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PÉCHÉ ORIGINEL. CONSÉQUENCES


à son péché actuel qui est transmis à ceux qui font corps avec lui.

Le mot de culpabilité n’a pas du tout le même sens quand il s’agit d’Adam et de sa postérité. Dans le chef de la race, il évoque l’idée du péché actuel commis ; dans ses descendants, soumis au seul péché originel, il n’évoque rien de ce genre, mais seulement une solidarité avec Adam pécheur. Innocents de tout acte commis individuellement et personnellement, ils ne sont qu’englobés dans une responsabilité collective. Reste, il est vrai, le mystère de notre solidarité morale, qu’impliquel’idée de responsabilité collective ; celle-ci, d’ailleurs, est concevable.

4° Le péché originel dans la postérité d’Adam. Conséquences pénales du péché originel. — Le péché originel étant un péché comporte, comme tout péché, au regard de la justice divine, un endettement, une condamnation à une peine ; mais, comme il est un péché singulier, il diffère essentiellement, dans ses suites et ses conséquences, du péché personnel, sciemment et librement commis au mépris de Dieu. La question se pose alors de savoir quelles conséquences il entraîne de droit, et d’abord ici-bas, en ce qui concerne les forces actuelles de la nature humaine considérée soit dans les individus, soit dans son développement d’ensemble, à travers le temps et l’espace, ensuite dans l’autre vie, en ce qui concerne le sort final de ceux qui meurent avec la seule tache héréditaire.

1. Doctrine de l’Église.

a) Enseignements dogmatiques. — L’Église, par ses conciles, plus particulièrement par celui de Trente, a dit très clairement qu’Adam a perdu pour lui et ses descendants la sainteté et la justice de son premier état ; il est de ce fait déchu tout entier, corps et âme, ayant échangé l’esclavage du démon contre la familiarité divine qu’il possédait. C’est donc, pour toute la race, par rapport à l’état de haute vie spirituelle où Dieu l’avait élevée, un état de double déchéance : déchéance totale par rapport à la vie divine que Dieu avait mise en la nature et que celle-ci d’elle-même ne peut récupérer, déchéance relative par rapport à la vie vraiment et pleinement humaine, du fait que la nature déchue est privée de cet état florissant de rectitude qu’elle avait reçu en Adam par le perfectionnement des dons gratuits : ainsi privée des dons qui la perfectionnaient au delà de ses exigences propres, elle est réduite à la mesure de sa condition fragile : elle connaît la concupiscence, les peines de la vie, la mort et l’esclavage du démon.

Dans sa déchéance, la nature est loin d’être totalement ruinée et corrompue ; le libre arbitre, sans doute affaibli par la chute, n’est point anéanti ; il reste capable de bien moral, n’est pas voué nécessairement à la domination de la concupiscence ; l’intelligence reste Capable de connaître Dieu : c’est le sens des condamnations répétées du pessimisme luthérien, baïanisle et janséniste.

Pour ce qui concerne l’autre Vie, le péché originel entraîne certainement, au minimum, la privation de voir Dieu : c’est le sens de l’ensemble des définitions de l’Église sur le péché originel et sur le baptême. Mais, par ailleurs, Innocent III excluait déjà les tourments de la géhenne, et fie Y I parle d’une peine du dam en deçà de la peine du feu. L’Église, sans avoir rien défini sur la nature précise des peines du péché ici. dans l’au-delà, favorise de plus en plus une conception purement privative de cette peine, et qui est celle d’une bonne partie des scolastiques.

b. Préziaions théologiques. n. Leur tenir élabora (Ion. La théologie catholique, di i saint Augustin. l’établit sur deux bases solides qu’elle n’abandonnera plus : d’une pari, l’idée de l’incapacité absolue de la nature déchue a accomplir le moindre acte salutaire ;

d’autre part, l’idée d’une bonté relative des énergies qui restent à cette nature.

C’est ainsi que la misère même de notre état présent n’est pas, aux yeux d’Augustin, sans magnificence. Mais, comme il n’a pas l’idée claire d’une nature considérée comme essence stable et immuable, et d’une surnature nettement distincte de cette nature, il lui est difficile de préciser ce qui nous reste et ce que nous avons perdu : « Ce dont il est sûr, c’est que le mal ne saurait détruire la nature : ce qu’il n’est jamais arrivé à dire clairement, c’est qu’il ne saurait même pas l’altérer. » Et. Gilson, Introduction, etc., p. 128. D’où les flottements de son système théologique et la large place qu’il laisse à une conception pessimiste « de la nature corrompue ». Cette tendance inspirera longtemps la théologie augustinienne ; luthériens, baïanistes et jansénistes prétendront être les interprètes authentiques de cette théologie et ne feront qu’en exagérer le fâcheux pessimisme.

b. Principes de cette élaboration. — Avant que l’Église ne désavouât officiellement les plus graves de ces manifestations, le plus grand nombre des scolastiques avaient fortement critiqué ce pessimisme, à la suite d’une délimitation plus exacte, dans l’Adam concret de la Bible, entre les dons surnaturels et préternaturels amissibles et les dons naturels inamissibles.

Tout en estimant la nature déchue inférieure à la nature plus parfaite que Dieu avait voulue, on eut le sentiment très vif de sa valeur relative. On la déclara destituée de son développement surnaturel, de ce fait moins hautement spirituelle ; on ne laissa pas de l’estimer capable de vie intellectuelle, morale et religieuse. Pas plus par le péché originel que par le péché actuel, la nature n’est atteinte en sa constitution et ses principes.

La théologie moderne s’attache de plus en plus à ces idées, et c’est pourquoi elle critique les pessimismes hétérodoxes, conserve, continue et développe l’interprétation modérée de l’augustinisme qu’avait réalisée le Moyen Age, abandonne de plus en plus l’augustinisme strict du xiie siècle.

c. l’récisions actuelles. Dans cette perspective, elle s’efforce de préciser la notion de notre état de nature déchue par rapport à l’état hypothétique de nature pure, de délimiter et de caractériser les forces qui demeurent dans l’individu et dans la multiplicité et la succession des races, en tenant compte, autant que possible, des nouvelles données de l’anthropologie.

a) Rapport de la nature pure à la nature déchue. Étant donné le caractère immuable des énergies constitutives de la nature humaine, il faut conclure logiquement a l’identité du statut ontologique « le l’état de nature pure et de l’état réel de nature déchue. Dans un cas comme dans l’autre, même constitution essentielle de corps et d’âme ; mêmes capacités dans l’intelligence, qui peut s’élever à la connaissance du vrai ; dans la volonté, dont le libre arbitre est capable de faire le bien et d’éviter, en une certaine mesure, le mal. Mêmes limites et mêmes infirmités d’autre pari dans ses facultés ; l’intelligence pari de l’ignorance pour s’élever lentement vers la vérité : la volonté est frêle en face des assauts de la concupiscence, elle a besoin du concours et des secours divins dans les situations difficiles pour vaincre moralement et atteindre la même fin réelle, l’union à Dieu : même appétit vague d’atteindre a la vision souhaitable <ic Dieu : même Impuissance de l’obtenir par les seules Icinc de la nature. Sans ee minimum commun iu deux (’tais, on ne peut concevoir la nature déchue : l’homme > reste homme aee les principes et les propriétés exigées par sa nature.

fous les théologiens, cependant, ne sont point de