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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. LA THÉOLOGIE DES JÉSUITES

lesquels le péché originel n’est pas autre que le péché d’Adam lui-même, est au moins incomplète. Bellar min tient comme fausses et hérétiques ces deux asser tions que le péché originel n’est autre que la première transgression actuelle d’Adam, et qu’il n’y a rien, dans les enfants, qui soi tvraiment péché. C. xvi, p. 145. L’erreur de ces deux contemporains a été de méconnaître un aspecl de la vraie nature du péché originel. « Si on entend par péché un acte opposé à la loi de Dieu, le péché originel est la première désobéissance d’Adam, commise par lui non en tant que particulier, mais en tant que représentant du genre humain tout entier. Si on entend par péché ce qui reste dans l’homme après l’acte coupable et lui mérite l’épithète non de péchant, mais de pécheur, le péché originel est la privation de la justice originelle ou l’aversion habituelle de la volonté qu’on peut appeler aussi une tache rendant l’âme odieuse à Dieu. » C. xvii, p. 146. En effet, remarque-t-il un peu plus loin. c. xix. p. 450, « de tout ce qui reste dans l’âme du pécheur, après que l’acte du péché est passé, il n’y a rien qui puisse, à proprement parler, s’appeler péché, si ce n’est la privation de la justice, l’aversion habituelle de Dieu, la souillure de l’âme, qui ne sont qu’une seule et même chose. Cette aversion habituelle est une obliquité persistante et habituelle de la volonté. De même, en effet, qu’un homme qui s’est volontairement détourné du soleil en reste détourné jusqu’à ce qu’il se retourne vers le soleil, de même qu’un doigt volontairement courbé garde sa courbure jusqu’à ce qu’il soit redressé par un acte contraire, de même la volonté qui s’est éloignée de Dieu par l’acte du péché, reste éloignée jusqu’à ce que, par la pénitence, elle revienne à lui. »

Cette aversion habituelle est certainement liée avec la privation de la grâce. S’identifle-t-elle avec elle ? Dans sa réfutation de Baïus, Bellarmin reconnaît la difficulté de la question. Auctarium Bellarminianum, p. 331 sq. Dans les Controverses, il identifie la privation de la grâce et la souillure laissée dans l’humanité déchue avec l’aversion habituelle de Dieu, et, à ce titre, il ne veut pas que cette privation du don infus soit étrangère à la notion du péché originel. C. xix, p. 450-451. En effet, conclut-il, la grâce de Dieu existant habituellement dans la volonté la rend formellement tournée vers Dieu, juste, droite, belle : la privation de cette grâce rend cette volonté habituellement détournée de Dieu, injuste, oblique, hideuse, et il renvoie à saint Thomas et à Cajétan : I » -II », q. lxxxvi, a. 2. Suarez dira de même : Peccalum originale privât justifia quod idem est caritate et gratia. De vit. et pecc., IX, ii, n. 18.

4. Conséquences du péché originel. a) Dans la vie présente. — Il importait surtout de préciser, contre les réformateurs, les capacités qui restaient à la nature déchue touchant la connaissance et les actions naturelles, la connaissance et les actions morales, la connaissance et les actions surnaturelles. Bellarmin, De gratia et lib. arb., t. IV, c. i, dans Opéra, l. vi, p. 7. Celui-ci affirme, avec l’Ecole, que nous pouvons connaître l’existence et l’unité de Dieu et d’autres vérités du même genre par les seules forces naturelles. « Par les seules forces de la nature, l’homme ne peut accomplir aucune œuvre qui soit méritoire de la grâce ; cela contre les pélagiens. Toutes les œuvres qui précèdent la justification ne sont pas des péchés, cela contre les luthériens. » Ibid., t. V, c. iv, p. 43.

Entre ces limites, les uns accordent plus, les autres moins aux forces naturelles du libre arbitre. Bellarmin résume en quelques propositions sa doctrine : Les seules forces naturelles ne suffisent pas à accomplir tous les préceptes de la loi morale même dans leur substance. Ibid., p. l. L’homme peut, sans la foi jus tifiante, avec un secours spécial de Dieu et même sans ce secours, accomplir quelques œuvres moralement bonnes, lorsque aucune lent at ion ne le presse. L.V, c. IX p. 52. En face des propositions de saint Augustin

sur les œuvres des infidèles et sur notre incapacité à avoir autre chose de nous mêmes que mensonge el péché, notre docteur s’efforce d’éclairer ces passages par d’autres de l’évêque d’IJippone : « On peut dire, remarque-t-il, que, de nous-mêmes, nous n’avons que mensonge et péché, mais que nous pouvons avoir vérité et bonnes œuvres lorsque I Heu nous aide, par un secours général ou spécial, selon que le réclament la qualité et la variété de ces œuvres. L. Y, c. xi, p

Il n’a pas de peine à montrer, par la tradition et l’Écriture, qu’un secours spécial de Dieu est nécessaire à l’homme déchu pour qu’il puisse croire comme il faut. Voir.]. de la Servièrc. op. cit.. p. 012-665.

b) Dans l’autre vie. - La question est fort discuter au lendemain du concile de Trente. Zwingle et Calvin mettaient les enfants des fidèles, même s’ils n’étaient pas baptisés, au ciel : Catharin et Pighius, tout en déclarant exclus du ciel les non baptisés, prétendaient qu’ils goûteraient une béatitude naturelle dans un paradis terrestre.

Bellarmin écarte la preinièrcopinioncommeouvertement contraire à l’Évangile. De amissione gratise, I. VI, c. ii, t. v, p. 455 sq. ; la seconde lui paraît aussi dangereuse « car la foi catholique nous oblige à tenir que les enfants morts sans baptême sont purement et simplement damnés et doivent être privés éternellement non seulement de la béatitude surnaturelle, mais de la béatitude naturelle ». Ibid., p. 455. Il pense que les paroles de saint Augustin, des conciles et des Pères, ne peuvent s’accorder avec l’idée d’un bonheur naturel. Ibid., p. 456-460. Va-t-il maintenir avec Driedo, Grégoire de Rimini et d’autres théologiens qui en appelaient à saint Augustin, l’opinion selon laquelle les enfants morts sans baptême seraient éternellement punis, dans le corps comme dans l’âme, de la peine du sens comme de celle du dam ? Non pas. Sans doute, cette opinion n’a pas été ouvertement réprouvée par l’Église, mais elle est généralement rejetée par les écoles et lui paraît improbable. Ibid., c. iv, p. 165. L’Écriture, en effet, n’attribue la peine du feu qu’aux péchés actuels ; Innocent III la réserve de même a ces péchés ; et les Pères distinguent, au point de vue du sort d’outre-tombe, entre les enfants morts sans baptême et les pécheurs adultes.

Bellarmin tient que saint Augustin lui-même n’a jamais admis la peine du feu pour ces enfants, op. cit., p. 466, qu’il a gardé quelque incertitude jusqu’à la lin sur la nature de leur peine. C’est pour lui rester fidèle ( !), ainsi qu’à P. Lombard et à l’École, qu’il affirme que les enfants ne connaissent pas en enfer la peine du sens, mais celle du dam. Ibid.

Il est plus probable que ces enfants auront dans l’âme une véritable douleur en comprenant qu’ils sont privés de la béatitude éternelle. Ibid.. c. vi.p. 47U. Solution intermédiaire qui ne peut guère, historiquement, se réclamer de saint Augustin, qui, sans doute, tait écho à la solution des premiers scolastiques, mais qui ne tient point compte de celle de saint Thomas, Duns Scot, et de leurs nombreux disciples. Aussi. Lessius pourra-t-il se donner plus justement comme l’interprète de ses contemporains et l’écho des cinq ou six dernières générations en écrivant. De perfectionibus et moribus divinis, 1. XIII. p. 1 15 : Les enfants morts sans baptême, bien que privés du royaume du ciel, auront une condition conforme à la dignité de leur nature. Contents et joyeux, ils loueront Dieu pendant l’éternité… Aussi, tout en étant damnés, puisqu’ils seront éternellement privés de la gloire du ciel, à laquelle ils étaient destinés, ils jouiront vraisemblable-