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PÉNITENCEREPENTIR. QUESTIONS THÉOLOGIQUES


satisfaction de l’offenseur, tandis que la rétribution est infligée par l’offensé. Ces deux exigences sont matière de justice, parce qu’elles sont une sorte d’échange. Il est donc manifeste que la pénitence, en tant que vertu, est une partie de la justice. » Ibid., corp., trad. Hugueny, Somme théol., La pénitence, t. i, p. 82-83.

Mais, saint Thomas le fait remarquer dans le même article, comme entre l’offensé et l’offenseur il n’y a point ici le rapport d’égalité qu’évoque l’idée de justice au sens strict, il ne saurait être question, s’agissant de Dieu et de nous, de justice absolue ; il s’agit de cette justice relative qui règle les relations entre personnes dont l’une est sous le pouvoir de l’autre. Dans la terminologie de l’École on dira que la pénitence est une partie potentielle de la vertu de justice.

Matière de la pénitence.

Reste à préciser, pour

déterminer plus exactement encore le caractère de cette disposition, sur quoi porte la pénitence, quel est, en d’autres termes, son objet matériel. C’est, avons-nous dit, le péché.

Mais encore, s’agit-il de tout péché ? Au sens strict du mot, la pénitence ne peut viser que le péché personnel, actuel, c’est-à-dire dépendant de la volonté de celui qui se repent. Pas de difficulté pour les péchés passés ; quant aux péchés futurs, si l’acte du repentir ne peut s’appliquer à des transgressions qui n’existent pas encore, la disposition générale de l’âme (habilus) peut fort bien les envisager, non seulement en ce sens que l’âme se met en garde contre elles, mais qu’elle les renie à l’avance, si jamais elles échappent à sa faiblesse.

Que si l’on considère la pénitence en un sens plus large, comme l’aversion pour le péché en tant qu’il est offense de Dieu, avec le désir de réparer celle-ci dans la mesure du possible, la vertu en question peut s’étendre à des offenses contre Dieu commises par d’autres. A l’exemple de Daniel qui faisait pénitence pour lui-même et pour Israël, Dan., ix, 4-20, les âmes les plus saintes ont su s’affliger et se mortifier non seulement pour des transgressions personnelles que nous estimons bien légères, mais encore pour les fautes de leurs frères. Il n’est pas jusqu’au péché originel qui ne puisse être objet de détestation et non seulement en tant qu’il fut péché actuel, chez nos premiers parents, mais encore en tant qu’il est le germe morbide qui, dans tous les fils d’Adam, est le principe de tant de misères morales. Tout n’est pas faux, dans ce que disent les protestants sur l’accablement qui saisit l’homme à la vue de sa déchéance ! Ci-dessus, col. 739.

Mais ceci ne représente encore que l’un des aspects de la pénitence ; en même temps qu’elle développe l’aversion pour le péché sous toutes ses formes, elle fait rechercher tout ce qui peut contribuer à la réparation du péché soit personnel, soit étranger. Outre qu’elle fait éclore à l’intérieur de l’âme les actes de cette vertu au même sens où nous parlons d’actes de foi, d’espérance et de charité, elle entraîne à la pratique des actes extérieurs de pénitence. Les anciens avalent ramené ces actes extérieurs aux trois gestes classiques : prière, jeûne, aumône. Voir dans Suarez, disp. VI, sect. ii, le rapport établi entre ces trois actes et la triple concupiscence : concupisccntia carnts, con rupiscentia oculorum, sitperbia vitse. Le rapprochement vaut ce qu’il vaut. Il indique du moins le point de Mie auquel se met l’auteur : avec une fine psychologie, il met l’accent sur ces actes extérieurs entant qu’ils constituent une a^ct-sr, propre à éloigner l’âme du péché fut ur et à la mettre à I abri des rechutes ton jours possibles l’eut être à l’époque où l’on considér. ui davantage la satisfaction comme partie essentielle du sacrement >le pénitence, l’attention se portait elle plutôt sur le caractère « le punition que revl

tent ces actes extérieurs. Le péché, violation de l’ordre établi par Dieu, a mérité une peine ; si Dieu, en considération de la pénitence faite par le coupable, remet la peine éternelle méritée par le péché mortel, il reste à celui-ci à subir les peines temporelles en cette vie ou en l’autre ; en affligeant volontairement son âme et son corps, il s’acquitte partiellement de sa dette. La doctrine scotiste de la pénitence met très bien en évidence ce point de vue. Voir ci-dessous.

Sujet de la pénitence.

Où se trouve la vertu

de pénitence ? La question a un double sens : en quelle faculté de l’âme a-t-elle son siège ? En quelles âmes se rencontre-t-elle ?

1. Siège de la vertu de pénitence.

Admise l’idée qu’il existe dans l’âme des puissances et facultés se distinguant réellement les unes des autres, on peut se demander si la pénitence est affaire de la sensibilité ou de la volonté. Sum. theol., III », q. lxxxv, a. 4. A première vue, on pourrait être tenté de la ranger dans la catégorie des émotions et, dès lors, de la rattacher au double appetitus sensible. Douleur du péché commis, elle apparaît comme une des formes de la tristesse (passion du concupiscible) ; armant le pécheur contre lui-même, elle fait figure de vengeance et, dès lors, apparaît comme une des réactions de V appetitus irascibilis. Tout compte fait, néanmoins, c’est la volonté qui est le propre sujet de la vertu en question. « De la pénitence, dit saint Thomas, nous pouvons parler de deux façons : premièrement en tant qu’elle est une passion et, ainsi considérée, puisqu’elle est une espèce de tristesse, elle est dans le concupiscible comme dans son sujet : deuxièmement, en tant qu’elle est une vertu et, à ce titre, elle est une espèce de justice. Mais la justice a pour sujet l’appétit rationnel qui est la volonté… Et l’acte propre de cette vertu est le ferme propos de corriger pour Dieu ce qui a été fait contre lui. » Trad. Hugueny, loc. cit., p. 89-90. Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait jamais irradiation de la partie supérieure de l’âme dans ses parties inférieures ; c’est Vâme tout entière qui se repent, l’ébranlement parti de la volonté se transmet parfois très avant dans la sensibilité même : » Ce n’est donc pas une chose anormale, dit saint Thomas, que la pénitence étant dans la volonté ait quelque opération dans chacune des facultés de l’âme. » Ibid., ad 4um. Ce serait une bien pauvre psychologie que celle qui ferait fi de ces manifestations extérieures et sensibles du regret d’avoir offensé Dieu. L’Église en juge bien autrement, qui insère au missel des oraisons spéciales pour demander le don des larmes : educ de cordis nostri duritia lacrymas compunctionis.

2. En quelles âmes se trouve la vertu de pénitence ? — La réponse est donnée par ce qui a été dit plus haut de la matière de la pénitence.

Au sens strict, la pénitence ne pouvant porter que sur des péchés personnels ne peut se trouver qu’en ceux qui ont péché ou qui sont susceptibles de le faire : qui est impeccable ne peut avoir lieu de se repentir. C’est le cas de la sainte humanité du Christ absolument et intrinsèquement impeccable ; il n’y a point de place chez elle pour la pénitence au sens strict. Quant à la très sainte Vierge, la réponse dépend de celle que l’on fait à la question de son impeccabilité. Voir arl. MABIB, col. 2414-2421. S’il est vrai, comme l’enseignent la plupart des théologiens, que cette impeccabilité De rentre point dans les constituants de son être moral, mais est un don surajouté, on ne voit pas la raison qui empêche de mettre en Marie le germe de la vertu personnelle de pénitence.

Si l’on considère, au contraire, la pénitence dans le sens large, d’après lequel elle peut s’étendre à toute offense faite à Dieu, d’où qu’elle vienne, elle peut se

trouver en toute créature Intelligente et Mine Laissant