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PÉCHÉ ORIGINEL. LA THÉOLOGIE RUSSE


aspect qu’on la considère, soit comme disposition habituelle, soit dans ses manifestations actuelles indélibérées (motus primo-primi), soit dans ses fruits produits avec le consentement de la volonté (péchés actuels). Op. cit., p. 265, 294. Le tout est appuyé sur le c. vu de l’épître aux Romains. Il suit de là : 1. que le volontaire n’est pas un élément essentiel de tout péché ; 2. qu’il n’y a aucune différence essentielle entre les péchés du point de vue de l’objet et de la matière, et qu’ils sont tous mortels, entraînant avec eux la damnation ; 3. que les péchés, en général, et le péché originel, en particulier, ne sont pas réellement effacés par le baptême et la grâce de la justification, qu’ils sont seulement couverts, non imputés à cause des mérites de Jésus-Christ ; 4. que le péché mortel se trouve à l’état permanent, même chez les saints. Procopovitch et Mislavskii admettent expressément toutes ces conséquences et en dissertent longuement : Peccatum quodvis, licet ratione materiæ suæ videatur esse minimum et non proprie voluntarium, taie ac tantum est, ut hominem wternee damnationis reum faceret, si Deus contra ipsum agcret rigore suæ juslitiœ… Omnia universum peccata damnant hominem in œlernum. Ibid., p. 294. Us ajoutent aussi, à la suite des théologiens luthériens, que le péché originel a détruit totalement dans l’homme déchu le libre arbitre pour ce qui regarde les actes salutaires. La liberté n’est restée que pour les actions terrestres, charnelles et se rapportant à la vie sociale. Ibid., p. 366-368.

Presque tous les théologiens russes de la seconde moitié du xvin< siècle et du début du xixe jusqu’en 1840 dépendent de Procopovitch. Leurs manuels de théologie dogmatique à l’usage des académies ecclésiastiques et des séminaires résument les thèses luthériennes et quelquefois les transcrivent mot à mot, et cela avec l’approbation du Synode dirigeant. C’est le cas du manuel de Théophylacte Gorskii († 1788) : Orthodoxe orientalis Ecclesiæ dogmata seu doctrina de credendis, l rc éd.. Pétcrsbourg, 1783 ; dernière éd., Moscou, 1831 : voir p. 141-173 de l’édition de Pétersbourg, 1818, que nous avons eue entre les mains ; de celui de Sylvestre Lebedinskii, Compendium theologiw classicum, 2e éd., Moscou, 1805, qui a l’habitude de reproduire littéralement les définitions de Théophane, voir p. 227-261 ; de celui d’Irénée Falkovskii († 1827), dont le titre est assez suggestif par lui-même : Christianæ orthodoxes dogmatico-polemicip theologiiv, olim a clarissimo viro Théophane Procopovitch ejusque continuatoribus adornatæ compendium, 2 vol., ouvrage recommandé par le Saint-Synode en 1809, dernière édition a Pétersbourg, 1827. Le célèbre métropolite de Moscou, Platon Levkhine († 1812) est aussi smis l’influence de la théologie luthérienne, lorsqu’il écrit sa Doctrine abrégée ou Résumé de théologie chrétienne (1™ éd., Pétersbourg, 1765) pour son Impérial élève Paul Pétrovitch, qui sera le tsar Paul I er, bien qu’il se garde de certaines thèses extrêmes, devant lesquelles Procopovitch n’avait pas reculé. Voir p. 15. 38-40 de l’édition de Moscou, I" part., § 15-16 ; II" part., S 16-18. C’est le pur luthéranisme qu’enseigne Philarète Drozdot dans sa jeunesse, comme en témoigne son opuscule Sur 1rs différences entre l’Église orientale et l’Église occidentale, composé en 1811 (Mntente » raxiiostt Tserkvet), publié dans les Tchtenia ou Lectures de la Société impériale d’histoire et d’archéologie de l’université de Moscou, t. i. 1870, p, 38-39 Cependant, dans les premières éditions de son Craint catéchisme, qui est considéré comme une sorte de livre symbolique de l’Église russe (1X23, 1827), ce qui est dit du péché origine] n’a rien de spécifiquement protestant et m rapproche plutôt de la doctrine catholique, on y ni. en effet, qu’un des effets’lu péché originel est lu mort

spirituelle, qui consiste dans la privation de la grâce de Dieu, principe de vie spirituelle supérieure pour l’âme humaine. Dans le dernier remaniement, opéré en 1838, sur la demande du procureur du Synode, Protasov, il compare le péché originel à une sorte de contagion transmise par la génération : « Comme d’une source souillée coule une eau souillée, ainsi du chef du genre humain, contaminé par le péché et pour cela devenu mortel, provient naturellement une progéniture contaminée par le péché et, par le fait, sujette à la mort, suivant le mot de l’Écriture : Per unum hominem peccatum in mundum intravit et per peccatum mors, et ila in omnes homines mors pertransiit, in quo (ou bien quia : le texte slave du catéchisme permet l’une et l’autre traduction) omnes peccaverunt. »

Réaction dans le sens augustinien.

A partir de

1840, le procureur du Synode, Protasov, qui avait eu, paraît-il, pour précepteur un jésuite, obligea les théologiens russes à revenir à la doctrine des Confessions de foi du xviie siècle. De nouveaux manuels de théologie furent composés, qui s’inspirèrent de ces documents, dans une mesure plus ou moins grande, tout en conservant des traces visibles de l’influence protestante. Les nouveaux théologiens cherchèrent, en général, à garder une position moyenne entre le catholicisme et le protestantisme, et ils appelèrent cela la voie royale de l’orthodoxie. Pour ce qui regarde le péché originel, ils combattent à la fois l’opinion de Bellarmin et de Suarez faisant consister le péché originel dans la seule privation de la grâce sanctifiante ou justice originelle, et la théorie protestante de la corruption totale de la nature et du péché-concupiscence persistant dans les baptisés. D’après eux, la nature humaine, considérée en elle-même, a été réellement blessée par le péché originel et pas seulement privée de dons gratuits. Ils tiennent à peu près la position de nos augustiniens, tout comme les théologiens grecs contemporains dont nous avons parlé plus haut et qui paraissent avoir subi leur influence. Comme ces derniers, ils enseignent que, par suite du péché originel, la volonté de l’homme est plus encline au mal qu’au bien ; que cette inclination au mal est comme un principe positif qui nous entraîne violemment vers le péché ; que les autres facultés ont été également atteintes ; en un mot, que le péché originel a amené une corruption générale de la nature, bien que celle-ci n’ait pas été complètement viciée, qu’elle ait conservé le libre arbitre et soit encore capable de quelque bien. Cf. Antoine Amphiteatrov, Théologie de I "Église catholique orthodoxe, Kiev, 1848, § 143, I 17 ; dans la traduction grecque de Yallianos, Athènes, 1858, p. 143, 147, 188-190, 193-194 : Macaire Bulgakov, Théologie dogmatique orthodoxe, 4e éd., t. i, Pétersbourg, 1883, p. 488-494 ; Philarète Goumilevskii, Théologie dogmatique orthodoxe. 3 éd., t. I, Pétersbourg, 1882, p. 217-218 ; Sylvestre Malcvanskii. Essai de théologie dogmatique orthodoxe avec une exposition historique des dogmes, t. iii, 2e éd., Kiev, 1889, p. 427433, 464-465, 483-185 : N. Malinovskii, Esquisse de théologie dogmatique orthodoxe, t. i, p. 361-374 ; A. Burgov, Enseignement dogmatique orthodoxe sur le péché originel, Kiev. 1904, p. 112.

Chez plusieurs des théologiens que nous venons de nommer et chez d’autres, qui dépendent d’eux. CI tte opinion sur les suites du péché originel s’explique par

leur doctrine sur l’étal primitif de l’homme. I doctrine avoislne le balanisme. L’étal d’Adam Inno< < 1 1 1 agi présenté comme un état naturel, non comme un élut surnaturel constitué par un ensemble de dons

gratuits, ee que nos théologiens appellent le surnaturel

et le préternaturel. L’exemption de la concupiso n particulier, est considérée comme quelque < note de

naturel, non comme un pi i liège. < ta refuse.i Adam la