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PKLAGIANISME. LE CONCILE DE DIOSPOLIS


laissât aux Latins le soin de décider de cette hérésie. Quelques membres de la réunion ayant appuyé cette proposition, Jean conclut, avec beaucoup de sagesse ? que l’on enverrait au pape Innocent des lettres et des députés, avec l’assurance que sa décision serait reçue partout. En attendant, Pelage devrait garderie silence.

On peut regretter ce non-lieu, mais il serait faux d’en conclure que l’Église de Jérusalem fût gagnée aux erreurs pélagiennes. La doctrine opposée par Jean à Pelage est incontestablement orthodoxe. Voir ce qu’en dit saint Augustin, De geslis Pelagii, xiv, 37, t. xliv, col. 342 sq.

Le concile de Diospolis.

1. Nouvelle accusalion.

— L’engagement d’attendre la décision du pontife romain ne fut pas respecté. Les accusations de Jean de Jérusalem contre Orose, l’apologie de ce dernier dans laquelle l’évêque est durement traité, le refus d’Orose de communiquer avec Pelage, tout cela excitait les esprits.

Alors survinrent en Palestine deux évêques chassés de leurs sièges à la suite de révolutions politiques, Héros d’Arles et Lazare d’Aix. Ceux-ci, on ne sait pour quelles raisons, déposèrent une plainte en règle devant le métropolitain Eulogius, évêque de Césarée ; ils composèrent tout un dossier : propositions de Célestius condamnées à Carthage et accusations qu’Hilaire avait envoyées de Sicile à saint Augustin ; ils y ajoutèrent une liste de douze propositions : 1. Adam serait mort, même s’il n’eût pas péché. 2. Le péché d’Adam n’a nui qu’à son auteur et non pas à l’humanité. 3. Les enfants nouveau-nés sont dans le même état qu’Adam avant sa chute. 4. Il n’est pas exact que toute l’humanité soit soumise à la mort à cause de la mort et de la chute d’Adam, et il n’est pas plus exact que toute l’humanité ressuscite à cause de la résurrection du Christ. 5. Les enfants morts sans baptême peuvent obtenir la vie éternelle. 6. Les riches baptisés, qui ne renoncent pas à leur fortune, même s’ils paraissent faire quelque bien, n’en ont pas le mérite et ne peuvent obtenir le royaume de Dieu. 7. La grâce et le secours de Dieu ne sont pas donnés pour chaque acte à accomplir, ils résident dans le libre arbitre, ou la loi ou la doctrine. 8. La grâce de Dieu nous est donnée selon nos mérites. 9. On ne peut être appelé fils de Dieu que si l’on est exempt de tout péché. 10. Il n’y a pas de libre arbitre si l’on a besoin du secours de Dieu, car chacun trouve dans sa propre volonté le pouvoir de faire ou de ne pas faire. 11. Notre victoire ne peut provenir du secours de Dieu, mais du libre arbitre. 12. Les pénitents obtiennent leur pardon non de la grâce et de la miséricorde de Dieu, mais de leur mérite et de leur labeur qui leur obtient miséricorde.

Il est à remarquer que les sept dernières accusations sont nouvelles, les cinq premières coïncident avec les propositions 1, 2, 3, 4 et 7 dénoncées par le diacre Paulin devant Aurèle. Ci-dessus, col. 686.

2. Concile de Diospolis (415), Mansi, t. iv, col. 312320. Les renseignements sur ce concile nous sont principalement fournis par saint Augustin, qui s’est procuré les actes et les a dépouillés systématiquement dans le De gestis Pelagii. — Quatorze évêques se réunirent en décembre 415 à Diospolis (Lydda des Actes des apôtres, ix, 32). Pelage se présenta, assisté de son ami, le diacre Anianus de Celeda. Héros et Lazare, retenus par une grave maladie de l’un d’eux, ne purent s’y rendre. Orose était également absent. Il n’y avait donc personne pour soutenir l’accusation en dévoilant les équivoques de Pelage et en déjouant ses ruses. Jean, prié de raconter ce qui s’était passé au synode de Jérusalem, déclara que Pelage admettait la grâce de Jésus-Christ et traita sévèrement ses accusateurs. De son côté, Pelage tenta de capter

la faveur de ses juges en montrant plusieurs lettres d’évêques qui faisaient son éloge ; il ne manqua pas de lire celle d’Augustin.

On procéda alors à la lecture du mémoire accusateur : mais, comme il était rédigé en latin, un interprète dut le traduire en grec. C’est en grec que Pelage répondit aux objections.

Les premières étaient tirées d’ouvrages composés par lui-même. Nous allons en citer quelques-unes :

On lui reprochait d’avoir dit : « Il n’y a que celui qui possède la science de la loi qui peut être sans péché. » Il répondit qu’il ne prétendait pas que celui qui connaissait la loi ne pouvait pas pécher >, mais il soutenait que « la connaissance de la loi aidait à ne pas pécher, comme il est écrit : « Il leur a donné « la loi pour les aider ». Is., viii, 20.

On lui reprochait d’avoir écrit : « Tous sont régis par leur volonté propre. » Il répondit : « Ceci a été dit à cause du libre arbitre, que Dieu aide lorsqu’il choisit le bien ; mais l’homme qui pèche est lui-même coupable, parce que sa faute vient de son libre arbitre. »

On lui reprochait d’avoir dit : « L’homme peut, s’il le veut, être sans péché. » Il répondit : « J’ai bien dit que l’homme pouvait être sans péché et observer les commandements de Dieu, s’il le voulait ; Dieu, en effet, lui donne cette possibilité ; mais je n’ai pas dit qu’il ait existé quelqu’un qui, depuis son enfance jusqu’à sa vieillesse, n’eût jamais péché : j’ai dit que, converti de l’état du péché, il pouvait, par ses propres efforts et la grâce de Dieu, ne plus tomber, sans prétendre néanmoins qu’il soit impeccable. Quant à ce que l’on ajoute, cela n’est point dans mes livres et jamais je n’ai tenu ce langage. » Les Pères lui ayant dit : « Puisque vous niez avoir écrit ces choses, anathématisez-vous ceux qui pensent ainsi ? » Pelage répondit : « Je les anathématise comme des insensés et non comme des hérétiques, car il ne s’agit pas ici d’un dogme. »

On lui objecta qu’il avait dit : « L’Église, ici-bas, est sans tache et sans ride. » Il répondit : « Je l’ai dit en ce sens que l’Église, par le baptême, est purifiée de toute tache et de toute ride, et que le Seigneur veut qu’elle demeure ainsi. »

On lui reprocha cette parole : « Nous faisons plus que la Loi et l’Évangile ne nous ordonnent. » Il répondit : « Je l’ai dit d’après l’Apôtre, en parlant de la virginité, au sujet de laquelle saint Paul a dit : « Je n’ai pas de précepte du Seigneur. » I Cor., vii, 2ô.

Le concile aborda ensuite l’examen des textes tirés soit des livres, soit de l’enseignement oral de Célestiu--. Certains se confondaient avec ceux qui avaient été antérieurement discutés, et Pelage se référa aux réponses qu’il avait déjà faites. Pour les autres, il répondit : « Ces affirmations sont-elles de Célestius ? à ceux qui le disent d’en juger ; quant à moi, je ne les ai jamais tenues, et j’anathématise quiconque les professe. Ad satisfactionem synodi, anathematizo illos qui sic tenent aut aliquando tenucrunt. »

Le concile déclara que, dans ces conditions, Pelage, ayant répondu d’une manière satisfaisante à toutes les questions, était digne de la communion ecclésiastique, communionis ecclesiaslicæ eum esse et catholicx confitemur.

3. Appréciation de la décision du concile.

Saint Jérôme traite avec dédain ce « misérable synode », Epist., cxliii. P. L., t. xxii. col. 1181 : cependant, il déclare : hæresis Ctelesliana jugulata est, et il ajoute qu’il est désormais inutile de réfuter hæresim emortuam. Saint Augustin au contraire, parle avec estime de « ces juges pieux et catholiques qui n’auraient jamais déclaré Pelage innocent s’il n’eût lui-même condamné ses erreurs ». Ce fut en trompant qu’il vola