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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. SAINT THOMAS

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comme on appelle actuel, le péché qui rejaillit de l’âme sur les membres du corps… Le péché originel n’est le péché de telle personne en particulier, qu’autant qu’elle reçoit sa nature du premier père et il est appelé à cause de cela péché de la nature, au sens où l’Apôtre dit que nous étions par nature fils de colère. l a - 1 I aB, q. lxxxi, a. 1.

Ainsi donc, de même que dans l’unité organique d’un homme, le péché qui jaillit de la volonté inscrit son empreinte dans ses membres, du fait de la liaison vitale qui unit ceux-ci à celui-là ; ainsi, dans cette multitude de membres humains qui font corps avec Adam par le lien de la génération, la volonté mauvaise du chef s’inscrit comme une empreinte coupable : « Pour saint Thomas le parallélisme est rigoureux : il se figure que tout membre de l’humanité est réellement coupable par son origine et dans sa nature de la même manière que la main d’un individu peut incarner en son acte la culpabilité de la personne… Dans les deux cas, c’est un péché par dérivation, par écoulement. Aussi, de même que le péché actuel est un seul péché dans la tête qui l’a voulu et dans les membres qui l’accomplissent, de même le péché originel est un seul péché dans le chef qui a fondé l’humanité et dans les membres qui en font partie : seulement, dans le principe, c’est la personne qui a compromis la nature, tandis que, dans la suite, c’est la nature qui a compromis les personnes. » R. Bernard, op. cit., p. 336.

c. — De cette doctrine de la transmission du péché originel par la motion génératrice d’Adam, saint Thomas déduit plusieurs conséquences :

Adam transmet la faute et la peine de son état par la cause instrumentale qu’est le semen générateur, si bien que chaque personne humaine reçoit le mal de sa nature avec cette nature elle-même. La raison en est dans cette grande loi naturelle que la motion génératrice tend à reproduire la nature dans l’état où elle se trouve dans le générateur. Ibid., q. lxxxiii, a. 1.

Or, la motion génératrice provient en Adam, et par conséquent dans ses descendants, de la concupiscence habituelle : « Le désir charnel qui assure la transmission du péché originel à la race ce n’est pas le désir actuel, car, supposé même que, par un secours divin, il fût accordé à quelqu’un de ne sentir dans l’acte de la génération aucun désir déréglé, il transmettrait encore à sa race le péché originel. Ce désir cbarnel doit s’entendre d’un désir babituel, signifiant que l’appétit sensible n’est plus contenu sous l’empire de la raison parce que le lien de la justice originelle est brisé. » Ibid., q. lxxxii, a. 4, ad 3 ura.

Tous ceux, et ceux-là seuls qui sont issus d’Adam par la motion d’une génération naturelle contractent le péché originel. Ibid., q. lxxxi, a. 1 corp. : « Le péché originel est transmis par le premier père à ses descendants dans la mesure où ils sont réellement engendrés par lui, comme les membres sont mus par l’âme dans le cas du péché actuel… Or, si quelqu’un était simplement forme de lu chair humaine par une vertu divine, il est manifeste « pic ce ne sciait pas une force active découlant d’Adam : aussi cet homme ne contracterait pas le péché originel. Pas plus que la main n’aurait part au péché de la personne humaine, si cette main était mise en mouvement non par la volont é de la personne, mais par une force extérieure. Dans la logique de ce principe, seul le Christ est excepté de la souillure originelle parce que, seul, il est soustrait à la motion du premier générateur.

Seul Adam — pour la raison qu’il est mis comme chef de la race, par la bonté divine, dans la possibilité de garder oit de ]^rlre le merveilleux apanage que Dieu voulait attacher à la nature est à même de transmettre l’étal fautif dans lequel il s’est mis à tous ses descendant s. i ne fois perdu par son premier pé< hé,

cet état merveilleux octroyé par Dieu à la nature. Adam n’a plus rien à perdre ni pour lui, ni pour ses descendants, puisque la nature, dans ses éléments essentiels, ne peut être entamée par le péché : « Les autres péchés actuels du premier père et ceux des ancêtres ne gâtent pas ce qu’il y a de naturel dans la nature, non corrumpunt naturam quantum ad id quod naturse est, mais seulement ce qu’il y a de personnel, c’est-à-dire le penchant à l’acte : aussi, ils ne se transmettent pas. » Q. lxxxi, a. 2.

En résumé, saint Thomas part d’un fait doctrinal, notre solidarité en Adam affirmée par saint Paul : il l’illustre par des analogies et montre comment nous faisons corps avec notre premier père par le lien vital de la génération ; de cette incorporation physique des membres de l’humanité au chef de la race, il déduit enfin notre union morale avec lui : le péché du chef inscrit son empreinte dans tous les membres de la race qu’il s’unit par la génération, comme la volonté de l’individu imprègne de sa moralité les membres qu’elle meut à l’action. Dans cette perspective, pas de participation impossible à la manducation du fruit défendu, pas de pacte moral qui nous oblige et nous fait démériter alors que nous n’existons pas ; pas d’inclusion morale des volontés en Adam, mais seulement une incorporation physique des membres de l’humanité au chef, qui, en plaçant ceux-là sous la motion de celui-ci, fonde leur incorporation morale en lui. Voir J.-B. Kors, p. 151-154, 165 : « Membres d’un corps dont Adam était le premier moteur, nous sommes, par lui, entraînés et amenés non à la manducation du fruit de l’arbre de la science, ce qui fut de sa part un acte personnel, ni à la corruption de la nature entière, ce qui est l’effet individuel de son acte, mais à l’appauvrissement d’une nature qui est proprement la nôtre. Par la génération, la motion se transmet d’Adam à notre nature individuelle, et c’est ainsi que nous portons chacun notre propre péché. »

Est-ce à dire qu’une analogie bien choisie suffise à lever toutes les difficultés du mystère de la transmission du péché d’origine ? Des théologiens postérieurs, comme Duns Scot, In II am Sent., dist. XXXII, 9, et Suarez, De vitiis et peccatis, disp. IX, sect. ii, 29, remarquent qu’il y a loin de l’unité spécifique de la race à l’unité numérique de l’individu, de la relation organique entre la volonté et les membres qu’elle meut immédiatement au sein de l’individu à la relation lointaine qui relie les membres de l’humanité par le lien de la génération à la volonté de leur chef ; enfin. de l’unité absolue du péché de la volonté et des membres que celle-ci entraîne à la multiplicité et à la distinction » des péchés originels de chacun au sein de l’unité de la race. Tout cela est vrai, mais il suffit qu’en face d’un mystère difficile, l’explication thomiste, mieux qu’aucune autre, aide à concevoir, par des analoint aines, l’écoulement du péché au sein de ce corps aux membres innombrables qu’est l’humanité. pour qu’elle marque un progrès dans l’intelligence de la solidarité mystérieuse de tous en Adam. Par elle, non seulement s’éclaire le fait de la transmission du d’Adam, mais encore la nature de notre culpabilité propre.

"i" l.a nature du péché originel en nous. t. Premières approximations. a) C’est un état, non un acte. Le péché se dit d’abord de l’acte transitoire contraire à la volonté de Dieu ; il se dit aussi ensuite de

l’étal de souillure morale COnsécutU a l’étal mauvais

qui persiste Jusqu’à la rémission du péché. C’est seule

ment dans ce dernier sens qu’on parle <u peche originel : nec dicuntur peecasse (n to, quasi aliquem artum

iitrs. snl in quantum pertinent a<l naturani ipsiut qu.r per peiniliim iurrupta est. Cont. gent, , I. IV, c. i n