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PÉCHÉ ORIGINEL. LE RATIONALISME CONTEMPORAIN


de l’Église sur les forces et les faiblesses de la nature déchue.

II. Les difficultés faites par le rationalisme

CONTEMPORAIN" A LA DOCTRINE DU PÉCHÉ ORIGINEL.

— Durant les soixante dernières années, les principes d’un rationalisme indépendant qui refuse de se soumettre au donné révélé, ont continué à inspirer plus ou moins les attitudes d’une bonne partie de nos contemporains dans l’interprétation des faits qu’étudient les sciences nouvelles (paléontologie, ethnologie, préhistoire, exégèse critique et histoire des dogmes) et dans leurs vues philosophiques.

Tandis que l’ancien rationalisme rejetait le « dogme cruel » au nom des exigences du cœur et de la raison s’exerçant sur l’idée de la bonté et de la justice divines, le rationalisme récent repousse la conception chrétienne de la perfection et de la déchéance primitives surtout au nom de la science de l’évolution et du progrès indéfini de l’humanité. Le problème capital des origines de l’homme, remarque M. Boule, « a quitté depuis un siècle et demi à peine les domaines du rêve et de la fiction pour pénétrer dans le domaine de la science ». Les hommes fossiles, Paris, 1923, p. vu. « Sur la question suprême de nos origines, l’enfance de l’humanité n’a eu d’abord d’autres sources d’information que des contes bleus, des légendes, des histoires merveilleuses. Puis l’intelligence humaine s’est développée. Quelques esprits de qualité supérieure ont émis des vues de génie. L’observation froide, dégagée de tous préjugés, a ensuite joué son rôle. Enfin, c’est seulement en ces derniers siècles, au début du règne de la science, que s’est fait jour un peu de vérité. » Op. cil., p. 1.

I. LES DIFFICULTÉS TIRÉES DE L’aXTUROPOLOOIE

préhistorique. — 1° Exposé. — M. Boule, après avoir dressé l’inventaire des principales acquisitions de la paléontologie, d’après l’observation des ossements fossiles et des premiers témoignages de l’activité humaine, iaissés sous forme d’instruments, de sépultures ou de peintures, dans les couches géologiques, croit pouvoir conclure : « que la paléontologie humaine et la paléontologie générale se montrent seules capables de nous faire bien comprendre la vraie place de l’homme dans la nature. > P. 177.

A la lumière de ces sciences et de la psychologie comparée, ce savant conclut à une différence de degré seulement entre les facultés mentales de l’homme et celles de l’animal. De même que le cerveau est beaucoup plus volumineux que le cerveau de l’anthropoïde le plus élevé, de même l’intelligence humaine est très supérieure à l’intelligence du singe, niais toutes les manifestai ions de la première se retrouvent, à un degré moindre simplement, chez la seconde. « P. 151. Cf. p. 152 : « L’homme est très supérieur aux singes les plus devis par le volume et l’organisation de son cerveau. Il en résulte que la production physiologique la plus noble de ee cerveau, c’est-à-dire l’intelligence, est Ici également supérieure. Mais il n’y a qu’une différence de degré et non d’essence. »

Au sujet de l’unité de l’espèce humaine, au nom de cette loi paléontologique, d’après laquelle le dévelop

pement des êtres ne s’esl pas accompli selon des séries

linéaires, mais ; i la façon d’un arbre plus ou moins tOUflu, M. Boule tend vers le pnlygénisme : i Le groupe humain n’a pas fait exception. Il a dû se diiser de bonne heure en plusieurs branches, celles < i eu rameaux, et ces derniers en ramuscules. Si nous parlons en polygénistes, nous dirons que certains de ces rameaux sont arrivés jusqu’à l’époque actuelle ; si nous parlons en monogénistes, nous « lirons que le bloc de l’homo tapiens, avec ses diverses branches, ne forme qu’un seul rame. m. Mais ce que nous ne savions pas,

rameaux encore vigoureux, la

branche humaine a émis autrefois des rameaux aujourd’hui desséchés. » P. 459. « Nous savons qu’il y a eu plusieurs espèces, et probablement plusieurs genres d’hominiens… Il y a eu une branche humaine et cette branche a été beaucoup plus touffue qu’on ne le supposait. » P. 465.

M. Boule confesse d’ailleurs le caractère rudimentaire de nos connaissances sur l’évolution des hominiens. Il faut recueillir cet aveu : « Si les naturalistes donnaient la prééminence aux caractères intellectuels, il n’y aurait pas lieu de séparer à titre spécifique, l’homo Neanderlhalensis des hommes actuels… Certes, l’invention des premiers instruments, la production du feu, sont le résultat de phénomènes intellectuels aussi merveilleux que les plus grandes inventions modernes, qu’elles ont permis d’accomplir. Et, à cet égard, on ne peut se refuser d’admettre la loi de’constance intellectuelle de Rémy de Gourmont ni, jusqu’à un certain point, la doctrine d’unité psychique » de certains anthropologistes philosophes. P. 473. « Il serait très important, pour fixer le point capital de l’évolution de l’humanité, de pouvoir saisir le moment où l’anthropoïde préhumain, arrivant d’un seul coup à la dignité humaine, à laquelle son évolution physique et cérébrale l’avait préparée, a su, d’une part, allumer le feu, et, d’autre part, a su passer de l’acte consistant à se servir d’un caillou brut, à la fabrication d’un instrument. » Sur ces différents points, nous n’avons que des notions vagues. P. 474.

Comment concevoir l’évolution de l’humanité à partir de son état primitif ? Comme un perfectionnement progressif quoiqu’à un certain point de vue discontinu : « Le phénomène de continuité du perfectionnement graduel de l’humanité, depuis l’utilisation du premier silex et du premier foyer, ne saurait donc être représenté par une ligne droite ascensionnelle, mais par une succession de lignes brisées, dont les divers éléments s’articulent à la manière des ramifications de certains végétaux. Cette continuité n’est ainsi que la résultante apparente de progrès partiels et discontinus qui se prolongent en la branche terminale la plus élevée. » P. 476.

Observations.

Il n’est pas difficile de voir en

quoi ces vues générales blessent la doctrine catholique touchant la perfection et la déchéance originelles.

1. Elles éliminent par prétention, en les tenant pour des légendes, les données de la révélation : pour le théologien catholique, la paléontologie humaine n’est pas seule capable de nous faire bien comprendre la place de l’homme dans la nature.

2. Elles s’inspirent de conceptions extra-scientifiques, d’une philosophie à tendance naturaliste, en ce qu’elles jugent qu’il n’y a qu’une différence de degré entre l’homme et l’animal.

D’autres savants comme Cuénot, P. Tcrmier, Teilhard de Chardin, tenant compte non seulement des lumières de la paléontologie, mais de celles de la philosophie ou de la révélation, maintiennent la doctrine de l’unité psychique », reconnaissent les mêmes caractères Intellectuels chez les premiers hommes qu’atteint la science et chez les civilisés actuels ; ils peuvent ainsi admettre la vraisemblance de l’éléva lion de la nature intellectuelle des premiers hommes à un perfectionnement surnaturel que leur enseigne la révélation, ci reconnaître aussi la déchéance Confiants dans ! » conciliation définitive entre la science et la foi, ils travaillent, en reconnaissant les limites des domaines respectifs de celle-ci et de celle-là.

à montrer que les données assurées de la science

ne compromettent nullement les données de la foi bien comprise touchant l’unité de l’espèce

humaine, le perfectionnement de celle-ci et sa