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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. SAINT THOMAS

homme ». Cependant, l’ultra-réalisme des ix 4 el xr siècles était discutable.

Au fait, saint Thomas réfléchissant sur les systèmes imaginés pour expliquer la transmission du péché, les

trouve insuffisants parce que, assimilant trop la transmission du péché a un eas d’hérédité quelconque, ils ne se préoccupent pas de montrer le caractère coupable et volontaire de l’état transmis : » Les uns considérant que le péché a sou sié.uc dans l’âme raisonnable, ont soutenu que cette âme se transmet avec la semence, de manière que les âmes infectées semblent dériver d’une Ame infectée : d’autres, au contraire, rejetant cela comme une erreur, se sont efforces de démontrer qu’une faute des parents se transmet fort bien aux enfants… par cela seul que les défauts du corps sont transmis par les parents à leurs enfants… de même qu’un lépreux engendre un lépreux… à raison de la proportion qu’il y a entre l’âme et le corps et de la répercussion des défauts de l’âme sur le corps et vice versa. »

Tous ces essais sont pourtant insuffisants : accordons qu’il y ait des défauts héréditaires du corps et même de l’âme ; il n’en reste pas moins que ce fait même d’avoir, de race, un défaut paraît exclure toute idée de faute, puisqu’il est de l’essence d’une faute d’être volontaire. Par conséquent, à supposer même qu’il y eut transmission de l’âme raisonnable, la souillure, dès lors qu’elle ne serait pas dans la volonté de l’enfant, perdrait le caractère spécifique d’une faute obligeant à une peine… Il faudrait donc essayer autre chose et expliquer ainsi qu’il suit. » l a -ll^, q. lxxxi, a. 1.

b) Une voie nouvelle d’explication. — Cf. R. Bernard, op. cit., p. 332-340 ; J.-B. Kors, p. 110-111, 148154 ; L. Billot, dans Études, 20 janvier 1920, p. 129152 ; J. V. Bainvel, Nature et surnaturel, Paris, 1920, p. 224-235.

L’explication de saint Thomas prend son point de départ dans l’affirmation augustinienne omnes homines unus homo. Elle tend à montrer de quelle manière réelle et physique le genre humain fait corps avec Adam par le lien de la génération ; comment, par le fait même de cette unité physique, le péché du chef devient le péché des membres par une communication de la volonté de celui-ci à ceux-là. Il est traité de cette question dans la Summa contra gentes, t. IV, c. lu ; De malo, q. iv, a. 1 ; Ia-IIæ, q. lxxxi, a. 1.

a. — La Somme contre les gentils rappelle d’abord la vérité révélée d’où dépend l’intelligence du mystère : La justice originelle avait été mise dans le premier homme non comme un don purement personnel, mais comme un apanage de la nature, presque comme une propriété spécifique, velut accidens naturse speciei. Cꝟ. 1°, q. c, a. 1.

Si Adam avait été fidèle, elle devait passer de père en fils, à la façon des propriétés qui se communiquent dans la génération avec la nature ; s’il péchait, non seulement il perdait la grâce pour lui-même, mais il perdait aussi le bien commun attaché conditionnellement à sa nature et ne pouvait que transmettre la nature telle qu’il l’avait faite par son péché. Dans le péché d’Adam, il y a donc un acte personnel avec des conséquences personnelles, qu’il pouvait réparer avec le secours divin, et il y avait un état malheureux et coupable dont il ne pouvait faire sortir la nature ni en lui-même, ni en ses descendants, qu’il ne pouvait que transmettre.

Il ne s’agit donc nullement, pour saint Thomas, de nous impliquer dans l’acte personnel d’Adam, dans les conséquences personnelles que cet acte entraîne pour lui, mais dans l’état qu’il induit dans la nature déchue : saint Thomas, avec le dogme catholique « ne voit dans le péché d’Adam que l’acte d’un seul… Mais, en posant l’acte du péché, Adam induisait dans la commune

nature, encore contenue en lui comme dans sa source, une tache, une souillure… Nous avons donc tous péché en Adam en tant que, purement et simplement, nous avons tous contracté en sa personne la nécessité de recevoir en naissant, avec la nature dérivée de lui, la souillure que, par son acte, il y a induite, la tache qu’il y a laissée. C’est ce que saint Thomas exprime brièvement par ces paroles : « Un seul péchant, tous « ont péché en lui, non comme exerçant en lui un acte, « mais comme appartenant à la nature dérivée de lui, » corrompue par le péché. », non quasi aliquem aclum exercenles, sed in quantum pertinent ad naturam ipsius quæ per peccatum corrupta est. » L. Billot, art. cit., p. 146 : Sum. cont. gent., t. IV, c. lu : In JIum Sent., dist. XXXI, q. i, a. 1 corp. ; De potentia, q. iii, . ad 3um ; De malo, q. iv, a. 1 corp.

b. — Mais il reste justement à montrer comment, sans que nous ayons participé de façon personnelle à l’acte personnel d’Adam, l’état consécutif à cet acte peut être coupable en nous. Saint Thomas s’y emploie dans le passage cité du Contra gentes : < Les défauts de notre nature ont en nous raison de faute, en tant que tous les hommes sont considérés comme un seul homme, du fait de leur participation à une nature commune. Dans ce cas, le péché originel est volontaire en nous par une dérivation de la volonté du premier homme, comme l’action de la main est coupable en tant que mue par l’action du premier moteur en nous, la raison. » Ibid., c. lu ; voir aussi De malo, q. iv, a. 1 corp.

Il reprend cet argument dans la Somme. Il y montre d’abord comment, par le fait de la génération, une communauté physique profonde est établie au sein de ce grand corps qu’est l’humanité. Pour illustrer cette unité organique, il en appelle à des exemples où des individualités variées font corps : communauté, famille, genre humain : « Tous les hommes qui naissent d’Adam, nous pouvons les tenir comme un seul homme, assortis qu’ils sont dans la commune nature reçue du premier père, de même que, dans la cité, tous les membres d’une même communauté sont considérés comme un seul corps et leur communauté tout entière comme un seul homme. Porphyre lui-même dit qu’en raison de leur participation à l’espèce, plusieurs hommes ne font qu’un ; eh bien ! de la même façon, les multiples humains dérivés d’Adam sont comme autant de membres d’un seul et unique corps. »

Mais, dans cet organisme immense où, en vertu de la motion primitive, qui vient de la source de la vie, il y a toujours une poussée dynamique vers le développement de nouveaux membres dans le temps et dans l’espace, saint Thomas se plaît à voir la moralité issue de la volonté du chef dériver et s’inscrire d’une certaine façon dans ses membres. La communauté de vie physique est à la base de la communauté morale dans le péché : « Dans le corps, si l’acte d’un membre, mettons de la main, est volontaire, ce n’est pas par la volonté de la main elle-même, mais par celle de l’âme, qui est la première à donner au membre le mouvement. C’est pourquoi l’homicide que commet une main ne lui serait pas imputé à péché, si on ne regardait qu’elle et si on la tenait pour séparée du corps ; tandis qu’il lui est imputé en tant qu’elle est quelque chose de l’homme et qu’elle reçoit le mouvement de ce qui est dans l’homme le premier principe moteur. « C’est donc ainsi que le désordre qui se trouve dans cet individu engendré par Adam, est volontaire non par sa volonté à lui, fils d’Adam, mais par celle de son premier père, lequel imprime le mouvement dans l’ordre de la génération, à tous ceux de sa race, comme fait la volonté de l’âme à tous les membres du corps dans l’ordre de l’action. Aussi appelle-t-on originel ce péché qui rejaillit du premier père sur la postérité,