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    1. PÈCHE ORIGINEL##


PÈCHE ORIGINEL. LE RATIONALISME CONTEMPORAIN

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Dieu chez les primitifs ? D’où viennent les éléments qui s’intègrent en cette notion ? D’où vient surtout leur étonnante synthèse ? Impossible, pour le moment, de donner une réponse positive et scientifiquement certaine à cette question. La réponse ne relève pas seulement de la méthode ethnologico-historique, mais d’autres disciplines. « Que la religion ait existé avant les (nos) primitifs, et que la forme que nous lui voyons chez eux représente déjà le terme d’une évolution de durée scientifiquement inconnue, c’est ce qui ressort positivement du fait que nos primitifs nous offrent déjà le spectacle de civilisations différenciées..Mais l’étude de cet état antérieur relève de disciplines autres que l’ethnologie, à savoir la philosophie et la théologie. » P. 9. Voir aussi Pinard de la Boullaye, t. ri, p. 276-281.

En résumé, l’ethnologie ancienne prétendait résoudre le problème des origines de la religion par un évolutionnisme progressif qui éliminait la solution chrétienne d’une perfection relative de l’humanité à ses origines et d’une déchéance. Elle ne le faisait qu’au nom de conceptions à priori.

L’ethnologie moderne, en essayant de montrer, chez les primitifs, une religion relativement pure, ne résout pas le problème des origines. Elle reconnaît son incompétence sur ce point. Mais elle laisse la porte ouverte aux investigations et aux affirmations de la philosophie et de la théologie. En reconnaissant les idées relativement élevées des primitifs sur Dieu, elle nous aide à concevoir, à l’origine, dans un milieu où la culture matérielle était à ses débuts, et la simplicité de vie très grande, la possibilité, la vraisemblance d’une perfection spirituelle d’où l’humanité aurait pu ensuite déchoir par l’abus de sa liberté. Par l’orientation vers laquelle tend cette discipline, elle se trouve non seulement enlever aux objections de l’ancienne anthropologie leur force, mais nous aider à accueillir la révélation.

/II. LES OBJECTIONS TIRÉES DE L’EXÉGÈSE ET DE l’histoire des DOGMES. - 1° L’exégèse. - Les exégèles indépendants tiennent pour un mythe le récit de l’innocence et du péché dans la Genèse, et pour des conclusions illusoires les vérités qu’on en a déduites. Ainsi Gunkel, Genesis ; ainsi A. Lods dans Israël des origines au milieu ilu VIIIe siècle, l’aris, 1930 ; de même Audtn, La légende <les origines île l humanité :.latinisme. éditions Rieder, l’aris. 1932. Voir aussi I.oisy : Les mythes babyloniens et les premiers chapitres de la Genèse, l’aris. 1901. I.e même auteur écrit dans La religion d’Israël, l’aris, 1908, p. 28 : L’histoire yahwiste a un premier cycle de légendes concernant les origines de l’humanité : véritable mythologie dont la provenance étrangère ne fait pins de doute, bien que

la tradition Israélite en ait corrigé le polythéisme el

qu’elle ait, dans une large mesure, adapté les récits a son propre génie

v. I.ods nsume bien la pensée courante dans les milieux indépendants : La première forme sous laquelle s’exprime, à travers l’humanité tout entière, le besoin d’assigner des causes aux faiis qui frappent

l’attention est le mythe. C< que nous expliquons par une hypothèse scientifique ou par une spéculation abstraite, les peuples enfants en rendent compte par une aventure concrète qui doit s’être déroulée aux

origines… Ces réeils se sont transmis aux époques les plus évoluées, qui. les tenant pour de l’histoire stricte, les nui respectueusement conserves et les ont Interprétés en les amplifiant… Les Israélites n’ont pas échappé a l.i loi commune C est sous la forme d’antl ques mythes adaptés a la religion de Yahwé qi présentent jusqu’à nous leurs premiers i sais de plu losophie religieuse. Op. cit., p..v>7’. A la partie yahwlste de la l se, se rattache I hti

toire du paradis perdu. Pour la comprendre telle que la comprenaient ceux qui l’ont d’abord racontée et écoutée, il faut faire abstraction des sombres et grandioses théories que les théologiens juifs et chrétiens ont rattachées à cette page dont ils ont fait la pierre angulaire de leur système du salut du monde. Ce que les anciens Israélites cherchaient dans ces sortes de récits, c’était l’explication des faits énoncés dans la conclusion : la conclusion ici est formée par les sentences que Dieu prononce contre chacun des coupables. Pourquoi l’homme doit-il peiner jusqu’au jour de la mort pour arracher son pain à une terre maudite ? Et la réponse c’est que l’homme a acquis le discernement par une désobéissance, contrairement à la volonté de Dieu qui ne veut pas que l’homme, fait de terre, soitl’égal des Élohim. Autrefois, l’homme possédait le bonheur dans le jardin divin, mais n’avait qu’une raison d’enfant : puisqu’il est devenu comme un Élohim par l’intelligence, il a fallu qu’il fût privé du bonheur, il a fallu qu’il fût éloigné de l’arbre de vie, car, s’il avait ajouté l’immortalité à la connaissance, il serait devenu un Élohim complet. Or, cela ne doit pas être. L’Israélite trouve normal et juste que Yahwé s’oppose à tous les empiétements que l’orgueil humain ose tenter sur les privilèges des êtres divins. » « L’idée maîtresse du récit n’est pas d’origine purement hébraïque, elle était familière aux Babyloniens (mythe d’Adapa). Ce qui paraît être l’apport personnel du conteur israélite, c’est la peinture si fine et si parfaite du développement graduel de la désobéissance. Cette importance attachée au côté moral du récit, annonce, et, si l’on veut, justifie, dans une certaine mesure, l’interprétation dogmatique qui, dans cette page, ne verra plus que le péché des protoplastes et en fera l’événement le plus grave de l’histoire humaine : la chute, cause de l’introduction de la mort dans le monde, tandis que, pour l’antique narrateur, le péché n’intervient que comme un moyen d’explication, non comme chose à expliquer et que, pour lui, la mort, c’est-à-dire le retour à la terre, est le terme normal de l’existence d’un être qui, lui-même, est terre. »

.1. Tunnel, Histoire des dogmes. I. Le péché originel et la rédemption. Paris. 1931, ne se contente pas d’alfirmer le caractère mythique du récit de la chute : il l’assimile au mythe de Pandore, prétend que, dans la Sagesse, les passages où il est question de l’entrée de la mort dans le monde par le péché M’Adam sont des interpolations chrétiennes. P. 21. Dans le Nouveau Testament, le dogme de la chute serait resté en dehors de la perspective de Jésus, de Paul et des premiers chrétiens ; sans doute, ceux-ci ne rejetaient pas l’histoire d’Eve et du serpent, mais ils n’y pensaient pas. C’est Marcion qui, en Interpolant l’épi i re aux Romains, a imposé à l’Église le dogme de la chute : Le péché originel apparaît pour la première fois dans l’épîtrc aux Romains. Là il se présente comme l’œuvre du Créateur cruel ; il est un corollaire de la théodicée dualiste. » P. 34. Cette hypothèse fantaisiste, inspirée par une crise aiguë de marcionisme. n’aura, espérons le. aucun écho chez les véritables critiques.

2° L’histoire des dogmes. Dans sa préface à l’Histoire des dogmes, le même Tunnel prétend devoir à trois théologiens catholiques : Estius, Petau et Gai

nier, son Initiation à l’histoire des variations, dans

l’Église, du dogme du péché originel. P. ~ 10. La der nlère de ces variai ions, la plus profonde, serait celle

qui aurait pour an leur le cardinal Billot. Ce théologien

catholique aurait fait en sourdine œuvre de novateur et nié que le péché originel fût un péché proprement dit. Ainsi ces variations dans l’exposition de l.i loi seraient une marque de fausseté el d’inconséquent es

dans la doctrine exposée.