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PÉCHÉ ORIGINEL. LE DÉBUT DU XIV « SIÈCLE


les souffrances auxquelles nous sommes en butte, et que la lutte de la chair contre l’esprit répugne à l’ordre naturel. Ibid., q. ii, p. 29-33.

Il paraît bien s’opposer à l’explication de saint Thomas, dans les Sentences, sur le mode de propagation du péché originel. Selon le Docteur angélique. In //um Sent., dist. XXXI, q. i, a. 1, la simple privation de la justice originelle qui était un frein surnaturel, explique la propagation du péché originel : « L’infection de l’âme n’est pas l’effet d’une action du corps sur elle ; elle consiste dans la seule privation de la justice originelle, à raison des dispositions du corps corrompu ; car la forme doit être proportionnée au sujet récepteur. » J.-B. Kors. op. cit., p. 113.

Matthieu d’Aquasparta connaît cette opinion et la décrit exactement, ibid., q. iii, p. 47-49 ; il sait qu’elle paraît faire écho à celle de saint Anselme, De conceptu oirginali, c. v et xxiii ; mais il la trouve moins conforme à la vérité ; s’il en était ainsi, le péché originel ne serait que la privation de la justice originelle, alors qu’il est la concupiscence : nam est concupiscentia, secundum Augustinum, cum debito non concupiscendi, et potius carentia justitise effet causa concupiscentise in carne quam concupiscentia causa carcntise justitise in anima, quod falsum est. La cause immédiate de la transmission du péché serait la génération naturelle et non la libido qui l’accompagne. Ibid., q. iii, p. 50. Notre auteur requiert, pour expliquer la transmission du péché, que la chair infectée par la concupiscence fasse rejaillir, par son contact sur l’âme, une souillure positive : necessario oportet poncre quod aliquo modo infeclio vel corruptio carnis vet corporis in animam redundel. Ibid., p. 51.

II développe longuement cette théorie qu’il sait plus conforme à la pensée d’Augustin : la chair d’Adam fut entachée d’une double corruption : corruptione scilicet pœnalitatis et (œditalis, quoniam mortalis est et rebellis. Ibid., p. 53. Cette corruption, par voie de contact, fait l’âme passible et concupiscente ; incapable donc de conserver la justice originelle qui est contradictoire avec une telle souillure : elle la met en état de péché originel. Et, comme Adam avait perdu les biens de nature qui lui avaient été confiés par Dieu pour lui et ses descendants, en vertu de la loi même de la propagation de l’espèce, à raison de la proportion qu’il y a entre le corps et l’âme, et de la répercussion des défauts de l’âme sur le corps, propter naturatem colligantiam et mutuam transmulnlinnem, p. 54, ce défaut coupable de l’âme d’Adam rejaillit sur la race par le moyen des transmissions séminales souillées par la concupiscence. Encore que le semen 1, ’énérateur ne soit pas de façon actuelle le siège de la faute, cependant, il dispose l’âme, par son contact, à la recevoir : le péché originel consiste donc dans la concupiscence, là où il y a obligation de ne pas la connaître, et dans la privation de la justice originelle la ou on devrait la posséder. Ibid., p. 55, H toute la q. iii, p. 41-64.

Par ccHc doctrine de l’essence « lu péché originel, aussi bien que par son explication de la transmission de ce péché, Matthieu d’Aquasparta peut être regardé comme un des tenants du plus pur augustinisme a la fin du xime siècle. La critique qu’il fait de la doctrine thomiste antérieure a la Somme souligne l’originalité foncière de cette doctrine.

Tandis que le disciple de saint Bonaventure s’al I u fiait a critiquer encore en 1282 la pensée défendue par saint Thomas dans les Sentences, ! < Docteur angélique depuis longtemps déjà avait montre dans la Somme le danger qu’il y avait à résoudre comme un cas d’hérédité maladive le problème de la transmission du péchi on glnel ; il avait cherché, nous l’avons vu. uniautre vole et expliqué la culpabilité héréditaire des membre* de

l’humanité par l’incorporation de ceux-ci en Adam. IMI 35, q. lxxxi, a. 1.

3. Les franciscains d’Oxford.

A Oxford, les maîtres franciscains continuent à enseigner sur le péché originel les thèses augnstiniennes de saint Bonaventure, mais, dès la fin du xme siècle, à la différence du saint docteur, ils acceptent et défendent la pieuse croyance de l’exemption du péché originel pour la vierge Marie. Richard de Mediavilla († 1 307), sans doute, fait encore, comme son maître, opposition à cette doctrine (sur l’ensemble des dépendances doctrinales touchant la théologie du péché originel de Richard par rapport à saint Bonaventure, consulter les nombreuses références établies par les éditeurs de Quaracchi, dans Opéra omnia de S. Bonaventure, t. ii, à la suite des dist. XXVIII-XXXIII du 1. II des Sent). Mais déjà Guillaume de YVare (f après 1267), dans une Qusestio que l’on trouvera parmi les Queest. disput. de immaculata conceptione, éd. de Quaracchi, 1904, p. 1-11, Duns Scot ensuite, au début du XIVe siècle, dans le Commentaire des Sentences, t. III, dist. III, q. i : Utrum beata Virgofucrit concepta in originali peccato, même édition, p. 12-22, travaillent avec succès à la faire triompher autour d’eux dans l’ordre, franciscain. Voir art. Immaculée conception, col. 1060-1078.

4. Pierre Auriol.

Parmi les défenseurs de marque du privilège mariai chez les frères mineurs, il faut compter Pierre Auriol qui composa à Toulouse, vers 1314, un traité De conceptione immaculatæ Virginis, puis, pour répondre à une attaque, un Repercussorium, tous deux édités dans les Qusestiones disputalæ qui viennent d’être signalées. Ces deux ouvrages, le dernier surtout, contiennent une doctrine complète, dans le sens augustinien, sur la nature du péché originel et de la concupiscence.

Z re conclusion. — « L’appétit sensitif abandonné à sa nature n’est pas ce qui explique la rébellion actuelle de la chair ; celle-ci vient de quelque qualité vicieuse et positive ajoutée à la substance de notre chair et à la puissance naturelle de notre appétit : cette qualité voilà ce qui constitue l’élément matériel du péché originel. » Édition citée, p. 96. Auriol en appelle surtout à Augustin pour repousser l’idée Uiomiste d’un frein surnaturel mis par la justice originelle à l’impétuosité de l’appétit sensible. D’après le grand docteur, De nuptiis et concupiscentia, t. I, xxv, 28, la concupiscence est une affection morbide, affectus morbidus, donc, conclut P. Auriol, quelque chose de positif : aliqua qualilas positiva addita appelitui, presser tim, cum ipsa potentia appetilus non possit morbtda affrelio appellari. Ibid.. p. 99.

2e conclusion. — La privation de la justice originelle n’est pas l’élément formel dans le péché originel, niais constitue, avec la rébellion des sens, l’élément matériel de ce péché : Car, rcmarque-t il. cela ne peut être le formel du péché originel qui existe dans l’état de péché aussi bien que chez le bapl Isé, i Ibid., p. 107.

l" conclusion. Dans le péché originel l’aspect formel c’est l’Offense de Dieu, ce qui object i ement dans

cet état i-st odieux a Dieu, i/umi m ortginalt peccato

offensa formule est et I)ei oïlium abjectivum. » Ibid., p. 1 L0. Pierre Auriol définit le péché, quel qu’il soit, comme un désordre, exorbitatio ab etrdinr et régula ; il V a le péché flans la nature au sens des monstres ; le péché dans les mœurs ; le péché dans nos relations positives avec Dieu. Ce dernier, c’est le péché théologique qui consiste formellement à être dan* un état de nnn conformlté a la volonté divine, par conséquent à être

odieux, détestable a Pieu Ibid., p. 113,

il faut l’entendre sur le mot odtum obfectlvum Del Il signifie un état désagréable à Dieu. ///<L. p. 112,

Ainsi, DOni Dieu, haï] I enfant non baptisé a < : iue de

i.it habituel de rébellion dans l’appétit sensible,