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PÉCHÉ ORIGINEL. LE DÉBUT DU XlVe SIÈCLE


remises car cela n’est pas utile. Quant à la peine dont l’acte est un péché véniel (la concupiscence), elle est affaiblie par le baptême et ne domine plus. Voir p. 271.

g. — Tout en reconnaissant La connexion intime de la justice originelle avec la grâce sanctifiante, Pierre de la Palu distingue entre ces deux réalités qui sont adéquatement identiques et qui peuvent, en fait, être séparées. Ibid., q. n. p. 281

ft. - Pierre de la Palu nous met en garde contre la confusion entre péché originel et péché actuel : on ne peut mettre l’un dans le genre de l’autre sans erreur.

I. — Il invite enfin à distinguer, dans la privation de la grâce sanctifiante, l’aspect pénal et la culpabilité en vertu de laquelle celui qui est privé de la grâce est indigne de la vie bienheureuse. Dans l’humanité déchue, c’est la faute seule qui rend indigne de la vie éternelle. Ibid., p. 275.

On ne peut que reconnaître l’originalité de cette synthèse qui, tout en n’ayant point le mérite d’une entière fidélité à saint Thomas, a eu, cependant, celui d’opposer à la notion déficiente de Durand, sur le péché originel, une notion qui, tout en étant théologiquement discutable, s’accorde substantiellement avec la foi et met en relief, avec une acuité particulière, la singularité caractéristique du péché originel par rapport aux péchés actuels ordinaires et à l’acte même d’Adam.

Jacques de Lausanne († 1321), dans son commentaire sur les Sentences, suit habituellement de près l’œuvre de son prédécesseur, Pierre de la Palu : « Il n’apporte ni développements ni aperçus nouveaux aux problèmes qu’il traite. Sous l’influence de Durand, il a fléchi, moins toutefois que son maître Pierre de la Palu, dans son adhésion au Docteur angélique. » R. Martin, p. 286. Voir ses textes sur le péché originel, p. 287-306.

En résumé, la controverse des premiers maîtres thomistes avec Henri de Gand et Durand, sur la notion du péché originel, marque une date importante dans l’histoire de la théologie. Non seulement grâce à l’opposition des premiers maîtres dominicains, « la doctrine d’Henri de Gand touchant la transmission du péché originel est battue en brèche par tous les auteurs et peut être considérée comme abandonnée, à Paris, vingt ans après la mort du Docteur solennel » (R. Martin, op. cit., p. 404) ; non seulement les doctrines du novateur Durand sont assez vite éliminées ; mais la doctrine de saint Thomas, éprouvée par la critique aiguë du novateur, se montre capable d’éclairer la difficile question du caractère de la culpabilité originelle, et d’en marquer, autant qu’il est possible, la singularité propre. Les progrès alors acquis touchant la notion du volontaire dans le péché originel seront intégrés à la théologie ; et c’est bien dans l’esprit de ces progrès qu’un récent interprète de saint Thomas écrivait : « Il va de soi qu’entre ces deux sortes de péchés (actuel et originel), il ne pourra y avoir qu’une communauté d’analogie et que vouloir mettre l’un dans le genre de l’autre serait vouloir tout confondre… On voit déjà que la singularité caractéristique du péché originel consiste en ceci : premièrement en ce que l’acte du péché a été commis par Adam, et par Adam tout seul, sans aucune participation de notre part ; et, secondement, en ce que, néanmoins, il s’en est suivi une souillure qui est passée et qui passe à tous ses descendants. » L. Billot, art. cit., Études, 20 janvier 1920, p. 136. Ce n’est point là, certes, abolir ou déformer le péché originel, c’est simplement en préciser la notion, comme déjà le faisaient, au début du xive siècle, les premiers défenseurs de la théologie de saint Thomas.

4° L’élargissement du courant anselmien thomiste : Duns Scot, Occam et leurs disciples. — 1. Admission des principes généraux du thomisme. - Les principes

qui donnent à la tbéologie thomiste du péché originel son originalité, uni vite conquis les maîtres des écoles scotiste et nominaliste. On les accueille, dès l’origine, dans ces écoles comme des axiomes qui vont de soi. Sent comme saint Thomas affirme : a J la possibilité delà nature pure, Report., III, dist. XVIII, q. ii, n.’l. b) l’intangibilité des forces constitutives de la nature humaine par le péché : naturalia maneni intégra in peccatore, justitia originalis non manet. Opus Oxon., 11. dist. XXIX, n. 1 ; c) le caractère exclusivement privatif du péché originel et de ses conséquences.

Pour Scot, comme pour saint Thomas, le frein de la justice originelle disparu, les forces déchaînées de la nature s’affirment dans leur impétuosité, et particulièrement la concupiscence avec ses assauts contre l’esprit, qui est naturelle à l’homme laissé à lui-même, fait sentir à celui-ci ses entraînements funestes. A un certain point de vue, elle peut être regardée comme l’étoffe, « le matériel » du péché : naturale est unicuique appetilui ferri in suum delectabile. Op. Oxon., II, dist. XXIX, n. 3, et dist. XXXII, n. 7.

2. Définition du péché.

Cependant Scot, et Occam ensuite, aiment mieux, avec saint Anselme, définir uniquement le péché originel comme carentia justitia originalis debitæ. Voir art. Duns Scot, col. 1887 ; pour Occam, qui parle de carentia justitise originalis cum debito habendi, se reporter à In IIum Sent., q. xxvi, 21 ; Quodl., III, q. vin. La privation de la justice originelle en constitue véritablement l’élément essentiel. Duns Scot, Op. Ox., II, dist. XXXII, n. 7 : « Sur cette question, remarque le Docteur subtil, il y a une autre solution proposée par Anselme. Il dit : « Je ne « puis comprendre le péché originel dans les enfants « que comme la privation de la justice que nous « devrions avoir, privation causée par la désobéissance « d’Adam. » Je dis donc que le péché originel n’est rien de plus que l’absence de la justice que nous devrions avoir et, si l’on objecte que certains saints paraissent dire que la concupiscence est le péché originel, je réponds que la concupiscence peut être entendue en plusieurs sens ; mais qu’en aucun sens elle n’est un péché, attendu qu’il n’y a pas de péché dans ta partie sensitive. » Et, un peu plus loin, ibid., n. 15 : « La privation de la justice primitive est le formel du péché originel, l’obligation de l’avoir en est le matériel. » Par là est précisée cette vérité que la privation de la justice originelle, dans la nature pure, n’eût pas été un péché,-elle est telle, dans la nature déchue, simplement parce qu’elle manque là où il y a une obligation de la posséder. Par l’ensemble de ce passage aussi est éliminée, de la définition du péché originel, l’élément de la concupiscence. C’est l’application du principe anselmien selon lequel le péché n’est pas dans la part ie sensible. De conc. virg., c. vii, P. L., t. clviii, col. 441, et Scot, Op. Ox., II, dist. XXXII, n. 5. Par là, Duns Scot s’oppose à l’opinion soutenue par Henri de Gand qui fait du péché originel une qualité morbide (voir ibid., n. 4-6).

3. La transmission du péché originel ne s’explique pas par la propagalio libidinosa parentum, mais seulement par le fait de la formation de nouveaux fils d’Adam, débiteurs de la justice originelle, en vertu de la génération naturelle. Op. Ox., II, dist. XXXII, n. 17-18 ; voir Duns Scot, col. 1887. La sainte Vierge, par conséquent, aurait dû être, comme fille d’Adam, issue de lui par la voie ordinaire, soumise à ce péché, mais, par une grâce toute spéciale, elle en a été exemptée. En proclamant cette doctrine. Duns Scot trouve le moyen de concilier l’universalité de la rédemption avec la toute sainteté de Marie : le docteur franciscain, de ce fait, est en progrès sur les grands scolastiques antérieurs et se trouve être probablement, à l’université de Paris, un initiateur. Voir Duns Scot. col. 1896-