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PÉCHÉ ORIGINEL. TRANSMISSION


non seulement condamnée aux peines de la vie et de la mort du corps, mais souillée du péché qui est la mort de l’âme (can. 2). — Ce péché, unique par son origine, transfusé en tous par propagation héréditaire, non par imitation, existe en propre dans chacun des fils d’Adam et n’a d’autre remède que le mérite de l’unique médiateur, Jésus-Christ, mérite dont le baptême fait une application tant aux adultes qu’aux enfants (can. 3). — Dans cette transfusion, la génération a un rôle décisif : c’est bien par ce moyen que tous les enfants contractent le péché originel, même ceux qui sont nés de parents chrétiens, et c’est bien pour ce péché contracté par la génération qu’ils sont purifiés dans la régénération du baptême (can. 4).

On remarquera, d’une part, que le concile n’a pas défini de quelle manière précise nous sommes tellement solidaires avec Adam qu’il y ait transmission d’une faute de lui à nous ; mais, d’autre part, en nous disant que le péché nous est transmis par la génération qui nous relie à la vie du chef de famille, et que, normalement, ce péché s’étend à tous les hommes, son enseignement semble bien entraîner comme conséquence nécessaire l’unité d’origine de la famille humaine. La solidarité morale en Adam qu’enseigne saint Paul suppose comme fondement la solidarité physique de race. Aussi ne faut-il point s’étonner que les Pères du concile du Vatican aient vu l’unité de descendance impliquée soit dans le dogme catholique du péché originel, soit dans le dogme de la restauration universelle en J.-C., et aient pensé à définir cette vérité. Voir col. 568.

Ainsi, cette double solidarité de race, attestée par l’enseignement dogmatique, « ne laisse pas de place à l’hypothèse d’une humanité préadamite ayant coexisté avec la postérité d’Adam. Moins évidemment contraire au dogme serait l’hypothèse d’après laquelle Dieu aurait préludé à la création de notre race par la création d’autres races plus ou moins semblables, mais n’ayant avec celle-ci aucune connexion, non plus que si elles avaient existé sur d’autres planètes et d’ailleurs éteintes avant l’apparition d’Adam. Mais la Genèse ne nous met nullement sur la voie de cette idée. » A. d’Alès, art. Homme, dans Diction, apol., t. ii, col. 460.

b) Précisions théologiques. — De ce fait dogmatique de la propagation du premier péché d’Adam, les théologiens se sont efforcés de pénétrer le mystère. Saint Augustin en demandait l’explication à la concupiscence actuelle, c’est-à-dire à la passion qui accompagne l’acte générateur. Ou bien, en se plaçant dans l’hypothèse traducianiste, il disait que, souillés dans le corps et l’âme, les pareil I s I ransinet I aient à l’enfant, avec le corps et l’âme, leur souillure. Ou bien, du point de vue créatianiste, il admettait que le corps, souillé dans l’acte même de la génération par la concupiscence, transmettait ii l’âme sa souillure au moment de l’infusion de celle-ci dans le corps.

Depuis saini Thomas, on a vu l’insuffisance di conceptions physiologiques qui impliquent une idée pessimiste de Pi génération. Avec lui, les théologiens

reconnaissent que, dans le plan actuel de la Provl dence. la génération demeure, comme elle l’aurait clé avant la chute, le véhicule de la ie corporelle et la condition préalable de la transmission « le Pi vie spirituelle, h est convenable que la nature se propage telle qu’elle est au moment de la génération. Avant la

chute, la général ion servait de condition préalable pour

la transmission de la nature, telle que Dieu l’avait Instituée, avec ses privilèges gratuits ; après la chute, piir hi faute d’Adam, qui avait privé la nature di privilèges, elle la transmet telle qu’elle es’, malheu reuse et pécheresse.

Mais nous ne tenons par pi que la CaUSC instruineii

taie de la transmission du péché originel. Il reste à expliquer sa cause profonde, à dire comment ce qui paraît le plus incommunicable, le péché, peut passer de père en fils ; ce cas, c’est l’unité physique, la solidarité de la race qui, avec l’institution primitive de l’état surnaturel, explique la solidarité morale de tous dans le péché d’Adam. Voir surtout col. 475 sq.

2. Fondement de cette doctrine.

Il ne peut être dans la raison : il se trouve dans le texte classique de saint Paul. L’exégèse moderne en approfondit le sens. L’Apôtre y affirme nettement qu’Adam fut source non seulement de mort, mais de péché pour sa race. L’histoire des dogmes ne permet pas de douter que tous les Pères aient tenu pour héréditaires les peines du péché d’Adam. Ils ont pu être plus ou moins nets touchant l’affirmation de l’hérédité de la faute. Mais s’ils n’ont pas toujours vu clairement cette vérité, ils ont posé nettement les prémisses qui l’impliquaient logiquement. Saint Augustin n’est pas le père du péché originel. Avant lui, dans l’Église grecque comme dans l’Église latine, les docteurs ont enseigné l’existence de ce péché. Le grand évêque n’avait donc pas tort d’en appeler à la tradition ancienne patristique et liturgique pour affirmer le fait du péché héréditaire.

3. Ses rapports avec la raison.

Si la raison ne peut fournir du fait de la propagation du péché originel une preuve intrinsèque, elle peut défendre cette doctrine révélée contre les attaques rationalistes et l’illustrer par des analogies.

a) L’une des difficultés les plus sérieuses pour un savant moderne est d’accorder avec le transformisme supposé vrai le monogénisme strict, c’est-à-dire notre descendance commune à partir d’un couple unique.

D’une part, pour les raisons indiquées plus haut, l’Église tient à cette descendance d’un couple unique, d’autre part, « pour des raisons de probabilité et aussi d’anatomie comparée, la science laissée à elle-même ne songerait jamais (c’est le moins qu’on puisse dire) à attribuer une base aussi étroite que deux individus à l’énorme édifice du genre humain ». Teilhard de Chardin, Que faut-il penser du transformisme ? dans Revue des questions scient.. 1930, p. 95.

Voilà le problème nettement posé ; dans quel sens faut-il en chercher la solution ? Pour aller au devant de cette solution, le théologien se rappellera d’abord avec confiance qu’il ne peut y avoir, selon le concile du Vatican, de véritable opposition entre la raison et la foi, mais que toute apparence de contradiction provient ou bien de ce que nos dogmes ne sont ni compris, ni exposés au sens où ils sont entendus par l’Église, ou bien de ce que de purs fantômes d’opinion sont faussement tenus pour des données de la raison. Il se dira, avec le spécialiste des origines qui vient délie cité, qu’en matière d’origines humaines « la science a encore beaucoup à trouver et les catholiques

beaucoup à penser ». il cherchera avec confiance et patience des deux côtés. Il ne s’étonnera pas que le saani dise les faiis qu’il constate et les Interprète Butvant la méthode qui lui est propre, qu’en co quence ses recherches et ses méthodes ne le mènent

sûrement ni à Pi solution monogénlste, ni à la solulion polygéniste ; le savant peut se tenir en deçà des conclusions du théologien, car celui-ci. en partant des principes el (les lumières qu’il lient de sa foi. peut aller

légitimement au delà des affirmations scientifiques L’affirmât ion de l’unité physique de l’humanité déchue par descendance d’un couple unique peut n’apparaître « pie possible, ou vraisemblable, ou probable, aux yeux du savant, d’après ses principes et ses méthodes siricteineiii scientifiques, el être dogmatiquement certaine pour le théologien L’essentiel, c’est que les terrains soient bien délimités, que le théologien ne puisse mériter le reproche d’aller a rencontre des