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l’KLAOK II

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qu’ils apportaient témoignait que là-bas les cœurs ne s’amollissaient pas. Salla in rescriplis flamma caritatis aspicitur, nullam vel posl exemplum dulcedinem redolent in rimclis suis sermonibus, pourra dire le pape dans sa réponse. Document qui voulait être juridique, la lettre d’Aquilée se contentait d’aligner, une fois de plus, les textes relatifs à l’intangible autorité de Ghalcédoinc, auxquels se cramponnaient les schismatiques. Dans leurs communications verbales, les légats d’Aquilée en apportèrent encore quelques autres. Cette fois, le pape crut le moment venu de s’expliquer clairement. Depuis les variations de Vigile et de Pelage I er dans l’épineuse question des Trois-Chapitres, Rome avait été amenée à réfléchir sur ces événements à tout le moins déconcertants. La lettre, ou plutôt le long mémoire que remit Pelage II aux envoyés d’Aquilée, tire tout son intérêt du fait qu’elle présente, de l’attitude du Saint-Siège dans l’affaire des Trois-Chapitres, une explication qu’on a pu considérer comme définitive. Jaffé, n. 1056. Paul Diacre s’est fait l’écho d’un on-dit qui attribuait au diacre Grégoire (tout récemment revenu de Constantinople) la rédaction de cette pièce. Rien n’est moins certain, selon Ed. Schwartz, op. cit., p. xxiii : les trois lettres sortent de la même plume. Mais il va sans dire que la chancellerie pontificale a dû aider le pape dans la préparation de ce document. Deux grandes parties, en somme ; la première d’ordre général, la seconde étudiant séparément chacun des Trois-Chapitres. L’ensemble des actes de Chalcédoine, déclarait-on, depuis le début, à Aquilée, constituait un bloc intangible. Toucher à la moindre des décisions qui avaient été prises au concile, c’était risquer d’en compromettre l’ensemble, c’était faire le jeu du monophysisme. On avait donc réuni toute une série de textes destinés à appuyer cette interprétation, lettres diverses du pape saint Léon, documents aussi empruntés à ce Codex encyclius, où l’empereur Léon avait fait consigner les réponses adressées à la cour de Constantinople par tout l’épiscopat de l’Orient après les premières difficultés qu’avait soulevées l’application des décrets conciliaires. Ce dossier, la chancellerie de Pelage II le soumit à un examen minutieux. Elle en conclut, après un tri des différentes pièces, que les déclarations, si absolues d’apparence, qui proclamaient le caractère intangible du concile, ne visaient que l’œuvre proprement dogmatique de l’assemblée, cela seulement qui y a été fait pro custodia illibatæ fidei non autem pro causis episcoporum specialibus quæ apud Chalcedonam gesise sunt. Acta conc. œcum., p. 114, lig. 25. Remarquable exemple, pour le dire en passant, de la distinction qui deviendra classique de l’autorité diverse qui s’attache aux décisions ecclésiastiques, suivant qu’elles visent les questions dogmatiques ou les faits disciplinaires. S’engageant plus avant dans cette voie, et faisant remarquerl’insistance avec laquelle le pape Léon, en approuvant le concile, entendait bien ne canoniser que les définitions relatives à la foi, la lettre de Pelage émettait même cette idée que « les décisions que le pape Léon n’avait pas approuvées il les avait rejetées » : postquam nihil aliud synodi nisi defmitionem fidei recepit, quid est aliud nisi quod cetera quæ illic specialiter mota sunt refutavit. Ibid., p. 115, lig. 25. Exagération évidente d’une pensée trop systématique 1 II est bien certain que saint Léon avait expressément désapprouvé quelques décisions du concile, mais il s’agissait exclusivement de celles qui étaient relatives à la primauté que Constantinople s’était fait reconnaître sur les Églises d’Orient. Le pape Pelage semble bien s’être rendu compte de cette objection qui lui pouvait être faite et il s’efforce d’y répondre, tant bien que mal, dans la section de

son mémoire relative au cas de la lettre d’Ibas. Ibid., p. 128, lig. 7-27. Cette exagération de polémiste mise à part, il faut reconnaître que la thèse soutenue par Pelage ne manquait pas d’à-propos.’fous les défenseurs des Trois-Chapitres poussaient jusqu’à l’idolâtrie, pourrait-on dire, le respect à l’endroit des actes du synode. Pour un peu, ils les eussent considérés comme des Écritures inspirées, dont les moindres paroles, fussent-elles des obitrr dicta, avaient force contraignante. La lettre du pape Pelage ramenait a ses justes proportions l’estime qu’il convenait d’avoir pour les décisions conciliaires.

La liberté relative que l’on peut se permettre à l’égard de ces mesures, continue Pelage, explique dès lors que le Saint-Siège ait pu prendre, à l’endroit des Trois-Chapitres, des attitudes diverses et mêmes contradictoires. En défendant les condamnés de Justinien, disait-on à Aquilée, nous ne faisons que nous conformer aux premières décisions du pape Vigile, qu’adopter les vues si énergiquement soutenues par le diacre Pelage avant qu’il ne devînt le pape Pelage I er. Vaines excuses, répond notre document. Vigile et les évêques latins étaient mal renseignés, au début, sur l’état vrai de la question : peu au courant de la langue grecque, ils ne pouvaient juger de l’hétérodoxie des pièces qu’on leur demandait de condamner. Plus tard, ils reconnurent leur erreur, errorem tarde cognoverunt ; de longues recherches les amenèrent à condamner ce qu’ils avaient d’abord défendu. On aurait aussi mauvaise grâce à leur objecter ces variations que de reprocher à Paul sa conversion, à Pierre son changement de doctrine relativement à la nécessité de la loi mosaïque, à Augustin ses rétractations. Et ne voyons-nous pas. dans l’Écriture, Dieu lui-même exprimer en quelque sorte son changement d’avis : de ipso quoque auctorr omnium Deo, Scriptura adteslante, cognoscimus quia dum concilium non mutet sœpe sententiam mutât. Ibid., p. 119, lig. 23.

Ainsi donc la cause des Trois-Chapitres pouvait être examinée sans qu’une atteinte fût portée à l’autorité dogmatique de Chalcédoine. Dans sa seconde partie, le mémoire de Pelage II étudie chacun des cas d’espèce. Il a beau jeu à démontrer — et le premier Constitutum du pape Vigile (14 mai 553) lui fournissait ici une abondante documentation — que la doctrine de Théodore de Mopsueste était indéfendable. Cette partie de la lettre de Pelage II n’apporte aucun texte qui n’ait été cité soit par Vigile, soit par le Ve concile. La condamnation des doctrines et des œuvres de Théodore entraîne logiquement celle de sa personne ; les gens d’Aquilée peuvent-ils hésiter un instant à condamner, fùt-il mort depuis longtemps, un blasphémateur de cette trempe. Xequr enim fides vestra patitur ut qui tôt blasphemiis Redemptori nostro hostis exstitit a vobis ulterius defendatur’.' Ibid., p. 120, lig. 9. Vainement, on exciperait de l’inauthenticité des ouvrages d’où sont tirées ces citations. La provenance de ces écrits est incontestable, comme il ressort de la « lettre aux Arméniens de Proclus, des dépositions si nettes de saint Cyrille, de Rabboulas d’Édesse, d’Hésychius de Jérusalem. Il n’est pas jusqu’à Jean d’Antioche dont le témoignage ne soit accablant pour Théodore (cf. p. 123. lig. 23-27), et jusqu’aux explications embarrassées de Théodoret qui ne l’accusent. P. 125, lig. 34 sq.

Le cas d’Ibas, on le sait, soulevait de plus délicats problèmes. S’il était vrai que l’évêque d’Édesse avait été réhabilité à Chalcédoine et déclaré orthodoxe par les légats pontificaux, après lecture de la lettre fameuse qui l’avait fait antérieurement suspecter, il était assez difficile de faire admettre que. cent ans plus tard, cette même lettre pût être l’objet