Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/288

Cette page n’a pas encore été corrigée
561
562
PÉCHÉ ORIGINEL. LE NATURALISME DU XIXe SIÈCLE


s’attacheraient au prophète qui venait les libérer de l’obsession du péché, les affranchissait des certitudes objectives de la raison et de la foi et leur prêchait une religion de la nature en conformité avec les exigences du cœur. Rousseau est l’un des maîtres en qui l’on entend le mieux l’une des « affirmations essentielles de la conscience moderne ».

II. LES INFILTRATIONS DU RATIONALISME NATURA-LISTE DANS LE PROTESTANTISME LIBÉRAL : SCHLEIER MACHER (1768-1834). — Tout comme Rousseau, Schleiermacher donne à sa dogmatique une base subjectiviste et rationaliste, celle de l’expérience religieuse. Selon lui, « les dogmes ne sont que des expressions de la conscience chrétienne ou de l’expérience intérieure du chrétien ». La foi chrétienne, traduclion D. Tissot, t. i, Paris. 1920, p. 141.

De ce point de vue, il ne veut pas discuter le sens précis de la Genèse. Laissant de côté les questions d’interprétation et de critique, il ne cherche, dans ces pages antiques, que l’histoire de la naissance du péché. La valeur des récits est, pour lui, toute symbolique. L’expérience le met en face d’une nature humaine toujours semblable à elle-même ; quelque difficulté qu’on ait à se représenter la condition d’Adam, il faut reconnaître qu’Adam, en sa qualité d’homme, possédait deux éléments inhérents à son espèce : la perfection originelle et la peccabilité originelle.

En vertu de la perfection originelle, il possédait non seulement la conscience de Dieu, mais tout ce qu’il fallait pour le libre développement de cette conscience. Cette conscience s’alliait, toutefois, chez lui, avec la conscience de la vie sensible. Une lutte entre ces deux consciences était inévitable et la victoire pouvait se décider, à un moment donné, dans un sens ou dans l’autre. Adam était sujet à un changement de dispositions intérieures, moindre que le nôtre, puisque sa vie était plus simple, mais suffisant pour que la puissance de la volonté et de l’intelligence ne fût toujours égale et pût défaillir. Op. cit., p. 170. Schleiermacher ne veut pas définir, avec la Genèse et les Pères, la perfection originelle par l’existence en Adam de dons surnaturels qui auraient été ensuite perdus : « Le dogme d’un changement radical opéré dans l’humanité par le premier péché des créatures n’est ni réclamé, ni formulé par la conscience chrétienne. Si, guidé par elle, nous n’avons pas imaginé avant la chute un idéal de perfection perdu dés lors, parce que nous savions que plus on élevait l’idéal, plus on rendait la tentation inexplicable, nous n’avons pas besoin non plus de supposer qu’une révolution ait altéré les conditions de l’espèce… Adam et Eve ne sont ainsi que les premiers técheurs et leurs actions que les prémices des nôtres. L’individu n’a pas corrompu la nature, et la nature l’a pas corrompu l’individu. Op. cil., p. 166-1 G7.

Le péché demeure cependant un désordre qui fait serdre à la volonté quelque chose de sa vigueur native. Il est un accident qui trouble le développement normal de la conscience que nous avons de Dieu. Ce fait du péché est, d’une part, dépendant, d’autre part, indépendant de nous-mêmes ; il trouve son explication en dehors de nous et en nous. Il y a donc, d’une part, un héritage ou mieux une influence héréditaire qui nous entraîne. Le mal est d’abord indépendant de nous, pour devenir ensuite notre faute en passant par notre volonté.

on appelle péché originel l’influence mauvaise qui nous est transmise du dehors et dans laquelle se cache le mot if de nos fautes, el péché aetuel l’auvre

de la volonté par laquelle on s’abandonne a cette Influence. La doctrine du péché actuel sortira tout entière de la conscience individuelle : pour le péché originel, nous interrogeons la conscience humaine. Ces Idées de lieu et de temps jouent leur rôle dans la ques

tion. Quant à la première, le péché originel de chacun est partie intégrante de celui du monde qui nous entoure, le terme désignant la famille, la tribu, le peuple ou la race… Quant à la seconde, le péché originel d’une génération trouve son motif dans celui des générations précédentes et devient à son tour un motif pour l’avenir… En vertu de ces rapports, l’individu est en cette question le représentant de l’humanité ; elle se concentre en quelque sorte dans sa personne et aboutit à son être. » Op. cit., p. 159. Ainsi conçu, le péché originel se développe dans des proportions effrayantes, puisque c’est un héritage qui s’augmente de génération en génération, à tel point que, sans la venue du Rédempteur, l’humanité devenait l’esclave de la chair.

Dans la logique de ce point de vue, tout péché est originel dans un sens, en tant qu’il résulte d’une influence héréditaire, actuel dans l’autre, en tant qu’il est un acte produit par la volonté. En définitive, le péché originel nous apparaît comme la faute de l’espèce entière. Il engendre dans l’homme une complète incapacité pour le bien, nous laisse une capacité de recevoir la rédemption. Schleiermacher n’accepte pas l’hypothèse qui représente le péché originel comme une peine, « car il se confondrait, dit-il, avec le châtiment ; or, celui-ci doit suivre la faute, et, dans le cas supposé, cela ne serait plus. » P. 159.

Tout ce système, notre auteur le reconnaît, ne fait pas dépendre le péché originel de la première faute commise par les premières créatures ; il n’y a, pour lui, aucun intérêt dogmatique à affirmer cette hypothèse. Il transpose le sens des formules ecclésiastiques reçues en cette matière. « L’imputation du péché d’Adam consiste en ce que tout individu, à sa place, eût agi comme lui, et qu’Adam, à son tour, transporté parmi ses descendants, eût imité leur conduite. Tous sont coupables au même titre et au même degré. On appelle la première transgression le péché originel : c’est-à-dire qu’on le considère comme une cause ; et l’état qui en résulte, le péché actuel ; c’est-à-dire qu’on le considère comme un elf et ; mais on a tort de donner le même nom à une disposition intérieure et à l’acte produit par elle. » P. 171.

Ce système, est-il besoin de le dire, ne laisse rien subsister de la doctrine traditionnelle sur l’élévation à l’état surnaturel et sur le péché originel. Elle identifie le péché originel avec l’hérédité mauvaise qui peut s’exercer plus ou moins, suivanl les cas, de génération en génération ; ce péché n’est ainsi rien d’autre que les dispositions héréditaires, la peccabilité innée laissée en nous par l’influence des générations antérieures et qu’exploite notre volonté pour en tirer ses résolutions et ses actes peccamineux. Le péché d’Adam n’a pas plus d’influence sur ses descendants que les autres péchés.

/II. LES INFILTRATIONS OU RATIONALISME NATU-RALISTE CHEZ QUELQUES THÉOLOGIENS CATIIO-LtQUBS : HERMÈS († 77$1-$2831) ET QUNTHER (17831863). — Ces deux théologiens, sous prétexte de donner une meilleure intelligence du dogme, minimisent les données de la foi ou les déforment, pour mieux les concilier avec I’s exigences de la raison moderne. Parmi les erreurs d’Hermès, Grégoire XVI a signalé -es vue « pari iculières « sur la condition de nos premiers parents, le péché originel et les forces de l’homme déchu … Denz.-Ban., n. 1620.

Au fait, en ident i liant de (nul point l’étal de justice el d « sainteté du premier homme avec le parlait équilibre de toutes ses facultés. <t en ne taisant point à inclinante, eu cet état, Imite la place qui lui revient, Hermès était logiquement amené a négliger la peile de la grâce s, met itianle dans la description du péché originel, el a denier, plus ou moins expi ment, à ce péché le caractère de faute tonnelle i.