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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. LA RÉACTION ECCLÉSIASTIQUE

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Enfin, Pie IX, en 1870, pour obvier plus complètement aux excès du rationalisme absolu, et redresser certains catholiques qui faisaient écho à cette erreur en confondant plus ou moins la foi et la raison, convoquait le concile du Vatican pour opposer un remède suprême à ces altérations variées de la foi. Voir le prologue de la constitution Dei Filius.

2. Le concile du Vatican.

Le progrès dogmatique, au cours des siècles, s’est fait ordinairement par réaction de l’Église en face des affirmations de l’erreur : les thèses erronées nécessitaient la formulation précise de la vérité traditionnelle opposée. En face du naturalisme pélagien, l’Église avait dû surtout proclamer l’insuffisance absolue de la nature déchue laissée à elle-même pour faire son salut ; plus tard, en face du surnaturalisme outré de Luther et de Jansénius, et de leur erreur sur la corruption foncière de la nature humaine, elle était amenée, au contraire, à préciser les forces qui restent encore à la volonté de l’homme déchu pour accueillir la grâce qui sauve et y collaborer. Depuis toujours, elle faisait confiance à la raison pour exposer et défendre les mystères révélés, sans jamais avoir eu à formuler son enseignement sur la valeur de ses principes ; et voici que la double erreur rationaliste et traditionaliste amène l’Église à promulguer solennellement sa doctrine sur la valeur de la raison dans l’état présent de l’humanité. Le concile du Vatican a fait progresser la doctrine du péché originel non seulement en définissant la capacité des forces rationnelles de la nature déchue, mais en rappelant et précisant certains points de doctrine méconnus ou obscurcis par les contemporains.

a) Les définitions promulguées. — Le concile a défini : 1. La possibilité pour l’homme, qu’on le prenne dans l’état de nature pure ou dans l’état de nature déchue, d’une connaissance naturelle de Dieu par les principes de la raison ; voir const. Dei Filius, c. ii : « Dieu principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude au moyen des choses créées. » 2. La nécessité morale de la révélation dans la condition présente de l’humanité, pour mettre les vérités naturelles, accessibles en droit à l’intelligence humaine, « à la portée de tous, d’une manière aisée, avec une ferme certitude, sans mélange d’erreur, et la nécessité absolue d’une révélation dans le cas historique d’une élévation de l’homme à une fin surnaturelle, c’est-à-dire à la participation des dons qui dépassent tout-à-fait l’intelligence de l’esprit humain ». C’était, en d’autres termes, enseigner l’impuissance morale de l’homme déchu à parvenir universellement, facilement, avec une ferme certitude et sans erreur, à la connaissance naturelle suffisante de Dieu sans un secours d’en-haut, et son impuissance absolue, en toute hypothèse, à parvenir à la connaissance des mystères de la religion surnaturelle. En conséquence, le concile disait anathème, can. 2, « à qui dirait qu’il ne peut se faire ou qu’il n’est pas expédient que l’homme soit instruit par la révélation divine sur Dieu et le culte à lui rendre » ; et can. 3 : « à qui dirait que l’homme ne peut être élevé divinement à une connaissance et à une perfection qui surpasse celle qui lui est naturelle ; mais que, de lui-même, il peut et doit, par un progrès perpétuel, parvenir enfin à la possession de tout vrai et de tout bien ».

b) Les définitions préparées. — Le concile du Vatican se proposait de rappeler ou de préciser en outre quelques points de doctrine concernant le péché d’origine, qui étaient contestés ou obscurcis par les erreurs contemporaines. Il est utile de connaître ces points examinés par les Pères, quoique le concile ne les ait pas promulgués. Leur étude nous révèle la doctrine commune à cette époque, mais non point une doctrine définie.

On dénonce d’abord le principe des erreurs contemporaines concernant l’anthropologie révélée : c’est le dogme de l’indépendance de la raison. Schéma Dr doctrina christiana, c. xv. dans Mansi-Petit, ConciL, t. L, j). 70. On énonce ensuite, au nom de la révélation, le fondement de cette anthropologie : la commune descendance à partir d’Adam et d’Eve de la famille humaine. C. xv. Lee. xvi rappelle la doctrine traditionnelle de ordine supernaturali et statu originali* juslitiæ. Le c. xvii résume d’abord la doctrine définie au concile de Trente sur le péché originel, son existence et sa propagation, et le dogme de l’Église sur le privilège de l’immaculée conception, puis condamne comme hérétique la doctrine des semi-rationalistes selon laquelle le péché d’origine ne deviendrait un véritable cl propre péché pour chacun que par le consentement personnel à l’entraînement de ce péché, et ne devrait nullement être défini en tenant compte de la privation de la grâce sanctifiante : reprobamus sub anathemate eorum doclrinam hæreticam qui dicere ausi fuerinl in Adæ posteris non esse verum ac proprium peccatum, nisi ab ipsis per suum actualem consensum peccando comprobetur, vel qui negaverinl ad ralionem peccati originalis pertinere privationem sanctificanlis gratise quam primus parens libère peccando pro se suisque posteris perdidit. P. 72.

Les notes ajoutées au schéma précisent encore le sens que les Pères attribuent à ces propositions. La commune origine de toute la famille humaine, par rapport à un couple unique, y est proposée comme fondée dogmatiquement non seulement sur le sens exprès de l’Écriture, mais encore sur l’implication profonde de cette doctrine dans le dogme de la déchéance universelle du genre humain et dans celui de son universelle restauration. P. 108. C’est une erreur sur la constitution de l’état de justice originelle qui entraîne l’erreur touchant la nature du péché originel. C’est, en effet, parce qu’ils négligent la grâce sanctifiante dans la description de l’état primitif, pour ne voir en lui que la subordination de la sensualité à la raison, que certains auteurs récents (Hermès par exemple) mettent toute la définition du péché originel dans la concupiscence désordonnée et ne veulent point faire une place à la privation de la grâce sanctifiante dans cette définition.

En résumé, les Pères entendent surtout proposer la définition de deux points : 1. la déchéance originelle a un véritable caractère de péché avant toute adhésion positive et personnelle à la concupiscence. 2. Il faut faire place, dans la définition du péché originel, à cette grâce sanctifiante que le premier homme, en péchant librement, a perdu pour lui et pour ses descendants. Il est à remarquer, enfin, que, si la privation de la grâce sanctifiante est en connexion intime avec le péché originel, il n’est pas enseigné qu’elle en soit l’essence : les Pères savent bien, et ils le disent, qu’il y a entre les théologiens catholiques diverses manières de s’exprimer qui laissent le dogme intact. Celui-ci, en effet, reste sauf aussi longtemps que l’on affirme une nécessaire connexion de la privation de la grâce et du péché originel. P. 115.

Bref, le projet du concile du Vatican ne prétend nullement identifier la privation de la grâce sanctifiante avec la définition adéquate du péché d’origine ; il sait la divergence des opinions des théologiens touchant la description de l’essence de ce péché. Pour écarter les erreurs du semi-rationalisme, il prétend seulement que le péché originel est un véritable péché, et que la privation de la grâce n’est point étrangère.i ce péché : là où il y a état de péché originel, il > a nécessairement privation de la grâce sanctifiante.

Le concile a fait surtout effectivement progresser la doctrine du péché originel, en définissant la doctrine