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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. LE RATIONALISME CONTEMPORAIN

II. IES OBJECTIONS DE L’ETBNOWQIE ÊVOLVTION-NISTE. 1° Exposé. Les ossements fossiles et les

traces laissées par l’activité Intelligente des premiers hommes ne suffisent pas à nous taire pénétrer bien avant dans le psychisme de ceux-ci. Pour mieux comprendre leur mentalité, les savants en appellent à l’ethnologie des peuples actuels, dits primitifs. Les religions de ces peuples, étant donné que ceux ci sont des attardés, reflètent avec plus de fidélité les idées cl les sentiments qui furent ceux de l’humanité à l’origine. C’est à travers l’aine de ces primitifs que l’on peut saisir quelque chose de la mentalité originelle.

Or, cette mentalité, d’après l’ancienne ethnologie, loin d’avoir été parfaite à l’origine et d’avoir connu ensuite la déchéance, aurait d’abord été grossière et barbare et aurait émergé petit à petit de l’animalité. Un postulat philosophique, agnostique, évolulionniste a dominé et commandé l’interprétation donnée par un grand nombre de savants aux faits ethnologiques. A les en croire, l’humanité s’est dégagée lentement de l’animalité au point de vue spirituel comme au point de vue corporel : il y a eu évolution du plus bas au plus parfait et uniformité dans cette évolution. Les formes les plus élémentaires de la vie religieuse que l’on découvre chez les sauvages doivent représenter le plus exactement la vie religieuse à ses origines. Sous l’influence de ces présupposés, on établit les phases successives du développement de la religion ; on peut varier sur l’élément prépondérant du sentiment religieux aux origines (fétichisme, manisme, animisme, mythologie astrale, totémisme, magisme) sur la manière d’établir les formes successives des séries évolutives de la religion ; c’est toujours pour aboutir. au même résultat nihiliste sur la valeur de celle-ci Ainsi par exemple, selon E. B. Tylor, Primitive culture, 2 vol., Londres, 1872 ; Anlhropology : An introduction to the study oj man and civilisation, Londres, 1881, l’homme s’est élevé petit à petit, porté, comme le sauvage, par la tendance à tout animer autour de lui, de la croyance rudiment aire aux esprit s, jusqu’aux croyances supérieures. L’évolution de la tendance fondamentale et primitive de l’animisme a suscité progressivement l’idée d’âme, d’esprit, la personnification des forces de la nature, l’idée des dieux multiples (polythéisme), enfin, par voie de concentration, l’idée d’un Dieu suprême. Ainsi le monothéisme ne présente qu’un moment tardif de l’évolution. Voir Dict ionn. apol., art. Religion, col. 876-884 ; Pinard de la Boullaye, L’étude comparée des religions, 2 vol., Paris, 1922 et 1925, t. i, p. 357-370 ; t. ii, p. 183-219 ; W. Schmidt, Origine et évolution de la religion, Paris, 1931, p. 105-124.

Lévy-Brùhl, dans ses quatre ouvrages : Les jonclions mentales dans les sociétés inférieures, Paris, 1910 ; La mentalité primitive, Paris, 1922 ; L’âme primitive, Paris, 1927 ; Le surnaturel et la nature dans la mentalité primitive, Paris, 1930, explique la mentalité primitive par une théorie volontariste et sociologique de la magie : « Le primitif ignore la pensée logique régie par le principe de causalité. Sa pensée est foncièrement prélogique et préconceptuelle, c’est-à-dire qu’elle ignore les idées générales et le vrai raisonnement… Les primitifs rattachent tout à des causes mystiques ; la maladie et la mort ne sont jamais naturelles pour eux… etc. « Voir Schmidt, op. cit., p. 174-175. Bref, chez les peuples sauvages, le vaste domaine de la pensée et de l’action rationnelle est négligé. (Ce système du prélogisme a été justement critiqué ; voir (). Leroy, l.a raison primitive, Paris, 1927 ; Baoul Allier, l.e non civilisé et nous, Paris, 1927 ; A. Goldenweiser. lù/rly civilisation, New-York, 1922.)

Observations.

Il est évident que l’ethnologie

ainsi conçue est en opposition complète avec la doctrine catholique touchant la perfection primitive de

L’homme et sa déchéance originelle. Mais nous assistons depuis trente ans. semble-t-il, au déclin de cet évolutionnisme ethnologique rigide, et à la progressive reconnaissance par certains ethnologues et historiens récents de la religioti du - grand Dieu i des primitifs. Voir W. Schmidt, "/>. cit., p. 219-275.

La science ethnologique, revenue des illusions de l’évolutionnisme doctrinal, paraît s’orienter d’une façon décisive dans un autre sens avec Fr. Græbner, Méthode der Ethnologie, Heidelberg, 191 1 ; Pinard de la Boullaye, dans l’Histoire comparée des religions, Paris, 2 vol.", 1922-1925 ; 3- éd., 1929 ; W. Schmidt. Der Ursprung der Gottesidee, Munster-en-W., 1912 ; 2e éd.. 1920 ; Die Stellung der Pygmôenvôlker in der Entwicklungsgeschichte der Menschen, Stuttgart, 1910. et Origine et évolution de la religion. Paris. 1931.

La méthode d’histoire culturelle tend à fixer l’ordre d’apparition des grandes civilisations ; elle étudie l’interdépendance des cycles culturels dans l’espace et dans le temps et, après avoir dressé le tableau synoptique des civilisations, elle se pose la question de leur origine. Les savants qui s’inspirent de cette méthode se croient ainsi amenés à reconnaître, dans les couches ethnologiques les plus anciennes, la croyance à un grand Dieu suprême. (Sur l’ancienneté et la diffusion du grand Dieu de la civilisation primitive, sur s a nature, ses attributs et son cuits, voir W. Schmidt, Origine et évolution, p. 312-340.)

De cette constatation se déduisent des résultats importants pour l’étude de la perfection religieuse de l’humanité à ses origines.

1. Nous sommes fondés à exclure toute une série d’hypothèses qui faisaient partir l’humanité des idées les plus grossières pour l’amener lentement à l’idée d’un Dieu suprême. Cette idée ne saurait venir ni de la mylhologie de la nature, ni du fétichisme, ni du manisme, ni de l’animisme, ni du totémisme, ni de la magie. « Deux ordres de raisons s’y opposent : de l’aveu même des partisans de ces hypothèses, l’on devrait concevoir la genèse de la notion d’Être suprême sous forme d’une lente élaboration et placer son apparition au terme d’une longue évolution. Or, c’est tout au contraire chez les peuples les plus anciens que nous la rencontrons. D’autre part, chez ces peuples antiques, les éléments qui, par leur évolution, auraient, dans l’hypothèse, donné naissance à la notion de Dieu suprême, ou manquent tout à fait (totémisme, fétichisme, animisme), ou sont fort peu développés (magie et manisme), tandis que les civilisations plus récentes les offrent en plein épanouissement. Pour la notion d’Être suprême, c’est précisément l’inverse. W. Schmidt, op. cit., p. 351.

2. On ne peut méconnaître l’importance méthodologique de la religion des primitifs pour nous montrer la vraisemblance de la perfection (perfection tout.relative ) de la religion à ses origines, mais il faut dire que la reconnaissance du grand Dieu dans les civilisations primitives ne résoudrait point à elle seule l’énigme des origines de la civilisation et de la religion. Sans doute, les religions des peuples primitifs (entendons les primitifs d’aujourd’hui) ont chance de refléter avec plus de fidélité les idées et les sentiments de l’humanité à ses origines. Mais il faut reconnaître, avec W. Schmidt. » qu’une religion qui n’a pas évolué et qui se trouve depuis si longtemps immobilisée, n’a pas pu ne pas subir un sérieux engourdissement. Nous ne devons pas nous attendre à retrouver dans la religion naturelle des primitifs toute l’intensité de vie et la richesse de formes qu’elle pouvait posséder en sa première nouveauté. Nous devons donc tenir pour assure que la religion actuelle des peuples primitifs n’est pas identique à la religion originelle. P. 310.

Mais quelle peut cire l’origine de l’idée du grand