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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. LE NATUHAI.ISM I. MODERNE

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damnation ecclésiastique. Elle est, toutefois, aujourd’hui, complètement abandonnée. (Voir cependant Nicolas.Merlin, Saint Augustin et 1rs dogmes du péché originel et de la grâce, Paris, (931.)

5° L’école thomiste. - A Côté des idées augustiniennes, prépondérantes aux wirel xvin » siècles, qui accentuent plus que de raison les ravages faits dans la nal ure humaine par la faute originelle, les conceptions thomistes, moins étroites, continuent cependant à S’affirmer. Elles trouvent leurs plus illustres représentants chez les Salmanticenses et chez les grands théologiens de l’école dominicaine : Gonet et Billuart. Cependant, une partie de cette école, en la personne de Lemos, Contenson, Gazzaniga, adoptent un augustinisme atténué. Il suffira de résumer ici les positions principales des théologiens de Salamanque très attachés aux principales thèses de saint Thomas ; voir Cursus theologicus, De vitiis et peccatis, disp. XIV-XVIII, édit. Palmé, t. viii, p. 13-451.

A la suite de leur maître, ils tiennent l’existence et la propagation du péché originel comme des vérités qui dépassent les forces de la raison pure. Quoique les misères de cette vie nous offrent des signes probables d’une faute originelle, jamais l’intelligence humaine, laissée à ses seules forces, n’a pu découvrir la racine de nos maux. La connaissance de la faute originelle et de ses conséquences dépend en fait de la connaissance du plan divin à laquelle nous accédons par la révélation. Disp. XIV, p. 13. En commentant saint Thomas dans le sens de Catharin, ils expliquent la propagation du péché originel à l’aide d’un acte, en vertu duquel Dieu établissait Adam mandataire du genre humain, et par une transfusion de nos volontés dans celle de notre premier père, qui faisait ainsi de sa désobéissance notre propre désobéissance. Disp. XIV, n. 35, p. 28. Ils croient, à tort, pouvoir appuyer cette théorie par le texte du De mulo, ibid., n. 43, p. 31. Avec plus de raison, ils s’écartent ailleurs de la position de l’Ange de l’École, en proclamant leur adhésion à l’immaculée conception. Disp. XV, p. 85-220.

En revanche, ils s’attachent très fidèlement à sa doctrine sur le caractère de la concupiscence et l’aspect purement privatif du péché originel. Avec saint Thomas, ils rangent la concupiscence, c’est-à-dire la lutte de la chair contre l’esprit, à côté de la mortalité et de l’ignorance, parmi les infirmités naturelles qui tiennent aux principes constitutifs de l’homme ; aussi ne s’étonnent-ils point qu’en vertu de sa constitution même l’homme, laissé à ses seules forces dans l’état hypothétique de nature pure, soit faible moralement en face des assauts de l’appétit sensible. Disp. XVI, dub. i, p. 221-222. Ainsi, dans l’état de nature pure, l’homme aurait été en butte aux mêmes passions, aux mêmes défauts ou misères qu’aujourd’hui et, dans l’état de nature déchue, il se retrouve, dépouillé qu’il est de la grâce et des autres dons qui la perfectionnent, dans la nudité où il aurait pu être constitué à l’état de nature pure, avec cette différence qu’actuellement il reste ordonné au surnaturel et se trouve en un état coupable et pénal. Disp. XVI, § 2, n. 11, p. 225, et commentaire de la question i.xxxv, n. 11, p. 331-334. C’est dire que le péché héréditaire n’entraîne la transmission d’aucun élément psychologique positif dans la substance de l’âme déchue ni dans ses facultés, particulièrement dans sa volonté. Il laisse simplement la nature à ses forces débridées et à ses faiblesses, sans le frein salutaire mis gratuitement par Dieu à sa disposition pour y faire l’harmonie. Il consiste simplement en une privation de la justice originelle. Disp. XVI, dub. ii, p. 229, et dub. iii, p. 238. C’est bien la pensée du.Maître que défendent ici ses disciples. A la suite de Soto. ils pensent pouvoir identifier adéquatement la privation de la justice originelle, en quoi consiste

l’essence du péché originel, avec la privation du privilège qui était comme le fondement, la source, la racine de tous les autres : c’est-a (lire la grâce habituelle, et, ce faisant, ils croient défendre la véritable pensée de saint Thomas. Voir disp. XVI, n. 50, p. 210 ; disp. XVI, dub.. ii. 113, p. 273 : Dicendurn est propriam et formatent rationem constitutioam peccati originalis esse privationcm gratin l’oluntariam nobis ex vi peccati Adami.

lue notion purement privative de l’essence du péché originel entraîne par le fait le caractère purement privatif de la peine attachée à ce péché. Les enfants qui meurent avec le seul péché originel ne connaîtront d’autre peine de ce péché que la privation de la vision béatifique, et, de cette peine, ils n’éprouveront aucune tristesse. Disp. XVIII, dub. iii, n. 94-103, p. 440-444. Les Salmanticenses placent sans doute ces enfants dans l’obscurité des limbes, et ils n’osent, avec Catharin et d’autres, dire qu’après la résurrection ils habiteront sur la terre, mais ils maintiennent que ces petits ne souffriront pas. Disp. XVIII, dub. iii, n. 107, p. 446.

Telles étaient les positions de l’école thomiste sur le péché originel aux xviie et xviiie siècles ; elles allaient s’imposer de plus en plus dans l’enseignement au xixe siècle, et faire abandonner peu à peu les théories sévères de l’augustinisme.

IX. AFFIRMATIONS DE L’ÉGLISE ET DES THÉOLOGIENS EN FACE DU NATURALISME MODERNE. — Du ive au xviiie siècle, les hérétiques, pélagiens, protestants, jansénistes, ont pu attaquer la doctrine traditionnelle sur le péché originel ; ils gardaient néanmoins ce point de contact avec l’orthodoxie qu’ils admettaient avec elle le fait de la révélation. Ils partaient de l’Écriture ; mais ils contestaient l’interprétation qu’en donnait le magistère ; ce faisant, ils déformaient la vérité révélée en minimisant ou en exagérant l’un ou l’autre de ses aspects complexes. Avec les philosophes du xviiie siècle et leurs disciples modernes, s’affirme une attitude nouvelle, plus radicale, en face du dogme chrétien : c’est l’attitude du rationalisme naturaliste. On tend de plus en plus à faire de la raison indépendante la mesure de tout ; en son nom, on déclare le fait de la révélation invraisemblable, inexistant ; il ne reste logiquement qu’à rejeter, comme de pauvres illusions sans fondement dans la réalité, ou comme des chaînes inutiles, les dogmes de l’Église.

A ces dogmes d’ailleurs, les philosophes opposent une autre interprétation du monde : à la métaphysique pascalienne et janséniste de la corruption totale de la nature que l’on identifie avec la notion catholique du péché originel, l’on oppose d’abord l’optimisme naturaliste ou le dogme du progrès indéfini naturel et nécessaire, pour aboutir ensuite à un pessimisme païen plus ou moins absolu.

I. Les attaques de l’ancien rationalisme. — II. Les difficultés faites par le rationalisme contemporain (col. 569). — III. Les réponses de la théologie catholique (col. 580).

I. Les attaques de l’ancien hationalisme et la

RÉPONSE DE LA THÉOLOGIE CATHOLIQUE (du milieu du

xviiie siècle au concile du Vatican). — 1° La thèse rationaliste de la « bonté naturelle de l’homme ». — 2° Les infiltrations du rationalisme dans le protestantisme libéral. — 3° Pénétration de ces mêmes idées chez quelques catholiques. — 4° La réponse catholique.

I. LA 1UÈSE RATIONALISTE DE LA liOSTÉ SATl relle DE L’HOMME. - Elle a trouvé son principal prophète dans Rousseau (1712-1778).

Cet écrivain, par sa formation autodidacte, par les influences si variées qu’il a subies : formation cal-