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PÉCHÉ ORIGINEL. LE DEBUT DU XlVe SIÈCLE


orientation. La culpabilité des membres est une culpabilité dérivée, d’un genre spécial, car le péché originel est le moindre des péchés, il n’est volontaire que par la volonté du chef. Autre est l’état positif du chef, jailli de sa volonté personnelle : autre est l’état malheureux et coupable qu’il imprime dans ses membres.

Rien de positif qui vienne de la volonté propre des membres pensants : « Nous ne sommes donc pas coupables d’une aversion de Dieu, impliquant un acte positif de la volonté, ni d’une conversion positive vers les biens périssables, quoique l’une et l’autre puissent résulter du péché héréditaire. » J.-B. Kors, op. cit., p. 166.

2. Le péché originel est une privation comme faute et comme peine. Notre faute, dans une nature qui était faite pour le surnaturel et tenait de la justice originelle son orientation facile vers la vision de Dieu, consiste dans un état de détournement de cette fin, d’impuissance à l’atteindre qui est liée à la privation des biens surnaturels, cela par le fait de notre relation essentielle à la prévarication du chef de la race. Notre peine, elle aussi, est une privation, la destitution du secours de la justice originelle, l’abandon de notre nature à ses propres forces, l’apparition de ce fait de toutes les misères qu’engendre, en vertu de sa constitution même, la nature humaine. Voir q. lxxxvii, a. 7. Ce n’est point, certes, une corruption de toutes les énergies de notre nature, natura nec tollitur nec minuitur per peccalum, ce n’est point que tous les mouvements de notre intelligence ou de notre volonté déchues soient des erreurs ou des vices : loin de là. Saint Thomas estime trop les idées et les élans de la raison naturelle chez le philosophe pour le penser ; mais il sait que ces élans, s’ils ne sont portés sur les ailes des forces surnaturelles, orientés par elles, n’aboutissent pas et sont toujours au-dessous de la fin béatifiante de l’homme.

Si le péché originel est la privation de biens de surt roi l, un appauvrissement de biens auxquels nous n’avons pas droit et qui peut laisser dans l’au-delà en un bonheur relatif ceux qui en sont destitués, c’est aussi la perte d’un développement inespéré qu’offrait la divine libéralité à la partie divine de notre être (propter divinitatem anima ; rationalis, Ad Rom., c. v, 1. 3) en l’orientant vers la vision béatilique. C’est la déchéance de la plus haute perfection olïerte à nos facultés : « Par la justice originelle, la raison contenait dans la perfection les facultés inférieures de l’âme, el elle même, la raison, trouvait sa perfection dans la soumission à Dieu. Or, cette justice a été soustraite, et c’esl pourquoi toutes les facultés de l’âme restent en quelque torte destituées de l’ordre respectif qui les ordonne naturellement à la vertu. » Q. lxxxv, a. 3. Du fait de la disparition des biens de surcroît et de l’abandon de la nature elle-même, (’est la substitution en cette nature à la facile oriental ion vers la fin surnaturelle, à une haute spiritualité possible, non seulement d’un éloignement de cette liii, mais (lime facile orientation vers toutes sortes de mal. d’un attachement désO] donné à soi. d’une vie plus charnelle que spirituelle. Le péché originel c’est une grande privation, c’esl un abandon malheureux de la nature a elle même, c’est la révélation de la misère de cette nature qm. en dehors de l’incorporation au Christ, et de l’acceptation de sa vie, fail spirituellement faillite par rapport a la fin qui pourrait plus divinement l’épanouir

.’!. Par cette doctrine du péché originel, inm u comme une grande privation des biens surnaturels, saint Tho mas non seulement a défini plus clairement et plus profondément l’essence <u péché originel et d< suites. ii, i été amené a prendre, de ce fait, une attitude plus juste, plus optimiste que ses prédécesseurs, a

l’égard des forces de la nature déchue : la raison, la volonté et les passions.

La raison laissée à elle seule, sans doute, est totalement impuissante à atteindre par ses seules forces la fin surnaturelle ; mais, dans son ordre, malgré ses faiblesses, elle reste capable de découvrir le vrai, et la tâche du chrétien est de rassembler, pour les incorporer à la vérité chrétienne, tout ce qu’elle a amassé de vérités naturelles.

Les passions prises en elles-mêmes — même la délectation qui s’attache à l’acte générateur - sont des énergies qui appartiennent à la perfection de la nature, aussi bien dans l’état d’innocence que dans l’état de nature déchue. Saint Thomas, remarque P. Pourrat, « accepte la doctrine des péripatéticiens, selon lesquels les passions réglées par la raison sont bonnes ; elles peuvent coexister dans l’âme avec la vertu, parce qu’en elles-mêmes elles sont indifférentes. Les passions, et la concupiscence qui en est le siège, ne sont un mal qu’en tant qu’elles sont, depuis la chute primitive, désordonnées, c’est-à-dire en désaccord avec la raison et avec la loi de Dieu… Le Docteur angélique, par cet enseignement, a orienté la spiritualité vers des vues plus modérées que celles de saint Augustin. Pour lui, à la différence de certains disciples de l’évêque d’Hippone, la sensibilité n’est pas de soi une chose suspecte dont il faille réprouver indistinctement toutes les manifestations. Si la doctrine thomiste sait éviter le rigorisme, elle ne supprime pourtant pas l’ascèse, ni la mortification. » La spiritualité chrétienne, t. ii, p. 218-219.

Au contraire, elle la révèle, en même temps que chrétienne, profondément humaine. L’homme, dans la nature pure, en tant qu’il aurait connu la lutte de la chair contre l’esprit, aurait de lui-même pratiqué l’ascèse pour faire triompher la raison en disciplinant les sens. C’est seulement grâce à un secours surnaturel que, dans l’état de justice originelle, la nature tenait facilement liées dans l’ordre toutes les forces de la sensibilité. Une fois le lien brisé, il n’est donc point étonnant que, laissées à leur spontanéité et à leur violence naturelles, les passions, pour être maintenues dans l’ordre, soumises à la raison, aient besoin du frein de l’ascèse. de la mortification et de la vigilance. Par ces moyens Seulement, le fidèle, aidé de la prière et de la grâce, peut retrouver, dans la lutte, la perfection harmonieuse, profondément humaine et divine, qu’il tenait facilement de la justice originelle, et dont il est déchu par le péché. Par l’ensemble de sa doctrine du péché originel, saint Thomas se montre donc comme le maître sagement optimiste de l’humanisme chrétien.

Ainsi, par la seule puissance de sa réflexion sereine sur les données de la tradition, a-t-il été amené à mettre en relief, louchant les forces de la raison et de la volonté de la nature humaine, laissée à elle-même, des vérités jusque-là bien moins claires. Ces vérités, l’Église les consacrera successivement dans ses définitions, en face des exagérations diverses du protestantisme, du baïanisme. du jansénisme et du rationalisme touchant la corruption ou l’exaltation des forces Haï urelleSj

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