annoncé le message divin, lavez les âmes (purifiez-les, baptisez-les), au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Ces paroles visent directement le baptême. Ce rite, courant dès l’époque et qui jouait, depuis la prédication du Baptiste, un rôle si considérable, devient, de par la parole même du Sauveur, le moyen essentiel de purification pour ceux qui, ayant entendu le message de pénitence, voudront s’assurer le pardon de leurs fautes. La question n’est pas posée de ceux qui, ayant reçu le baptême, viendraient à offenser de nouveau la majesté divine. Mais, si la puissance du Christ passe à ses continuateurs, qui oserait dire que les pouvoirs délégués à ceux-ci ne s’étendent pas aux fautes commises après le baptême ? En considérant la pénitence comme un baptême « laborieux » — et cela est acquis dès le iie siècle — la tradition donnait aux paroles du Christ le sens plein qu’elles avaient.

Ce faisant, d’ailleurs, elle avait un guide dans les paroles du Sauveur rapportées dans Joa., xx, 21-23. Sur l’exégèse théologique de ce texte, voir l’art. Absolution, col. 140. A première vue, il ne saurait faire de doute que le texte présente, avec celui de Matthieu, un remarquable parallélisme. Les mots : « Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie », correspondent à ces autres : « Toute puissance m’a été donnée… Allez donc. » Seulement, la parole du Christ est, de plus, appuyée ici par un geste symbolique : « Après ces paroles, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit-Saint. » La phrase qui suit achève de préciser les intentions du Sauveur : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » Le pouvoir donné ici aux apôtres est très général ; la tradition ancienne y voyait premièrement la rémission des péchés dans et par le baptême. Voir l’art. Novatien,

t. xi, col. 83’J en haut. Mais une simple lecture du texte, sans idée préconçue, permet de lui trouver un sens beaucoup plus large. Le jour où la question se poserait : « Que faire de celui qui, ayant fauté après le baptême, vient à résipiscence ? » il y aurait lieu, sans aucun doute, de faire au relaps bien disposé l’application des paroles de Jésus : « Les péchés seront remis à qui vous les remettrez ; à qui vous les retiendrez, ils seront retenus. » Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, de ces diverses paroles du Christ ressuscité une chose ressort clairement. En face du pécheur repentant qui vient faire appel à la miséricorde divine, l’Église n’est pas plus désarmée que ne l’était le Sauveur ; comme celui-ci, elle pourra dire : « tes péchés te sont remis », avec la confiance que son jugement est ratifié en haut lieu. Quant aux modalités suivant lesquelles s’exercera ce pouvoir, si elles n’apparaissent pas avec tout leur détail en ces textes, on ne laisse pas, néanmoins, d’en distinguer l’une ou l’autre. La pratique du baptême de Jean guiderait, jusqu’à un certain point, l’Église en ce qui concerne la première rémission générale des péchés ; en cas de récidive après le baptême, puisque, dès le principe, la réitération de ce rite a été exclue, les paroles du Maître, surtout si on les rapprochait de celles qu’il avait dites sur le pouvoir de lier et de délier, invitaient les détenteurs de cette puissance à instruire chaque cas particulier et à ne se prononcer sur lui qu’en parfaite connaissance de cause. Autant dire que cette réconciliation prendrait la forme d’un jugement.

II. EXERCICE PAR L’ÉGLISE APOSTOLIQUE DU POU-VOIR SUR LE péché. — Par la force même des choses, c’était d’abord dans et par le baptême que les apôtres

— disons l’Église, puisque aussi bien, le pouvoir concédé aux apôtres est perpétuel — feraient usage des facultés toutes spéciales que leur avait confiées Jésus.

1° Quand, le cœur transpercé de douleur à la prédication de Pierre, les Hiérosolymites demandent : « Que faut-il donc faire ? », le chef des apôtres de leur répondre : « Repentez-vous et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour obtenir le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit. » Act., ii, 37-38. Tel fut le thème général de la prédication des premiers apôtres : faire naître dans les âmes le repentir, leur assurer, par le baptême, la rémission des péchés. Pour récente qu’elle soit, la formule dite de Nicée-Constantinople exprime au mieux la foi de l’Église primitive : ô[ioXoyoûu.£v bi |Bx7rn.au.a eîç écçeoiv à^apTiûv, confileor unum baptisma in remissionem peccatorum.

2° Il est plus difficile de retrouver dans le Nouveau Testament l’exercice de ce pouvoir quand il s’agit de fautes commises après le baptême. A la vérité, ces fautes devaient être relativement rares ; les premières adhésions au christianisme représentent fréquemment des conversions au sens plein du mot, détachant d’une manière définitive de la vie ancienne pour introduire en une existence toute nouvelle. Chez les Juifs, elles se produisaient d’ordinaire en des milieux très pieux, dès longtemps asservis à la pratique scrupuleuse de la Loi. Les convertis du paganisme se recrutaient souvent, d’autre part, parmi des prosélytes qui partageaient, au moins partiellement, les mêmes dispositions. Que l’on en juge par ce qui est dit du centurion Corneille. Act., x, 1 sq. Transplantés dans l’Église, ces néophytes y continueraient une vie plus édifiante encore, les chutes graves représenteraient parmi eux des cas tout à fait exceptionnels, et l’on s’explique assez bien que le souvenir, tant des fautes que de la pénitence qui leur fut imposée, ne se soit pas toujours conservé.

Il faudrait pourtant se garder d’idéaliser à l’excès