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PECHE OU I (il. NI-’. I, . PREMIERS POLÉMISTES (. T m >| JOUES

au concile par Loofs, ibid., et par Harnack, Dogmengesch. , I 1 éd., t. iii, p. 713, ne font pas droit à l’interprétation d’ensemble du décret sur le péché originel.

Si la concupiscence, en ses mouvements spontanés, ne peut être un péché, elle reste dans le baptisé un signe de l’état meilleur dont il est déchu et elle peut le conduire au péché ; elle lui enseigne la vigilance, l’humilité ; elle l’ait de l’âme un champ de lutte, lui donne l’occasion de victoire et de mérite ; elle implique, par le fait, une coopération de tous les instants du libre arbitre et de la grâce pour dominer le corps et développer la haute vie spirituelle.

Dans la perspective du concile, les invitations du Christ et de saint Paul à la vigilance et à la prière, à la coopération incessante de l’âme avec l’Esprit (parabole des talents) se comprennent admirablement ; les assertions d’Augustin sur la véritable liberté vont de soi, les théories philosophiques des scolastiqucs, qui définissent justement le moral par la volonté libre et le consentement, prennent tout leur sens ; la doctrine affirmée est génératrice d’énergie et de confiance en la victoire : qui légitime certaverit coronabitur. On écarte seulement un pessimisme spirituel qui laisse l’âme passive, abattue, découragée en face de sa corruption irrémédiable, sans autre espoir qu’une justification extérieure qui couvre les péchés mais ne les détruit pas, et ne relève pas le pécheur ; on veut rester fidèle à la tradition intégrale, on ne veut pas méconnaître l’expérience des saints et les promesses évangéliques de la vie de l’Esprit dans le Christ.

On a reproché au concile de ne pas faire de place à la foi dans la rémission du péché originel. Voir Harnack, loc. cit. C’est un fait que le décret parle seulement des mérites du Christ communiqués par le baptême et ne dit rien de la foi. Il suffit de remarquer qu’il s’agit surtout, dans ce décret, du baptême des enfants ; si l’on veut parler, au contraire, de la justification des adultes, le concile a manifesté sa pensée sur le rôle de la foi à ce point de vue dans le décret de la VIe session. Or, de ce décret, Harnack a reconnu lui-même la valeur religieuse. Ibid., p. 711.

Le décret de Trente ne doit point, enfin, être jugé comme une somme de l’enseignement complet de l’Église sur le péché originel. Les Pères du concile ont laissé délibérément de côté un certain nombre de questions qui n’étaient pas en jeu ou qui ne leur paraissaient pas mûres pour une solution ; c’est ainsi qu’ils ne nous disent rien sur le sort, dans l’au-delà, des âmes qui meurent en état de péché originel ; rien de la définition de ce péché ; et qu’ils laissent dans l’état où ils l’ont trouvée la question de l’immaculée conception.

Ce qui constitue l’originalité et le progrès du décret de Trente, par rapport aux définitions antérieures, c’est qu’il dénonce et désavoue, pour la première fois, comme une erreur, ce pessimisme profond qui allait désormais imprégner la théologie et la piété du protestantisme orthodoxe, et qui, sous une autre forme, allait essayer de pousser de multiples infiltrations dans l’intelligence et la vie des milieux catholiques. L’Église, en condamnant Baïus, Jansénius, Quesnel, le synode de Pistoie, va continuer l’œuvre de consécration du sage optimisme chrétien que l’École avait su dégager dans ses réflexions, de la tradition intégrale et de l’Écriture sur le péché originel et la grâce du Christ.

/II. OPPOSITION DES THÉOLOGIENS CATHOLIQUES

aux premiers réformateurs. — On analysera ici tout spécialement, la doctrine d’Ambroise Catharin et de Dominique Soto.

1° Catharin : la théorie du pacte et de l’inclusion des volontés en Adam. — Catharin († 1553) est un indépendant ; il reflète les tendances novatrices que l’humanisme imprima à un certain nombre de théologiens

du xvr siècle. Entré chez les dominicains en 1517, il se signala d’abord par des écrits polémiques contre Luther, puis entra en conflit avec Cajétan. En 1542, il publiait le De a/su hominis et peccato originali, ou. après avoir critiqué les théories traditionnelles sur l’explication du péché originel, il proposait son hypothèse. Voir Cayré, op. cit., t. ii, p. 738, 742.

I (’après lui, le péché originel n’est autre chose que le péché actuel d’Adam extrinsèquement imputé à ses descendants. Étant une faute, il est un acte volontaire. Puisqu’il ne peut jaillir de notre volonté personnelle, il ne pourra être que la faute d’Adam qui nous est imputée : « Cet acte n’est autre que la prévarication commise par notre premier père, c’est-à-dire la manducation du fruit défendu. C’est cet acte qui est notre péché, c’est lui qui est en nous, par la raison que, aux yeux de Dieu, nous étions en quelque sorte renfermés dans notre premier père. » Opuscula, Lyon, 1542, disp. V, p. 183.

Selon Catharin, nous ne formons pas seulement avec Adam une unité physique naturelle en vertu du lien de la génération, nous formons aussi une unité morale, en vertu d’un pacte qui constitue Adam mandataire du genre humain, inclut nos volontés dans la sienne, et implique notre consentement présumé dans le sien. Ibid., disp. V, p. 184. C’est ainsi que l’acte d’Adam, qui n’est point physiquement transmissible, a cependant en nous une existence juridique par l’imputation qui nous est faite de notre consentement présumé.

Cette explication du péché originel aura, pendant longtemps, un rayonnement extraordinaire dans l’esprit des théologiens. Elle va être accueillie par le jésuite Salmeron, Commentarii in omnes epistolas B. Pauli, t. xiii, Cologne, 1604, p. 443 sq. Lugo, Tolet la défendront au xviie siècle, et, plus tard encore, Kilber dans la théologie des jésuites de YVurtzbourg, De peccatis, t. III, c. iii, 2, la présentera sous l’idée d’un pacte virtuel. Dès la fin du xvie siècle, Suarez lui donnait, par son adhésion, le prestige de son autorité, De viliis et peccatis, t. IX, c. ii, 29, et, avec lui, elle pénétrait chez de nombreux disciples. L’école thomiste elle-même, en ses meilleurs représentants, Gonet, De vitiis et peccatis, disp. VII, ii, 1 ; Billuart, De peccatis, VII, ii, 1 ; les Salmanlicenses. De vitiis et peccatis, XIV, c. xxxii ; Contenson, De peccatis, II, ii, 1, expliquera la transmission du péché originel par la transfusion de nos volontés dans la volonté d’Adam.

Quoi qu’il en soit de ces multiples adhésions, pendant plus de deux siècles, à l’explication de Catharin. il reste que celle-ci n’est qu’une opinion théologique qui doit être jugée d’après les raisons qu’elle peut faire valoir et d’après sa connexion plus ou moins intime avec le dogme.

Or, nous savons, d’une part par la façon dont les Pères de Trente apprécièrent l’opinion de Pighius, semblable, à certains points de vue, à celle de Catharin : Quartus error quem Pighius sequi videtur, peccatum originale nihil esse in unoquoque nostrum, sed esse dumtaxal ipsam Adæ prævaricationem, quæ rêvera nobis non insit, sed soli Adæ, voir Conc. Trid., t. v, p. 212. d’autre part, par la façon dont le décret officiel affirme, au c. m. l’immanence physique du péché originel en chacun de nous (Iransfusum omnibus inest cuique proprium), combien la théorie de Catharin était peu conciliable avec les déclarations du concile. Bcllarmin ira jusqu’à dire que l’explication du célèbre domini cain était hérétique : Falsum est autem et hæreticum peccatum originis nihil esse aliud nisi primant Adæ transgressionem actualem. De amissione gratiæ. 1., c. xvi, p. 445.

Sans aller jusque-là, on peut dire que non seulement sa connexion avec le dogme ne s’impose nullement, mais qu’au contraire son harmonie avec celui-ci est