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PAUL DE SAMOSATE


d’Alexandrie. Il faut citer ensuite six fragments de Discours à Sabinus, signalés dans la Doctrina Patrum. La première série de pièces doit dater de la première partie du v° siècle et fait partie de l’importante collection des faux apollinaristes. Les Discours à Sabinus semblent plus récents encore et peuvent être rapportés au vu 9 siècle : il faut remarquer cependant que leur authenticité a été, jusqu’à ces temps derniers, défendue par des historiens comme Harnack et que F. Loofs croit pouvoir seulement discerner des interpolations dans des textes substantiellement authentiques.

L’hérésie de Paul.

Ce que nous venons de dire

suffit à montrer la difficulté que nous éprouvons à connaître la véritable doctrine du Samosatéen. Suivant F. Loofs, cette doctrine ne serait pas autre chose que le christianisme primitif. La croyance des premiers chrétiens pourrait en effet s’exprimer dans la formule suivante : « Un Dieu que la foi reconnaît comme le créateur du monde, et qui, par Jésus-Christ, a parlé aux hommes d’une manière définitive, dépassant toutes les révélations passées, car il s’est rapproché de l’humanité (ce qui permet de ne pas exclure l’estime religieuse pour la passion de Jésus) et qui, par son Esprit — l’esprit de Jésus-Christ — a versé ses dons sur la communauté chrétienne. » Ce christianisme, poursuit Loofs, n’a pas tardé à s’altérer de bonne heure, la pensée philosophique s’est efforcée de le comprendre, de le développer : déjà chez Tertullien, la foi simple est surchargée de métaphysique, et Paul de Samosate s’est laissé pénétrer d’influences stoïciennes, qui ternissent l’éclat de sa gloire. Celle-ci cependant reste grande, car « Paul s’est opposé au courant néoplatonicien qui, depuis Origène, envahissait l’Eglise et engloutissait les vieilles traditions. Tel est son titre d’honneur, ce pourquoi il apparaît comme un des théologiens les plus intéressants de l’époque anténicéenne ; il appartient à une tradition qui plonge ses racines dans un temps antérieur à l’inondation hellénique. »

Malgré l’érudition consommée et l’art subtil avec lesquels Loofs a conduit la démonstration de ces hypothèses, on ne saurait attribuer à Paul de Samosate cette rigoureuse fidélité à la tradition. L’évêque d’Antioche fait, de son temps, dans son milieu, figure de novateur. Au contraire, les évêques qui le jugent et qui le condamnent, sont les défenseurs de l’enseignement ecclésiastique. Si plusieurs d’entre eux appartiennent en fait à l’école <1’origène, ils ont tous conscience déparier au nom de L’Église et de traduire exactement sa manière de voir. Paul a été condamné comme hérétique, parce qu’il a été véritablement hérétique.

Le point de départ de la théologie samosatéenne semble bien avoir été le monarchianisme. Sur la divinité, explique un ancien résumé de sa doctrine, il ne parlait qiie du Père… Il ne disait pas que le Verbe personnel est né dans le Christ, niais il appelai ! Verbe l’ordre et le commandement, c’esl à-dire : Dieu a ordonné par cet homme ce qu’il voulait et f. lisait. Pourtant, relativement a la divinité, il ne pensait pas c imme Sabellius, car Sabellius disait que le Père, le Verbe et le Saint-Esprit étalent le même ; il disait que Dieu était une chose à trois noms, et ne reconnaissait plus la divinité. Paul, au contraire, ne disait pas <|uc le Père, le Fils et le Saint Espiil étaient le înênic, mais il donnait le nom de Père à Dieu qui a tout créé, celui de Fils au pur homme, celui d’Esprit fi la grâce qui a résidé dans les apôtres, i Pseudo-Léonce, Desectis, iii, 3, P. G., t. lxxxvi, col. 1213-1216.

Dans cette construction, le l’ère seul existe substantiellement. Le Verbe n’est qu’une parole articuléi, un son sorti de sa bouche : c’est ce que confirme le document homéousien de Basile d’Ani yre, en 359 : Une telle prétention obligea les Pères qui jugèrent Paul de

Samosate, afin de bien montrer que le Fils a une hypostase et qu’il est subsistant, qu’il est existant et qu’il n’est pas une simple parole, à appliquer aussi au Fils le nom d’oùaîa ; ils montrèrent par ce nom d’oùcîa la différence entre ce qui n’existe pas par soi-même et ce qui est subsistant. » Dans Épiphane, Hseres., lxxiii, 12, P. G., t. xlii, col. 428.

Pour exprimer sa doctrine, Paul faisait usage du terme Ô".ooûctooç, qu’il employait pour signifier que le Père et le Fils sont numériquement indiscernables, parce qu’ils ne constituent qu’une seule et même ouata. Aussi, selon la lettre de Basile d’Ancyre à Ursace et à Valens, les évêques assemblés contre lui furent-ils amenés à répudier ce mot. La lettre en question est perdue, mais nous en connaissons la teneur par saint Hilaire, De synod., 81, P. L., t. x, col. 534. D’autres auteurs qui n’avaient pas lu ce document, mais en avaient entendu parler, confirment le renseignement donné par saint Hilaire et la répudiation du consubstantiel par le concile d’Antioche ; ainsi saint Athanase, De synod., 41 et 51, P. G., t. xxvi, col. 764 et 784 ; saint Basile, Epist., va, 1, P. G., t. xxxii, col. 393 ; Sévère d’Antioche, Contra Grammat., iii, 27 ; Jean Maxence, Contra Nestor., ii, 23, P. G., t. lxxxvi, col. 155 ; Eulogius d’Alexandrie, dans Photius, Biblioth. , cod. 230, P. G., t. ciii, col. 1045.

Il faut remarquer cependant que le Logos pour le Samosatéen ne reste pas toujours inconsistant. « Le Père, à un moment donné, l’engendre, et ainsi le Logos devint subsistant », dans Justinien, Tractât, contra monoph., P. G., t. lxxxvi, col. 1117-1120. Mais cette génération garde quelque chose de vague et d’imprécis ; si elle confère au Verbe une hypostase, elle ne le sépare évidemment pas du Père.

Le Saint-Esprit apparaît rarement dans les fragments relatifs à Paul, et il est difficile de déterminer la place exacte que lui attribuait l’hérétique dans son système ; il semble que s’il en gardait le nom, qui lui était imposé par la tradition, il ne savait pas au juste à quoi il pouvait l’employer. F. Loofs pense même que Paul confondait l’Esprit et la Sagesse divine : cela est loin d’être démontré.

Mieux connu que la doctrine trinitaire du Samosatéen est son enseignement christologique. Les Pères l’ont souvent résumé en disant que, selon Paul, Jésus était un simple homme, en qui avait spécialement séjourné le Verbe de Dieu ; et c’est bien ce que semble indiquer ce fragment : « Le Verbe est d’en haut, Jésus-Christ, homme, est d’ici-bas… Marie n’a pas enfanté le Verbe, car elle n’était pas avant les siècles. Marie a reçu le Verbe et n’est pas plus ancienne que le Verbe ; mais elle a enfante un homme égal à nous, mais meilleur en toutes choses, puisque la grâce qui est sur lui est du Saint-Esprit, des promesses et des Écritures. » Dans Léonce de Byzance, Contra Nestor, et Eulych., iii, P. G., t. lxxxvi, col. 1389. (Ce fragment est d’ailleurs attribué à Diodore de Tarse par la Collect. Palatina, voir Schwartz, Acta conc. œcum., t. i, vol. v, p. 178.)

Bien que Jésus ne soit qu’un homme, son union avec la Sagesse est si étroite qu’elle lui confère une organisation différente de la nôtre : èTepotav tt ; v y.y.Ttxaxvyry 7r ( ç r^zzéçoLC, ; dans Léonce de Byzance, op. cit., ’> 1393, I ela est un des points les plus obscurs, en même temps que des mieux attestes de la doctrine

amosatéenne. Il semble que Paul ait été. Ici, partagé

entre le désll de IBUVegBXder certaines Idél traditionnelles et celui de maintenir l’unité de son système. Jésus est supérieur aux autres hommes : ni les palriar île-, , ni les prophètes, ni Moïse lui même n’ont le Seigneur Point. ml. si différent qu’il soit de tous les autre, , il reste un homme, car c’est un simple attribut

divin, la Sagesse, qui a habile en lui et l’a rempli de SB vertu I.a Sagesse ne l’est unie à lui que d’une union