Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée
59
60
PAULICIENS


agissements de l’hérésiarque et envoya pour le combattre un de ses courtisans, nommé Siméon. Condamné à la lapidation, la première pierre que reçut Constantin lui vint de son (ils adoptif Justus (vers 684). Photius, Contra manichœos, i, 17. Siméon, le fonctionnaire impérial envoyé contre lui, tomba à son tour dans les mêmes erreurs, quitta la capitale vers 687, et vint se mettre à la tête du mouvement sous le nom de Tite. Dénoncé par Justus, qui s’était posé en compétiteur, il fut brûlé avec un grand nombre d’autres sectaires (690). Photius, op. cit., i, 18. L’Arménien Paul gagna, avec ses fils Gégnésius et Théodore, la bourgade d’Épisparis, où ils substituèrent la paulicianisme au manichéisme. Après sa mort, Gégnésius et Théodore se disputèrent la direction de la secte et revendiquèrent tous deux la possession de l’Esprit-Saint. Pierre de Sicile, Hisloria manichœorum, n. 28. Gégnésius, mandé devant le patriarche de Constantinople pour y subir un interrogatoire sur sa foi, répondit par des phrases adroitement ambiguës qui firent croire à sa parfaite orthodoxie. Il regagna Épisparis avec un sauf-conduit impérial, mais jugea prudent de se fixer à Mananalis avec ses disciples. Son fils légitime Zacharie se disputa la succession avec son autre fils, adoptif ou naturel, Joseph, qui se faisait appeler Épaphrodite. Zacharie s’enfuit devant une invasion des Sarrasins et perdit ainsi tout prestige, tandis que Joseph réussit à gagner Antioche de Pisidie avec ses partisans. Photius, op. cit., i, 20 ; Pierre de Sicile, op. cit., n. 29-31. Après la mort de Joseph-Épaphrodite, il y eut une nouvelle compétition entre Baanès, surnommé le Crapuleux à cause de ses désordres, et Sergius, qui se faisait appeler Tychique. Ce dernier fut un ardent et habile propagateur des doctrines pauliciennes. Il faisait d’ailleurs étalage d’une grande austérité, mais aussi d’un grand orgueil, puisqu’il ne craignait pas de s’intituler le Paraclet, le gardien vigilant, le bon pasteur, le chef du corps du Christ, la lampe du sanctuaire. La secte se divisa en Sergiotes et en Baanites, mais la rupture ne fut complète qu’après la mort de Baanès. Photius, op. cit., i, 21-22.

Cependant, le gouvernement impérial prenait de nouvelles mesures contre les pauliciens. L’évêque de Néocésarée, Thomas, et le gouverneur du thème des Arméniaques, Paracondakès, furent chargés par Léon l’Arménien (813-820) de faire une enquête sévère. Les pauliciens, alors divisés en Kynochorites, Kovox<J>ptTai, ou partisans de Sergius, et en Astati, "AaTa-roi, s’entendirent entre eux pour assassiner les inquisiteurs. Leur coup fait, les Kynochorites s’enfuirent à Mélitène, où l’émir sarrasin Monocharérès les accueillit favorablement. Ils s’établirent à Argaon et de là firent de fréquentes incursions en territoire byzantin. Photius, op. cit., i, 24 ; Pierre de Sicile, op. cit., n. 41. Sergius mourut en 835. A partir de ce moment, la secte ne choisit plus de chef proprement dit ; elle fut dirigée par des supérieurs nommés compagnons de voyage, o-uvéx8y)[aoi. L’impératrice Théodora, mère de Michel III (842-867), persécuta durement les pauliciens et en fit périr plus de cent mille, s’il faut en croire les auteurs grecs. Le fils de l’un d’eux, nommé Garbéas, officier au service de l’empire, s’enfuit à Argaon, bâtit plusieurs forteresses, entre autres Téphrik, où il établit son quartier général, et fit une guerre implacable aux armées envoyées contre lui. Il fut tué en 863. Son gendre, Chrysocheir, continua la lutte avec succès. Il s’avança jusqu’à Nicomédie, se tourna contre Ancyre, puis fonça sur Éphèse et transforma en écurie la basilique de Saint-Jean-1’Évangéliste (867). Pour le calmer, Basile le Macédonien (867-886) lui offrit vainement une dignité importante. Chrysocheir, qui revendiquait l’Asie Mineure, refusa tout accommodement, mais il dut battre en retraite et périt dans une bataille

qui amena la défaite de ses troupes (872). Téphrik et les autres forteresses pauliciennes furent prises d’assaut et détruites. Photius, op. cit., i, 26-27 ; Pierre de Sicile, op. cit., n. 42-43 ; Génésius, Regum, P. C, t. cix, col. 1145-1148 ; Cédrénus, Hisl. compend., P. G., t. cxxi, col. 1093-1100 ; Vita Basilii, c. xxxvii, xli, xlii, xliii. Depuis lors, la secte cessa de former un parti politique.

Les pauliciens n’ont pas toujours été les ennemis de l’empire. Constantin Porphyrogénète (912-959) travailla avec succès à leur conversion à l’orthodoxie, s’il faut en croire son ami Démétrius, métropolite de Cyzique, cod. vatic. gr. 712 ; cf. G. Ficher, Erlasse des Pairiarchen von Konstantinopcl Alexios Sludiles, Kie, p. 22 en note. Avant lui, Nicéphore I" (802-811) avait fait appel à ceux de Phrygie et de Lycaonie, qui lui avaient fourni de bons contingents. En retour, il leur avait garanti la liberté de conscience. Plus tard, ils eurent leurs bataillons particuliers avec des chefs de leur religion, et les auteurs byzantins s’accordent à reconnaître leur valeur militaire. Il en fut particulièrement ainsi sous Alexis I er Comnène (1081-1118). Anne Comnène, Alexias, vi, 2. Cependant cet empereur les chassa de l’armée en vertu d’un édit ancien. Zonaras, Annales, xviii, 23. On eut encore recours à leurs services pendant les xiie et xiir 3 siècles. En 969, Jean Tzimiscès (969-976), à la demande du patriarche Théodore le Scamandrien, déporta un grand nombre de pauliciens de la Haute-Syrie en Thrace et leur assigna comme résidence la ville de Philippopoli. Il voulait tout à la fois les éloigner des régions où ils avaient occasionné tant de troubles et leur confier la garde de la frontière contre les Bulgares. Zonaras, op. cit., xvii, 1. Nous verrons plus loin ce qu’ils devinrent. Les pauliciens des provinces asiatiques de l’empire byzantin disparurent peu à peu sans laisser de traces, mais il est probable que la plupart d’entre eux passèrent à l’islamisme. Chez les Arméniens, l’hérésie se maintint particulièrement dans la secte des Tondrakiens, et Ter-Mkrttschian avoue que toute trace de l’erreur n’a pas encore complètement disparu de nos jours. Zeilschrijt fur Kirchengeschichte, t. xvi, 1895, p. 257.

2. Les pauliciens de Bulgarie.

Nous avons vu plus haut que Jean Tzimiscès avait déporté un grand nombre de pauliciens dans la région de Philippopoli. Ils y avaient été précédés par des Arméniens et des Syriens, parmi lesquels ils retrouvèrent certainement des coreligionnaires. Cette première installation remontait à deux siècles, sous Constantin Copronynie (741-775). Les pauliciens de Thrace restèrent fidèles à leurs doctrines. C’est en vain que l’empereur Alexis I er Comnène (1081-1118) chercha à les amener à l’orthodoxie. Il passa le printemps et l’été de 1114, puis de 1118, à controverser avec eux, mais sans beaucoup de succès. Il établit une partie des récalcitrants dans la ville d’Alexiopolis ou Néocastron, fondée à leur intention. Zonaras, op. cit., xviii, 26 ; Anne Comnène, op. cit., xiv, 8. Les guerriers de la quatrième croisade eurent affaire aux pauliciens de Thrace. Enrôlés parmi les troupes de Benier de Trit, duc de Philippopoli, ils le trahirent et passèrent aux Bulgares (1205). Yillehardouin, qui nous rapporte le fait, les appelle popelicans. Conquête de Constantinople, n. 399.

C’est dans les milieux manichéens et pauliciens de Bulgarie que prit naissance le bogomilisme, dans la première moitié du xe siècle. Les bogo miles répandirent leurs erreurs du côté de l’Occident, furent rudement repoussés de Serbie, mais s’implantèrent en Bosnie, passèrent en Italie où leurs adeptes furent appelés ultérieurement patarins, puis en France, où l’on eut les albigeois. Voir ces mots. Il est d’ailleurs caractéristique que ces hérétiques aient reçu en France le nom de Boulgres (Bulgares).