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PÉCHÉ ORIGINEL. PREMIERS POLÉMISTES CATHOLIQUES


plutôt difficile à établir, et qu’au point de vue rationnel l’opinion est très discutable.

Dès le xrve siècle, une théorie semblable du prseconsensus avait été rejetée. A peine la théorie du « pacte » de Catharin fût-elle connue qu’elle fut sévèrement discutée et traitée de fable par un théologien remarquable du concile de Trente, Dominique Soto. De natura et gratia, Anvers, 1550, t. I, c. x, p. 27 (réfutation de Pighius) et p. 31 : « Le pacte, dit-il, est une fable. »

Il apparaît de plus en plus aux théologiens d’aujourd’hui que Soto avait raison : Dieu n’a pu enfermer dans la volonté d’Adam des volontés qui n’existaient pas encore ; l’on ne conçoit donc pas une collaboration morale avec Adam possible dans ce cas : le serais censé avoir fait ce que je n’ai pas fait ; et de ce chef rendu responsable d’un acte posé quand je n’existais pas encore. Qui pourra admettre une telle chose ? Car ici il n’y a pas de mystère qui tienne ; le mystère c’est ce qui dépasse notre raison, ce n’est pas ce qui la renverse et la détruit.. L. Billot. Éludes, 20 janvier 1920, p. 133.

^ L’infirmité de la théorie de Catharin vient de ce que l’on veut trouver, dans le péché originel, comme dans tout péché actuel, un acte de volonté strictement personnel : « On veut, à toute force, entendre un péché qui serait dans le fond de même ordre, de même catégorie, de même essence que les péchés que nous avons personnellement commis et dont nous avons à répondre devant Dieu et la conscience. » Ibid., p. 132. Cette confusion avait été, nous l’avons vii, dissipée ù bon droit par saint Thomas et ses disciples. Elle n’a aucun titre à revivre aujourd’hui.

2 « Dominique Soto († 1560), entré chez les dominicains en 1524, fut un théologien remarquable du concile de Trente (l re période, 1545-15 17).

Dans son beau traité : De natura et gratia, dédié à ce concile, il ne se contente pas de réfuter solidement les théories des luthériens et des nouveaux pélagiens sur le péché originel, mais, tout en montrant les points faibles de l’hypothèse de Pighius et des partisans du « pacte », il propose une explication de la nature du péché originel par la grâce sanctifiante qui s’imposera ensuite à un grand nombre de théologiens.

1. Son point de départ. Il sait qu’on discute dans l’École sur la définition du péché originel, et distingue trois opinions sur ce point : i Celle d’Augustin qui tend à Identifier ce péché avec la concupiscence ; celle d’Anselme qui le définit par la privation de la justice originelle : celle de saint Thomas qui concilie ces deux opinions en décrivant le péché originel comme la concupiscence manquant du frein de la justice primitive : mais il s ; iit aussi que le concile n’a rien voulu définir

sur ce point, i De natura ri gratia, t. I, c. viii, p. 25. Aussi est-il libre pour tenter une nouvelle explication. Il la rattache a saint Thomas qui, selon lui, n’aurait pas seulement affirmé la création de l’homme dans l’étal de justice et dans l’étal de grâce, mais aurai ! irées identiques ces deux prérogatives de l’étal primitif ; il sait bien que, p. h i., . m s’écarte de l’exégèse reçue sur ce point : mais on doit concéder au moins, pense i, 1 avec raison, que, pour le Docteur angéliqui. les deux prérogatives étaient inséparables Ibid., I. i.

C v, p. 1 1.

il remarque aussi qu’an baptême, d’après saint

Thomas (In II-" Sent., dist. XXXII, q. i. a. I.

"i i’), ce qui nous est restitué c’est la Justice orlgl

nelle dans son élément formel. Saint Thomas avait

écrit :

In orlginaU luttitia erat altquld quasi formait icUlccI

i/imi ii, uiudo voluntatit et ici undum hoe stbl opponttur i ulpa

deformitas. Erat enim In ee allquld quasi materiale, scillcel

rectltudlnis Impreuus in Inferiorlbui « iribui et quan

tnm ail hoc oppoiritur eoncupUcentla. Quamvis ergo non

restituatur originalis justifia, quantum ad id quod materiale in ipsa erat.restituitur tamen, quantum ad rectiludinem voluntatis ex cujus privatione ratio culpre inerat et propter hoc id quod culpæ est tollitur post baptismum sed aliud pœnale remanet.

Ce que Soto traduit ainsi : Perinde est ac si dixissei : restituitur gratia, illam habens virtutem qua nos Deo gratos reddit, non tamen eam qua vires tune inferiores submiltebat superioribus. Ibid.

Bref, la justice originelle est identifiée dans son élément formel avec la grâce sanctifiante et, de ce fait, on conclura facilement que le péché originel consiste dans la privation de cet élément essentiel : la grâce habituelle ; on expliquera de même simplement la disparition au baptême du péché par le fait de la restitution de la grâce sanctifiante.

2..S’a critique des théories de l’École. — Soto, d’après les principes posés, élimine la concupiscence de la notion du péché originel.

Il faut chercher les éléments du péché originel non dans un acte, mais dans un état coupable consécutif à la chute, qui nous est commun avec Adam. Or, si la concupiscence nous est bien commune avec Adam, elle est chez nous ce qu’elle était chez lui non un péché, mais un effet du péché ; défaut issu de la nature, elle ne peut être une chose moralement odieuse à Dieu, mais une peine du péché. L. I, c. viii, p. 26.

Soto ne trouve point non plus, pour les mêmes raisons, le péché originel dans la privation de la rectitude de l’homme tout entier, telle qu’on la comprend ordinairement. C’est là une peine, une conséquence du péché originel, ce n’est pas le péché. Ibid., p. 26-27.

Au nom du concile de Trente, qui veut que le péché originel soit propre et immanent à chaque descendant d’Adam, il repousse l’opinion de Pighius et la théorie du pacte selon laquelle la prévarication même d’Adam constituerait notre culpabilité.

3. Son explication. - Le péché originel est en nous non pas parce que l’acte même d’Adam nous est imputé juridiquement, mais parce que l’état de souillure, dans lequel le premier péché a constitué la nature, nous est transmis ; cet état n’est autre que la privation de la justice originelle dans son élément formel ; c’est un désordre volontaire par la volonté d’Adam dont nous recevons l’empreinte comme un membre reçoit son mouvement de la volonté qui le dirige :

Reatus ille peceati relictus est in natura quæ in Adam peccavit. Et ideo ut omnes trahimus naliiram ab Adam, ita ci omnes con trahimus peccatumejus per hoc quod in singnlis

estdeviatio [lia et obliquilasanimi a Deo.qua proinde cuncti contagione culps sic inlicimurut Bingulas singuli contrahamus maculas, tametsi reatus ille in aobisnonsit positiva qualitas sed niera » rii>atio fuslttiee quoad formate. Quapropter, cum in remissione originalis restituatur aobis gratia in ordine ad Dcum, non tamen vires inférions in online ad ratinnein, optlme ail s. Thomas, quod in baplismo rcsiituiiar fuslilia originalis iantum quoad formate. Quomodo autem per voluntatem tune Ida omnes peccavimus, oommodatisslmo

exemple) dllucidat idem S. doclor Ubi ail quod, qticmadmodiun omnia membre sunt iiims homo, el ideo volnntas totius

reputatur omnium membrorum, ita omnes eramus in Adam quodammodo uilua homo, quamobrem voluntaria Inordi nafio soi peccatl manel in lofa natura quam gencrationc

recepimus… Omnes in Adam peccasse nihil aliud est quam naturam nostram, ob participium sua ; culpee Ingratam Invtsamq a i » eo. ibid., l. i, c. ix, p. 29.

En fail, c’est la théorie de saint Thomas, mais modl lier assez profondémeiil. Tandis que le Docteur ange lique avait explique le péché originel par la priva ion de la jusliee primitive Considérée dans son ensemble, a savoir par uur déviation de la Volonté aussi bien que des sens, I). Soto, après avoir élimine la

i oncupiscence, el Ident Iflé la pari i<’formelle de la jus tice primitive avec i inctiflante qui en est la

condition et la racine, laisse entendre quc l’essence du