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PEINES ECCLÉSIASTIQUES. NOTION


délit : 1. D’abord un élément matériel, ou objectif, c’est le dommage, la violation même de la loi, ou le corps du délit : 2. puis un élément formel ou subjectif, c’est le dol ou intention perverse, d’où sortira l’imputabilité ; 3. enfin, un élément juridique : la loi pénale, à laquelle est assimilé, de droit, le précepte également sanctionné par une peine canonique.

En représentant le délit pari), le dommage par rf a le dol ou imputabilité par d°, la loi munie d’une sanction par (l + s), on peut résumer la notion du délit dans le droit ecclésiastique actuel, par la formule suivante : D = d B + rf° + (Z + s). Les deux premiers éléments servent à mesurer la quantité ou gravité du délit ; le troisième détermine sa qualité ou spécification. Can. 2196.

1. L’élément objectif est constitué par la transgression même de la loi, qui trouble l’ordre social et porte atteinte au bien général ; c’est le dommage au sens juridique, dommage qui exige réparation. Le législateur, en effet, ne s’occupe pas de tout ce qui est moralement répréhensible, mais seulement de ce qui met obstacle au bien public. C’est pourquoi’e fait délictueux doit être extérieur, ce qui ne veut pas dire public. De même, en effet, que l’Église non judicat de internis, de même elle ne punit pas des pensées ou des désirs purement internes : Cogitationis pœnam nemo palitur, Decrelum GraL, pars II a, De psenitentia, dist. I, can. 14.

Il faut aussi que l’acte trouble l’ordre social en fait, et non pas seulement dans l’intention de son auteur, ainsi, le délit putatif, ou transgression d’une loi que l’on croit exister, alors qu’il n’en est rien, ne saurait être imputé à l’agent et lui valoir une peine.

Il en va tout autrement dans les cas de tentative de délit (conatus delicti) et de délit avorté (deliclum frustratum), prévus au can. 2212, car alors l’ordre social reçoit une véritable atteinte, tant par l’entreprise menée contre la loi, que par le scandale qui peut en résulter. Dans les deux cas, la volonté perverse du délinquant ne fait aucun doute ; mais, dans la première hypothèse, l’agent ne consomme pas son forfait, soit parce qu’il abandonne son projet, soit parce que les moyens employés se révèlent inefficaces ou insuffisants ; dans le second cas (deliclum frustratum ) le but n’est pas atteint, malgré l’aptitude des moyens, par suite de la survenance d’une cause indépendante de la volonté de l’agent. Il va de soi que, dans les deux cas, l’imputabilité est moindre que pour un délit consommé ; mais le législateur note très justement que le délit avorté revêt une culpabilité plus grande que la simple tentative de délit, tant à cause de la persévérance de la volonté criminelle, que de l’agencement concerté des moyens. D’ailleurs, si, dans le droit, la simple tentative de délit est sanctionnée par une peine, elle constitue, a elle seule, un vrai délit dans son espèce. Can. 2212, S 4.

2. L’élément subjectif réside essentiellement dans l’intention délictueuse, qui crée. (lie/, l’agent, une culpabilité morale et une responsabilité personnelle ; le Code se sert du mol imputabilité, pour indiquer que l’acte commis sera attribué légitimement à l’agent comme a un auteur responsable, c’est dire qu’en

droit ecclésiastique toute imputabilité juridique suppose une imputabilité morale ; l’Église n’admet,

Comme base de ses sanctions, ni la seule faute matérielle, ni l’imputabilité fictive ou 1 1 il’-. en vertu de laquelle, par exemple, les parents.iraient tenus pour

les auteurs (responsables) des actes de leurs enfants encore en bas âge. Au for canonique, l’imputabilité suppose, chez l’agent, une connaissance et une liberté telles, qu’on ne puisse douter de sa culpabilité morale.

Il n’en faudrait pas conclure que le délit se confond

avec le péché, ou que le juge chargé de constater et de punir le crime n’aura pas à remplir un rôle différent de celui du confesseur. En réalité, le champ d’action de l’un et de l’autre reste parfaitement distinct ; ils ne travaillent pas sur le même plan, bien que tous deux fassent souvent appel aux mêmes principes. Le juge n’aura à connaître que du délit, c’est-à-dire de la violation de la loi au for externe, dans l’ordre juridique, en tant que cette transgression touche à l’ordre social. Le confesseur verra surtout la faute sous l’angle péché, en tant qu’elle intéresse la conscience personnelle de l’individu ; son rôle sera limité au for interne ; il appréciera ce qui, devant Dieu, est permis ou défendu, recherchera les causes, proposera des remèdes, enfin remettra la faute ou en abandonnera la vengeance à la justice divine. D’où l’on voit que le champ d’action du confesseur est singulièrement plus vaste que celui du juge, car l’autorité sociale ne se mêle pas de punir tous les péchés, même publics ; ce ne serait sans doute ni possible, ni peut-être prudent. Donc, si tout délit renferme une faute morale, toute faute morale, tout péché n’est pas un délit.

Deux choses servent à déterminer l’imputabilité, et, par conséquent, à fonder le délit : le dol et la faute juridique.

a) En matière pénale, le dol est la volonté délibérée de violer la loi, can. 2199 ; ainsi entendu, il ditïère donc, par sa nature, de celui qui, en matière civile, peut servir de fondement à une action ou à une exception. Can. 1684-1686. Cette disposition perverse de la volonté est la véritable source de l’imputabilité, par conséquent, la 6a.se du délit. Toutefois, le code fait remarquer que, dans toute transgression extérieure de la loi, l’intention perverse est présumée de droit, jusqu’à preuve contraire.

b) Si le dol est absent, l’imputabilité peut dépendre de la faute. Il ne s’agit pas ici de la faute théologique, bien que le droit pénal de l’Église la suppose toujours, can. 2218, § 2, mais de la faute juridique, qu’on pourrait définir ainsi : un acte accompli sans malice et qui cause au prochain un dommage injuste. Pareille faute a sa source soit dans une ignorance coupable de la loi violée, soit dans une négligence également coupable, mais toujours exempte de dol. Et pourtant, l’effet mauvais ou dommage aurait pu et dû être prévu par un homme diligent, soucieux de son devoir aussi bien qu’attentif à ses actes. C’est pourquoi, malgré l’absence d’intention perverse, l’acte dommageable restera imputable à son auteur, car le bien commun oblige les sujets non seulement à ne pas violer la loi, mais encore à être attentifs et vigilants pour ne pas nuire à un tiers ou à la société : quiconque, par ignorance ou incurie, néglige ces précautions élémentaires n’est pas innocent devant le droit.

On suppose, évidemment, que le dommage aurait pu Être prévu par un homme diligent : car, dans le cas d’un événement fortuit, qu’on n’a pu prévoir ou auquel on n’a pu remédier, toute imputabilité disparaît. Can. 2203, § 2.

On voit par là que l’élément subjectif du délit est d’une grande importance, et qu’il requiert une certaine

perspicacité, dans son appréciation. C’est pourquoi le Code a déterminé, dans une série de canons, toutes les causes susceptibles d’aggraver, d’atténuer, ou même de supprimer l’imputabilité. Nous nous bornerons a i ésumer ici les principales ; chacune d’elles

devra cire pesée soigneusement par les intéresses (supérieur, confesseur ou le délinquant lui même).

car c’est sur leurs données que se fondent Vexlsttnct ri la qrni’ilé du délit. d’où dépendront [’existence cl la mesure de la peine.

y — Parmi les causes qui suppriment totalement

l’imputabilité du délit, les unes affectent {’intelligence,