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PÉNITENCEREPENTIR

PÉNITENCESACREMENT

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de côté les anges, considérons seulement l’âme très sainte de Jésus ; il va de soi qu’elle a ressenti, plus profondément qu’aucune autre, la douleur causée par la pensée des offenses faites à la divine majesté. « Le Christ, dit saint Thomas, a été l’admirable modèle des pénitents : Christus dédit maximum exemplum psenilentibus, dum non pro peccalo proprio sed pro peccaiis aliorum voluil pœnam subira. » III », q. xv, a. 1, ad 5 Lm. Et s’il n’est question, ici, que des conséquences extérieures de la pénitence, voici qui touche davantage à ses constitutifs internes. Analysant les souffrances du Christ en sa passion, saint Thomas distingue les tortures physiques et les douleurs morales ; au premier rang de ces dernières, il met « la douleur que lui cause la pensée de tous les péchés du genre humain, pour lesquels il devait satisfaire, en sa passion », III », q. xlvi, a. 6, corp. ; et, dit-il, ibid. ad 2um, une telle tristesse n’a rien que de louable, quand elle provient du saint amour, comme c’est le cas de celui qui s’attriste de ses péchés personnels ou de ceux des autres ; au contraire, elle apparaît fort utile, étant une des formes de la satisfaction pour le péché. Cette douleur continue-t-il, ibid., ad 4um, le Christ la concevait pour les péchés de tous les autres ; elle dépassa chez lui la douleur de n’importe quel pénitent (cujuscumque contrili), elle procédait, en effet, et d’une sagesse plus grande (lui permettant de mieux comprendre l’horreur du péché) et d’une charité plus parfaite, toutes choses qui augmentent la douleur dans la contrition. Cf. art. Jésus-Christ, col. 1286. Sur la prohibition par le Saint-Office de la formule : Cœur pénitent de Jésus, voir ce qui est dit ici, t. iii, col. 345.

Vertu acquise et vertu infuse de pénitence.

Tout

ce que nous venons de dire s’applique à l’acte de repentir surnaturel et à la vertu surnaturelle de pénitence. On a dit, à l’article Contrition, et c’est une vérité de foi, que seul le repentir surnaturel peut amener, dans les conditions déterminées, la rémission des péchés. Quant à l’habitus surnaturel qu’est la vertu de pénitence (la disposition ordinaire au repentir), il débute par ces actes de repentir, sans avoir encore sa perfection dernière. Il n’obtiendra celle-ci que par suite de la justification qui fait entrer dans l’âme, en même temps que la grâce sanctifiante, l’ensemble des organes de la vie spirituelle qu’on appelle les vertus infuses. Il en serait un peu comme de la foi qui est en dernière analyse « informée » par la charité. Ainsi, la vertu de pénitence, encore « informe » avant la justification, recevrait de la grâce sanctifiante son ultime complément. Si un nouveau péché grave détruit dans l’âme la grâce justifiante et fait disparaître les habitus infus, il ne s’ensuit pas que disparaisse, par le fait même, la disposition acquise antérieurement par la répétition des actes de repentir. Cette disposition est plus nécessaire que jamais ; c’est elle qui provoque, chez les âmes qui se laissent aller trop fréquemment au péché, les sentiments de regret qui préparent le pardon. Voir, à l’article suivant, les détails que donnent sur ces transformations diverses les théologiens scolastiques.

Y a-t-il lieu, pour établir un parallélisme avec les vertus morales ordinaires, de distinguer, à côté de tout ceci, une vertu naturelle de pénitence ? Certes, rien n’est plus admissible que l’existence de sentiments naturels de repentir, en entendant par là des sentiments engendrés par des considérations étrangères aux motifs de la foi. La répétition de ces actes de repentir crée dans les âmes une vertu naturelle de pénitence, qui peut inspirer et des manifestations de repentir et des actes d’expiation ou d’ascétisme. Quant à la valeur de ces actes et de ces dispositions générales pour l’obtention de la fin surnaturelle, ce n’est pas le lieu d’en discuter ici : la question ressortit au traité

général de la foi et se rattache aussi au problème spécial du salut des infidèles. Voir les deux articles : Foi et Infidèles (Salut des).

Les diverses idées énoncées dans cet article, selon un plan un peu nouveau, se retrouvent toutes dans les traités sur la pénitence qui comportent d’ordinaire une partie plus ou moins longue traitant de la vertu de pénitence. Voir l’indication de ces traités à la fin de l’art. Pénitence-sacrement. On a particulièrement utilisé P. Galtier, De pœnUentiu, Paris, 1923 ; 2e éd., 1931.

Pour le classement des textes patristiques, on s’est inspiré surtout des diverses tables de l’une et l’autre Patrologies ; pour P. L., voir t. ccxix, col. 883-888 ; t. ccxxi, col. 1244 ; pour P. G..voiries Indices deF. Cavallera.p. 123. On regrette vivement de n’avoir pu consulter le recueil constitué au xviie siècle par le luthérien Gottlieb Spitzel (Theophilus Spizeliusl, Selecta doclorum veterum scriptorumque ecclesiasticorum de vera sinceraque ad Deum conversione monumenta et documenta, Augsbourg, 1685.

É. Amann.
    1. PÉNITENCE-SACREMENT##


2. PÉNITENCE-SACREMENT. _ Dès l’antiquité ecclésiastique, le vocable de « pénitence » a désigné, chez les Latins, le rite ou, plus exactement, l’ensemble des rites qui, présupposant chez le baptisé coupable de quelque faute grave le repentir interne, devaient faire rentrer celui-ci en grâce avec Dieu, par l’intermédiaire de l’Église. Concurremment avec ce mot latin, le terme grecd’ « exomologèse » que l’on pourrait rendre, tant bien que mal, par celui de « confession », a été de bonne heure en usage, antérieurement même à celui de pénitence. C’est ce rite ecclésiastique de la pénitence, de la confession, qui fait l’objet du présent article.

Ce rite comporte diverses parties et, comme l’on dit encore, divers actes : d’une part, l’aveu des fautes ou confession et la réparation des fautes ou satisfaction, l’un et l’autre inefficaces s’ils ne sont point animés d’une véritable repentance ou contrition ; d’autre part, la remise des fautes, au nom de Dieu, par le pouvoir ecclésiastique ou absolution. Chacune de ces parties a fait ou fera ici l’objet d’articles spéciaux : Absolution, Attrition, Confession, Contrition, Satisfaction ; le lecteur y est renvoyé d’office. Ce que l’on voudrait mettre en lumière, dans le présent article, c’est surtout le rapport entre ces diverses parties du sacrement de pénitence. Une histoire, même fort sommaire, de la pratique pénitentielle et de la théorie qui prenait son point de départ en la pratique montre, en effet, que l’attention, tant des fidèles que des docteurs, ne s’est pas portée toujours d’égale manière sur chacune de ces parties. Le mot de confession employé couramment aujourd’hui pour désigner le sacrement (on dit : « je vais me confesser », comme on dit « je vais communier » ), montre que les fidèles songent surtout à l’aveu des fautes ; c’est sur les qualités de cet aveu que les manuels de théologie pratique attirent l’attention des « confesseurs ». L’antiquité la plus reculée, elle, mettait, sous le mot d’exomologèse quelque chose d’assez différent et c’est plutôt l’ensemble des exercices pénitentiels préparatoires à la réconciliation ecclésiastique qui frappait alors l’attention. Ces différences dans la pratique ont entraîné d’inévitables différences dans l’appréciation théorique des divers actes de la pénitence. Telle époque a insisté davantage sur la satisfaction, telle autre sur la confession, telle autre sur la contrition ; on a mis parfois l’accent avec tant d’insistance sur la valeur propre de la satisfaction ou de la contrition que l’on a semblé oublier, ou du moins reléguer dans l’ombre, la signification de la remise même des péchés. C’est l’étude de ces aspects divers du rite sacramentel qui donne un intérêt particulier à l’histoire de la pénitence.

Cette histoire, comme celle de plusieurs sacrements, n’est pas claire en toutes ses parties. Si elle est relati-