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PÉCHÉ ORIGINEL. NATUHE


résultats scientifiques positivement établis, et que le savant n’avance point comme vérités certaines et faits aullientiques de pures hypothèses. S’il en est ainsi, la foi nous garantit qu’entre notre credo et la connaissance humaine il n’y aura pas de contradiction. Voir l’art, Rates humaines, dans Dicl. pral. des conn. rel., t. v, col. 989 sq.

b) Le théologien peut éclairer beaucoup le mystère de la propagation du péché originel, c’est-à-dire le mystère de notre solidarité morale avec le chef de la race, en rattachant cette libre disposition divine d’un plan surnaturel à la grande loi de la solidarité naturelle reconnue de plus en plus par la science. Celle-ci affirme non seulement la solidarité des mouvements des mondes en un cosmos unique, plus encore elle affirme, au sein de l’individu vivant, la solidarité organique des cellules et des membres, au sein d’une même espèce, la solidarité des corps par l’hérédité avec tous ceux de la lignée et de toute la race, entre les différentes espèces, une connexion réelle, une distribution organique des vivants à travers l’espace et le temps, au sein de l’humanité, la solidarité familiale par hérédité physiologique et sur certains points psychologique, la solidarité sociale par la coutume, la tradition, le langage, les liens juridiques. Bref, la loi de solidarité et d’interdépendance paraît bien être la loi principale par laquelle la Providence gouverne l’univers.

Ces constatations expérimentales n’aident-elles pas le croyant, certain par sa foi de la propagation du péché originel, à comprendre que Dieu ait fait dépendre la possession ou la perte même des biens religieux et moraux gratuits d’un bon ou d’un mauvais usage de la liberté du chef de la famille humaine et de la solidarité morale, de ses descendants avec lui ? Il a voulu, dans sa sagesse, que les lois de la solidarité morale dominent le monde surnaturel comme le monde de la nature, que ces lois de solidarité puissent travailler pour ou contre nous, selon le bon ou le mauvais usage du chef de famille.

En fait, ces lois qui auraient pu toujours travailler pour nous ont tourné d’abord en Adam contre nous. Mais, par la libéralité divine, elles travaillent de nouveau dans le second Adam, notre chef, en faveur de la famille humaine tout entière. Rachetés du triste privilège d’Adam, nous devenons les héritiers de la grâce du Christ.

Le théologien ne s’étonne pas que, malgré tout, cette loi profonde de la solidarité humaine, déjà si mystérieuse au point de vue naturel, le devienne plus encore au point de vue surnaturel.

3° Le péché originel dans ta postérité d’Adam. Nature de ce péché. — Au terme de chaque génération humaine se trouve un membre de l’humanité, dans l’état malheureux et coupable où Adam se trouvait après son péché : c’est-à-dire une nature non seulement inachevée par rapport au perfectionnement que Dieu rêvait pour elle, non seulement appauvrie par rapport aux enrichissements dont il l’avait comblée, mais une nature déséquilibrée, désordonnée moralement par rapport à l’ordre merveilleux dans lequel il l’avait établie. Cette situation misérable se présente à la fois comme une faute et comme une peine. Où est précisément la faute ? En quoi consiste-t-elle ? En quoi se distingue-t-elle de la peine qu’elle entraîne ? C’est le problème de l’essence du péché originel que les conciles n’ont pas entièrement résolue, que la théologie essaie de résoudre à la lumière des principes de la sagesse divine.

1. Doctrine de l’Église.

a) Indications dogmatiques. — Sur ce point, 17 n’y a pas encore de définition précise.

Le concile de Trente n’a pas voulu résoudre cette

question et a déclaré plusieurs fois, dans ses séances préparatoires, s’en tenir à la manière des anciens qui définissaient le péché originel non pas tant en lui-même que d’après ses conséquences ; il a dit nettement son intention de laisser s’affirmer librement les opinions théologiques. Les Pères du concile du Vatican, lorsqu’ils ont déclaré que la privation de la grâce n’était point étrangère au péché originel, mais dans un lien nécessaire avec lui, ont dit non moins nettement qu’il ne s’agissait point pour eux de définir l’essence du péché originel, et reconnu la légitimité des diverses opinions. Voir col. 568.

Les définitions conciliaires contiennent cependant des indications partielles précieuses à recueillir pour qui veut éclairer ce problème.

a. Elles aident d’abord à écarter des notions exagérées ou insuffisantes du péché originel. — D’après les principes du concile de Trente, d’après la condamnation de Baïus par Pie V, le péché originel ne peut consister en une corruption intrinsèque de la nature humaine : si cette nature a été dépouillée par le péché originel des privilèges gratuits dont elle avait été ornée, détériorée de ce chef dans son âme et dans son corps, elle n’a point été atteinte dans ses éléments constitutifs strictement naturels, comme le libre arbitre et la capacité de faire quelque bien d’ordre moral. C’est ce qui résulte particulièrement de la condamnation de la prop. 55 de Baïus.

Le péché originel ne consiste pas dans la concupiscence prise en elle-même ; puisque, d’après le concile de Trente, le baptême efface tout ce qui constitue véritablement et proprement le péché originel, et que, d’autre part, le foyer de la concupiscence subsiste dans le baptisé. C’est donc que la concupiscence, comme telle, ne peut s’appeler péché qu’improprement, en tant qu’elle est effet du péché originel et cause du péché actuel. On ne peut dès lors l’identifier de tout point avec le péché originel, qu’en faisant disparaître en celui-ci le caractère de péché proprement dit ou qu’en niant la rémission de ce qui est véritablement péché par le baptême. Aussi, les Pères du concile du Vatican proposaient-ils de définir expressément que la tache originelle ne consiste ni dans la concupiscence comme telle, ni dans une maladie ou corruption physique ou substantielle de la nature humaine.

Depuis le concile de Trente et la censure de Durand de Saint-Pourçain, il est clairement établi que définir le péché originel comme une pure condamnation à une peine est notoirement insuffisant ; il faut y reconnaître un péché véritable.

Qui dit péché, dit volontaire, d’après la tradition et la raison. Aussi serait-il insuffisant de définir le péché originel comme un désordre objectif indépendant de toute relation morale à une volonté. Condamnation des propositions 46, 47, 48 de Baïus.

Si l’on ne doit point faire abstraction d’une volonté dans la définition du péché originel, l’on doit penser seulement à la volonté pécheresse d’Adam et non pas à une volonté strictement personnelle comme source de péché. L’enseignement authentique de l’Église n’identifie nullement péché originel et péché actuel : l’un est contracté sans consentement, tandis que l’autre est commis avec consentement. Voir la décrétale d’Innocent III, citée col. 457.

De ces indications il résulte que le péché originel est un péché véritable, mais tout différent d’un péché actuel ou habituel ordinaire, car il n’est dans celui qui n’est pas baptisé ni une faute actuelle, ni une relation à un péché actuel antérieurement commis par l’âme non baptisée, mais simplement un état de désordre moral, qui dit relation seulement au premier péché actuel qu’Adam chef de la race a commis ; ce péché véritable fait perdre à la nature humaine sa